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[EGYPTE] Le témoignage de Fanny : " C’est là que nous leur offrions le plus beau cadeau : notre temps "

Découvrez le témoignage de Fanny, volontaire à Ismaéllia en Egypte pendant 1 mois et demis !


Ma mission 

Me voilà de retour de ma mission d’une durée d’un mois ½ à Ismaïlia, en Égypte. Nous avons été accueillies dans un monastère de sœurs coptes, qui gère une école et un collège chrétiens. Dès la première semaine, le contact avec les sœurs s’est fait très facilement et nous avions déjà construit des liens. Elles ne parlent pourtant ni français, ni anglais (très peu…), la communication se faisait autrement : par les expressions du visage, les gestes, les intonations… ça vient naturellement. Ce n’est pas facile, évidemment, souvent on ne se comprend pas donc on ne parle pas de choses très sérieuses ou profondes. Mais on s’apprend des mots en français et arabe, et on rigole beaucoup malgré tout !

Nous prenions tous nos repas avec elles et ce sont des moments de partage privilégiés. Autrement, on ne les voit pas. Elles ont toutes une mission qui leur est attribuée par la congrégation des sœurs (responsable du monastère, de l’école, comptable, cuisine…). Elles sont une petite dizaine. Parfois elles partent et d’autres arrivent (pour des missions ailleurs ou temporairement pour des retraites). Voici une liste des sœurs les plus présentes lors de mon séjour (non exhaustive) : sœur Paula, sœur Elizabeth et sœur Sophie (les trois sœurs les plus rieuses et drôles, qui ont beaucoup rigolé avec nous et avec qui j’ai tissé le plus de liens), sœur « Sourire » (nommée comme ça parce qu’elle a un grand sourire lumineux, elle a 26 ans) et sœur Rania (toutes deux responsables des repas délicieux), sœur Germaine (83 ans), sœur Baracka (responsable du monastère), sœur Veronia (en études de psychologie), sœur Pouline (responsable de l’école, toujours aux petits soins pour que nous soyons au mieux possible).

Elles nous ont appris beaucoup de mots arabes autour de la nourriture, ainsi que le début du Notre Père ! Nous faisions des échanges de mots français – arabes. Comme elles avaient l’air assez motivées pour apprendre, nous leur avons proposé de faire un vrai cours de français. Mais après quelques essais, nous nous sommes rendu compte qu’elles n’avaient plus vraiment l’âge ni la motivation pour reprendre un papier et un stylo et étudier réellement la langue. Elles avaient l’air de préférer rester sur un apprentissage informel pendant les repas.

En revanche, les jeux de « Rumicube » ont bien perduré ! Presque tous les soirs, nous jouions plusieurs parties. C’est un jeu autour des chiffres qui ne nécessite pas de se parler pour se comprendre. Nous participions aussi aux messes le soir. Bien que ce soit en arabe, le rite copte reste proche du notre, et nous reconnaissions certaines prières.

Nous donnions des cours de français aux élèves du collège. J’avais une quinzaine d’élèves (de 10 à 15 ans) trois fois par semaine (lundi, mardi, mercredi), qui venaient sur la base du volontariat. J’avais pas mal d’appréhension à l’idée de devoir les occuper, surtout les intéresser pendant 1h30 et leur donner envie de revenir. Je passais au moins deux, trois heures à préparer chaque cours au début en essayant d’inclure de l’apprentissage de vocabulaire, des jeux, et des chansons (je trouvais des idées et des supports pédagogiques sur le site FLE notamment, puis dans mes souvenirs d’enfance pour les chansons : Henri Dès ou les comptines). L’objectif était de varier le plus possible ! Après deux, trois cours j’étais lancée, je les adorais déjà ! Ils sont très studieux et veulent vraiment apprendre, ce qui fait chaud au cœur. A chaque début de cours je révisais le vocabulaire appris précédemment. J’avais préparé des diaporamas avec les images des mots et à chaque séance je leur donne une feuille à remplir pour qu’ils puissent revoir chez eux. Ils adoraient les jeux et étaient très motivés dès que je les mettais en équipe et qu’ils devaient gagner. Surtout au time’s up et au béret ! J’avais la classe des grands, qui avait déjà quelques notions de français. J’ai abandonné l’idée de leur faire travailler la grammaire. Elle doit être à mon avis enseignée par de vrais professeurs, tant c’est une matière difficile et subtile. On a eu de très bons retours des professeurs et des sœurs sur nos cours, les élèves ont adoré. Une maman m’a dit une fois qu’un de mes élèves pleurait de ne pas pouvoir venir à cause d’une fièvre. Et en partant, ils étaient tous tristes de ne plus me revoir et me demandaient de revenir l’année prochaine…

Les professeurs nous ont proposé de se retrouver 1h avant chaque cours pour discuter, « s’habituer à notre accent » et progresser. En effet, elles sont présentes à nos cours pour nous aider si besoin (elles sont très discrètes pendant mon cours, et ne m’aident seulement si je les sollicitent, tandis que Madame Dalia par exemple était assez présente avec les petits dans le cours de Marie) mais ne nous comprennent pas toujours ! Madame Flora (directrice de l’école) et Madame Dalia parlent très bien français, mais les autres professeurs ont seulement les quelques notions suffisantes pour enseigner aux tous petits. L’été, elles ont une permanence toute la matinée qu’elles occupent en corrigeant des copies, en préparant des cours, ou le plus souvent en prenant leur petit déjeuner et en papotant !

C’était intéressant, même si nous n’avions pas toujours des choses à se dire et parfois l’impression d’être assises à ne rien faire. J’ai trouvé ça assez difficile de « ne rien faire » pour nous les jeunes d’aujourd’hui souvent hyperactifs, en recherche constante de productivité. Mais ça leur faisait vraiment très plaisir de pouvoir partager ces moments avec nous. J’ai réalisé que c’étaient des moments où Dieu nous demande de ne plus être dans la tête (à se demander si ce qu’on fait est « utile », « efficace », si on est assez « actifs » …) mais dans le cœur. Nous devions être simplement présentes avec ces femmes, à l’écoute, concentrées pour être comprises lorsque nous parlions. C’est là que nous leur offrions le plus beau cadeau : notre temps.

Nous avions pas mal de temps libre, sachant que les cours ne nous prenaient que le lundi, mardi, mercredi matin. Nous étions logées dans un petit appartement très confortable avec chacune notre chambre, une salle de bain partagée, un bureau et un petit frigo constamment rempli de fruits, de gâteaux ou de boissons que nous apportaient les sœurs (elles nous déposent à 10h ou à 16h des encas variés devant notre porte ou elles toquent). Les fenêtres de nos chambres donnaient sur le poulailler avec les coqs qui chantent au lever du jour avec l’appel à la prière. Je n’ai pas réussi à m’habituer à cela, et jusqu’à la fin de mon séjour mes nuits s’arrêtaient plus ou moins à 3 heures du matin !

Nous nous occupions entre préparation de cours, lecture, jeux de cartes, sport. Il faut savoir s’ennuyer parfois ! Le temps est long entre le petit déjeuner à 8h, le déjeuner à 14h et le diner à 20h. Nous sommes allées quelques jours à Sharm El Sheikh, une ville sur le bord de la mer Rouge qui est très appréciée des Égyptiens. Nous avions 7h de bus pour y aller et là-bas de très bons amis des sœurs ont été nos guides. C’est une ville très sécurisée, entourée de murs pour se protéger du désert du Sinaï.

Selon la famille, Sharm El Sheikh est une des plus belles villes d’Égypte pour les Égyptiens. Le rythme de vie est plus agréable, les gens sont plus détendus qu’ailleurs. Ils sont moins « tracassés par les soucis du quotidien ».  Nous sommes allées visiter une des plus belles églises d’Égypte : « The Heavenly Cathedral », construite par l’ancien pape orthodoxe. Elle est très impressionnante de l’intérieur, couverte entièrement de peintures. Malgré des discriminations « moins importantes », il y a seulement 3 églises dans cette ville, pour 300 mosquées…

Nous sommes également allées au Caire. Nous avons été accueillies par les sœurs de la même congrégation du Sacré-Cœur. C’était un grand monastère destiné à accueillir des séminaires, nous avions chacune nos chambres. Sœur Josette et sœur Nabila nous ont accueillies. Elles parlaient très bien anglais donc le courant est vite passé ! Nous avons parlé tout de suite de choses passionnantes, comme la mission de sœur Nabila au Sud Soudan qui consiste depuis plus de vingt ans à convertir les sud soudanais qui n’ont pour beaucoup aucune religion. Elle nous racontait baptiser des centaines de personnes en une fois, sur une messe se prolongeant jusqu’au milieu de la nuit. De même pour les mariages, où les hommes acceptent de ne choisir qu’une femme, contrairement à leur culture. C’est une très belle mission pour laquelle elle se sentait très engagée. Elle ne revenait qu’un mois par an au Caire.

Elles nous ont fait visiter Le Caire en une journée ! Départ 7h du matin pour les pyramides, ensuite le musée des momies, puis Old Egypt et ses sept églises orthodoxes, et enfin les rues de Khanel Khalili. Nous avons découvert les pyramides en même temps qu’elles ! C’était évidemment impressionnant. Les sept églises étaient absolument magnifiques, notamment l’église suspendue de la Vierge Marie. Le Caire est une ville très riche, avec beaucoup de monde : les immeubles poussent comme des champignons, très serrés les uns contre les autres (nous voyions en voiture des rues qui semblaient ne faire qu’un pas de large), des voitures et bruits de klaxons partout. Les égyptiens disent « Cairo Um Al-Dunya » : « Le Caire, mère du monde ».  Nous avons adoré ce séjour court mais intense au Caire !

Je reviens de cette mission avec un sentiment que je ne saurai encore nommer ou décrire. Pour être honnête, j’ai eu du mal à passer les deux dernières semaines. J’ai eu très envie de rentrer et retrouver mon confort. J’ai été étonnée de cette forme de non-adaptation, inhabituelle chez moi.

J’étais là pour être au service d’autrui, pour me donner complètement. C’est ce que j’ai fait dès que je suis arrivée, m’efforçant de faire du mieux possible pour que ma mission soit fructueuse. Au bout de quatre semaines, j’ai commencé à ressentir une certaine fatigue psychologique. Celle d’être constamment alerte du fait d’être en terre étrangère, de ne pas pouvoir parler français simplement avec les autres et de toujours avoir des difficultés à se comprendre, et de se sentir toujours « invitée » temporaire donc pas vraiment chez soi. Les sœurs ont été on ne peut plus accueillantes, on ne pouvait pas être mieux installées, mais après quatre, cinq semaines on n’est jamais encore assez à l’aise pour se sentir « comme chez soi ».

C’était difficile aussi de ne pas être libre. Nous étions très souvent confinées dans notre appartement, au rythme des sœurs. Ce n’était pas très sécurisé de sortir seules et cela les inquiétait. Le lundi de mon départ j’ai pu donner un dernier cours à mes élèves et voir les professeurs. Elles sont toutes venues me dire au revoir et nous ont offert des petits cadeaux extrêmement touchants. Ce n’était que sourires et amour, elles étaient très reconnaissantes de notre travail ici et tristes de me voir partir. J’ai aussi offert un cadeau d’adieu, un grand dessin de la Vierge Marie qu’elles ont adoré.

Je sens que j’ai laissé une marque, les personnes rencontrées ici se souviendront de nous c’est certain ! Autant que moi, d’eux. Nous venons de milieux tellement différents, tout n’était qu’émerveillements et apprentissage des deux côtés.

Si je devais réaliser une autre mission, ce serait sur un temps plus long (au moins 6 mois), pour avoir le temps de prendre mes marques et de me sentir chez moi. Je pense que c’est ce qui m’a empêché pendant cette mission de m’installer vraiment, puisque je n’étais là que quelques semaines qui passaient très vite… C’est un état d’esprit de rester plus longtemps.

Et puis, j’apprendrai la langue pour être plus proche de la population. J’ai en effet été déçue de ne pas avoir de discussions plus profondes avec les sœurs à cause de la barrière de la langue.