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Je vous écris de Syrie…

 

Quand j’ai interrogé Robert Ménard sur l’opportunité d’aller en Syrie, je ne pensais pas que cela nous mènerait aussi loin.

Nous voilà donc partis. 21 Français qui ne savent pas très bien ce qui les attend. Dans cet avion qui nous transporte vers le sud, nous préférons parler de nos diverses motivations plutôt que des trouilles que nous taisons.

La collecte de jouets, de dons et de couvertures nous a permis d’envoyer quatre tonnes de matériel. Certes, nous aurions pu nous satisfaire de cet envoi, mais en témoignant, par notre présence, de l’amitié franco-syrienne, de la chaleur humaine en cette période de Noël, nous affirmons notre refus de tout fatalisme et nous nous opposons de la plus simple façon qui soit au cynisme de ceux qui nous gouvernent.

Nous avons, pour préparer notre périple, rencontré de nombreux interlocuteurs. L’administration française, à part la DCRI avec qui j’ai pu avoir un échange intelligent, a été décevante. Naturellement, les différents services nous ont déconseillé de partir. Ils nous ont mis en garde sur les conséquences financières et juridiques d’une telle entreprise. J’aurais aimé, une fois cet avertissement reçu, pouvoir discuter de façon approfondie pour que, conscients des risques, ces « pros » nous aident à les limiter. Mais ces fonctionnaires n’ont pas su, pas voulu répondre à ma demande.

L’Œuvre d’Orient, soucieuse de notre sécurité elle aussi, a tenté de nous dissuader. Hommes et femmes de foi, je crois malgré tout qu’ils ont compris notre action, tout en la désapprouvant. Sans doute car eux aussi savent que le salut de chacun n’est pas tant dans la survie que dans la capacité à aller au bout de ce que l’on croit juste. Personne n’ayant pu nous convaincre que notre action n’était pas juste, nous nous sommes donc mis en route.

Responsable de la protection, je suis inquiet quand je vois chacun de ceux que j’accompagne. Leurs proches comprendront-ils notre choix si cela tournait mal ? Auront-ils la force de lire des textes à même de les apaiser. Notre action n’a rien à voir avec le travail formidable que peuvent faire des religieux chrétiens en terre d’islam. Et ceux qui nous connaissent savent que nous sommes loin d’être des saints. Mais, en lisant le testament spirituel de Christian de Chergé, nous comprenons ce qui fait qu’un homme accepte un risque. En cas d’accrochage, je leur ai conseillé de ne pas se laisser prendre vivant. Pas pour économiser quelques millions à nos gouvernants, mais pour éviter que les nôtres vivent dans l’angoisse des familles d’otages.

Une fois ces précautions prises, nous pouvons nous concentrer sur l’objectif de notre mission. Le programme est plus que complet. Nous allons, par petits groupes, à la rencontre de communautés religieuses, chrétiennes bien sûr, mais aussi musulmanes. Nous témoignons de notre attachement à cette mosaïque qu’est la Syrie. Nous allons aussi à la rencontre d’étudiants, de chefs d’entreprise, de juristes. Nous échangeons avec ceux qui veulent croire que l’on peut encore vivre et travailler aujourd’hui en Syrie.

De ces échanges naîtront, je le crois, des ponts. La société civile doit reprendre ses droits en Syrie. Ces ponts serviront à cela quand les politiques de part et d’autres comprendront que leur rôle premier est de garantir la sécurité et la liberté de chacun en luttant contre ceux qui veulent imposer en Syrie, en Égypte, en Libye ou même en Europe une vision monolithique et archaïque du monde.

Enfin, ces 2.000 jouets que nous distribuons aux enfants, victimes de la guerre, doivent aussi être une invitation à un geste de paix. Ce geste veut encourager ces enfants, une fois adultes, à ne pas prendre les armes pour venger leurs pères. Ce choix, naïf, d’inviter à la paix est celui auquel invite Noël, je crois.
 
 Olivier Deméocq