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« À Alep, l’Eglise est devenue comme une association humanitaire ». Entretien avec le Père jésuite Ziad Hilal

Quelle est la situation à Alep en ce moment ?

Depuis le 22 décembre 2016 et l’évacuation des rebelles de l’Est de la ville, la situation s’est un peu améliorée, mais il reste encore de nombreux rebelles dans les villages alentours. Il y a des échanges de tirs et de bombes entre Alep et la périphérie.
Malgré cela, les civils soufflent désormais, ils sortent dans les rues, ils peuvent faire des achats, les enfants sont plus tranquilles. En revanche, ni l’électricité ni l’eau ne sont revenus dans la ville. Après les combats nous avons eu dix jours de coupure d’eau qui ont été très éprouvants pour tous. Voilà pourquoi les gens ne reviennent pas pour l’instant, même si certains le veulent. D’autant plus que l’hiver a été très rude cette année, nous avons eu de la neige à deux reprises.

Que sont devenus les civils qui étaient du côté Est ?

Plusieurs milliers se trouvent dans la région d’Alep. Ils sont souvent sans abri ou logés dans d’anciennes usines. Ils sont en manque de tout. Les autres sont près d’Idleb (au sud-ouest d’Alep), à la frontière avec la Turquie, à Damas, au Liban. D’autres se sont réfugiés en Europe. Il y en a aussi qui sont restés à Alep en passant du côté ouest.
Alep Est a été quasiment détruite. Il y a une présence militaire mais les gens ne peuvent pas retourner là-bas.

Est-ce qu’il y a déjà une démarche de reconstruction de la ville ?

Aujourd’hui, parler de la reconstruction de la ville est encore prématuré tant qu’il n’y aura pas la paix dans le pays, mais nous réfléchissons avec plusieurs organisations à la reconstruction des églises et des maisons endommagées. Le nonce apostolique en Syrie, le cardinal Mario Zenari et Mgr Dal Toso, président de Cor Unum sont venus il y a trois semaines afin d’évaluer la situation.
En revanche, on ne peut pas s’attendre à un retour de l’électricité d’ici au moins un an car le réseau a été complètement détruit à cause des combats. Il faudrait des millions et des millions d’euros pour le reconstruire. Qui va payer cela ? Il faut investir dans la ville. Il faut espérer.

Comment la vie est-elle au quotidien ?

La vie coute très chère. Auparavant le dollar valait 50 livres syriennes, aujourd’hui il équivaut à plus de 520 livres syriennes, 10 fois plus ! Les aleppins manquent d’argent pour vivre, rares sont ceux qui ont un travail…. Ils ont besoin de nourriture, de fioul, il faut payer la scolarité pour les enfants, pour les étudiants à l’université, du lait pour les enfants. Il faut payer les générateurs, l’unité d’ampère pour chaque famille.

Quelle est la mission de l’Eglise dans cette situation ?

Avec la crise, sa mission a changé. L’Eglise doit être à côté des réfugiés, des déplacés, des gens marginalisés. Les Aleppins viennent non seulement pour prier, mais aussi pour avoir de l’aide. L’Eglise est devenue comme une association humanitaire. Ce n’est pas un travail facile pour les prêtres, les religieux et les religieuses mais nous assumons cela. Par exemple à Alep les six églises catholiques collaborent pour gérer ce qu’on appelle « le point du lait ». On distribue chaque mois du lait à environ 2600 enfants d’Alep. Les églises distribuent aussi un panier alimentaire, sanitaire, elles paient les frais de scolarité et le logement pour les familles.

Qui intervient pour les déplacés ?

Il y a plusieurs associations comme la Caritas et JRS (Jesuit Refugee Service), la Croix rouge, le Croissant rouge.

Pensez-vous que le retour au calme à Alep va durer ?

Je constate la volonté de la communauté internationale d’arrêter la guerre et de commencer le processus de paix pour la Syrie, car on ne peut pas parler de paix à Alep sans parler de l’ensemble du pays. Il faut que des négociations claires se poursuivent pour cesser le feu en Syrie.

Des propos recueillis par ASSM