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Chrétiens d'Orient : après la Russie, la France doit agir

Source Le Figaro Vox

Tandis qu’un nouveau ministre des Affaires étrangères prend ses fonctions, on est tenté d’évaluer à nouveaux frais la situation de la diplomatie française. Si la situation syrienne fait l’objet de nombreux commentaires, le contexte irakien retient moins l’attention des spécialistes. La France, on s’en souvient, s’était opposée à l’invasion de l’Irak, consciente que cette opération allait conduire ce pays à la destruction, rendant par ce fait l’intervention américaine illégale car non validée par le conseil de sécurité. La France avait alors fait l’objet de sanctions économiques de la part des États-Unis.

Le gouvernement irakien de Monsieur Maléki se situait davantage comme un gouvernement de revanche contre les sunnites que comme un gouvernement d’unité nationale. Ses relations avec le gouvernement français étaient détestables. Le nouveau gouvernement de Bagdad a permis de nouer des rapports plus fructueux.

Quelques jours après la tragique prise de Mossoul et de la plaine de Ninive, le ministre Fabius est venu au Kurdistan rencontrer les autorités régionales kurdes et les réfugiés, puis quelques semaines plus tard est revenu en accompagnant le Président de la République, Monsieur Hollande. Tandis que la France présidait le Conseil de sécurité en mars 2015, Paris a demandé l’inscription de la question des chrétiens d’Orient à l’ordre du jour du Conseil, la première fois depuis la création de l’ONU. Monsieur Fabius rappelait alors que «l’amitié avec les chrétiens d’Orient faisait partie de l’identité de la France».

Le 8 septembre 2015 une réunion inter-gouvernementale pour les minorités d’Orient s’est réunie à Paris, co-présidée par la France et par la Jordanie. L’Œuvre d’Orient y était associée à titre d’observateur.

Trois chapitres ont été abordés :

  • la dimension judiciaire des crimes commis en Orient,
  • la recherche de «politiques inclusives»,
  • et l’organisation de l’aide humanitaire. Cette dernière devait être financée par un fond spécialement dédié. L’Œuvre d’Orient a pu ainsi collaborer avec le centre de crise pour acheminer des fonds afin d’améliorer le logement, encore très précaire, des réfugiés de Mossoul et de la plaine de Ninive ayant fui vers le nord de l’Irak.

Pourtant cette population est aujourd’hui désespérée.

En effet, pas un mètre carré des zones de peuplement chrétien en Irak n’a été libéré. Depuis dix-huit mois que le drame de Mossoul a commencé, l’État islamique s’est considérablement développé, s’emparant de manière inexplicable de Palmyre et de Ramadi. Si cette dernière a été reprise par les forces de Bagdad, si la zone yézedie a été partiellement libérée, il n’en a rien été de la zone de peuplement chrétien, en particulier de la grande ville chrétienne de Qaraqosh. Le motif souvent invoqué est l’impossibilité de sécuriser Qaraqosh sans reprendre avant la grande ville de Mossoul. Nous pensons qu’il n’en est rien. Le Tigre, vaste fleuve difficilement franchissable, représente une frontière naturelle facile à surveiller.

Pascal_Gollnisch_par_Claude_Truong-Ngoc_juin_2015La vérité est que la zone de peuplement chrétien n’est une priorité ni pour Bagdad, soucieuse de sa propre sécurité, ni pour les kurdes soucieux avant tout du territoire autonome kurde.

La responsabilité de la communauté internationale est donc concernée. Sans elle les chrétiens ne pourront rentrer chez eux, ce qui signifierait la victoire de l’EI. L’aide apportée à Bagdad et au Kurdistan doit être liée à la libération prochaine de Qaraqosh dans les semaines qui viennent. En effet, il y a urgence. Les réfugiés sont totalement désespérés. Ils croyaient pouvoir rentrer chez eux rapidement, et ils constatent que rien ne bouge. Sans un signal fort, significatif, sur le terrain, ils voudront tous quitter l’Irak et se lanceront dès le printemps dans la folle aventure de la migration vers l’Europe. Les efforts de la réunion du 8 septembre, qui devait être prolongée par une réunion de suivi en Espagne, de même que la réunion du 23 février à Paris sur l’aide humanitaire risquent de devenir sans objet. Si les minorités quittent l’Irak, en particulier les chrétiens et les yézedis, l‘EI aura triomphé.

Cependant l’action en Irak ne se limite pas au Kurdistan. Les chrétiens subissent encore trop de discriminations dans la législation irakienne. Les efforts du Patriarche Louis Raphaël Sako pour défendre les droits fondamentaux doivent être soutenus par la communauté internationale et par les associations de défense des droits de l’homme. Puisse la prochaine venue en France de cet homme ouvert et courageux y contribuer.

Nombreux sont ceux qui, comme nous, attendent aussi du nouveau ministre Jean-Marc Ayrault de nouvelles initiatives pour la Syrie.

Après l’intervention de la Russie, n’est-il pas temps de revenir au conseil de sécurité pour donner un cadre juridique à l’action internationale contre l’EI ? Cela suppose l’élaboration de véritables propositions politiques à destination des populations sunnites, victimes elles aussi de Daech. Plutôt que de viser d’improbables solutions au plan national, il serait préférable de stabiliser des zones d’influence régionale à l’intérieur de la Syrie. Cela permettrait de faire parvenir l’aide humanitaire à la population sinistrée, et aussi de pouvoir associer les syriens, dramatiquement absents des actuelles négociations, aux décisions qui les concernent. Cela contribuerait à éviter les interventions armées de la Turquie, l’Iran et l’Arabie Saoudite qui représentent un vrai risque de guerre générale.

La priorité demeure toutefois la neutralisation de Daech et d’al Qaïda. Tout retard ne fait que compliquer la solution et renforcer l’inquiétant prestige en Europe de ces organisations. Mais cela ne sera possible qu’en sécurisant la frontière turco-syrienne, objet de tous les trafics.

Les chrétiens de Syrie et d’Irak ont besoin d’actes et non de paroles. La France doit agir. Elle doit exercer sa force de médiation. Sa crédibilité est en jeu.