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[ÉGYPTE] Témoignage de Louise et Pierre-Antoine : " Se laisser dépouiller par leurs regards d’enfants et se donner sans compter est en soi une véritable épreuve spirituelle "

Découvrez le témoignage de Pierre-Antoine et Louise Costantini, volontaires en Egypte à l’institut FOWLER depuis janvier.

Louise, 23 ans, est chargée de communication. Pierre-Antoine, 25 ans, est assistant parlementaire. Jeunes mariés, ils ont décidé de donner 6 mois de leurs vies pour servir les enfants de l’Institut Fowler au Caire.


1)     Le Caire nid d’odeurs, nid de poules.

Bien arrivés au Caire !

Nous sommes d’emblée frappés par un certain nombre de choses : l’odeur de pollution envahit nos narines dès la sortie de l’avion, la circulation est effroyable et incroyablement bruyante, les rues de notre quartier sont pauvres et délabrées… Et pourtant… pourtant un charme fabuleux émane de cette ville aux couleurs éclatantes, aux mille odeurs et aux vifs éclats de voix nous guidant jusqu’aux marchés qui s’étalent et bloquent la circulation. Un ange passe ; non pardon : un âne passe sur l’autoroute. Logique !

Nous logeons au Ramses College for Girls, dans un appartement très convenable et parfaitement adapté. […] Nos deux colocataires du bout du couloir sont Madeleine et Claire, une volontaire actuelle et une ancienne de l’Œuvre, avec qui nous nous entendons déjà à merveille et qui nous ont lancé sur le tour culturel de cette immense ville si facétieuse.

En ce mois de janvier, il fait frais mais nous ne sommes pas en reste de soleil. Qu’il est agréable de visiter la cité des morts où la belle île de Zamalek sous cette lumière et cette chaleur ambiante, alors qu’en France il gèle sur les bonnets et les doudounes !

Avides de rencontres, de découvertes, de dépaysement mais surtout d’abandon et de lâcher prise, nous avons hâte de découvrir le cœur de notre mission : servir au sein de l’orphelinat FOWLER.

 

2)     Fowler

Madeleine, actuelle volontaire à Fowler, nous met en garde sur le “bizutage” qu’on va très certainement subir avec les filles. Préparés à cette éventualité, nous nous armons dès notre arrivée dans « la Maison » de notre plus grand sourire. (D’autant que Pierre- Antoine est un homme et que les filles n’en n’ont quasiment jamais approché de leur vie, à l’exception des volontaires). Nous sommes heureusement surpris de voir que tout se passe au mieux et que nous sommes acceptés très rapidement comme leurs nouveaux professeurs particuliers et aides aux devoirs. Les filles sont vives, sensibles et manquent parfois, il est vrai, de tact. Mais nous ne nous laissons pas faire et nous parvenons à adopter leurs manières, à apprivoiser leur langage parfois moqueur (rien de bien méchant) et à leur partager notre propre savoir et expérience. Elles sont très assidues aux leçons, l’autorité n’est pas un problème mais elles sont extrêmement dissipées et certaines n’y mettent pas du leur. Gageons que c’est une difficulté du début uniquement.

Celles que nous aidons sont dans une école francophone, et nous réalisons avec surprise que le niveau scolaire est très haut, nous laissant parfois muets face à un problème de maths un peu trop complexe. Les matières scientifiques notamment, sont enseignées avec deux ans d’avance sur la France : dès la 6ème les nombres complexes et la trigonométrie sont au programme.

Sœur Marie-Venise… Une femme pour les gouverner toutes. Soixante ou Soixante- cinq ans. Un Français presque impeccable. Elle déborde d’énergie et sait gérer les filles d’une main de fer. Elle est autoritaire mais sait être douce. Les filles nous l’ont confié ; elle est comme leur mère. En réalité Fowler n’est pas à strictement parler un

« Orphelinat » : très peu de filles n’ont plus de parents. Fowler est davantage un foyer où les filles aux situations familiales très compliquées trouvent refuge pour deux, cinq ou parfois dix-huit ans. Tous les âges sont ainsi représentés : de 4 à 23 ans. Ces filles, la sœur nous l’a dit, sont très marquées par la vie : abus en tous genres, extrême précarité, père assassiné ou assassin… Dans l’immense majorité des cas, le père est absent mais les filles adulent la figure paternelle. […] Au-delà des difficultés de chacune, toutes ont deux points communs : un sourire sur le visage et une croix copte tatouée sur la main. Et si le premier était la conséquence de la seconde ?

3)     Quid de la vie en communauté ?

[…] La porte du couvent des Dominicains nous est ouverte jour et nuit mais les horaires de notre mission ne nous permettent pas d’y aller beaucoup plus que pour la messe deux fois par semaine, pour une rencontre avec un des frères dans le cadre d’un accompagnement particulier, une réunion chorale et pour la SCEP. La SCEP (Société Cairotte des étudiants en prière) est un groupe de prière et de lecture de textes bibliques entre jeunes volontaires de L’Œuvre. C’est aussi un doux moyen de faire connaissance avec nos camarades volontaires. Nous apprenons à découvrir les missions des autres (qui sont principalement en mission d’éducation), à découvrir leur sourire et à nous projeter à travers ceux qui partent dans quelques mois ou quelques semaines. Cela paraît si dur de quitter sa mission ! Mais nous n’en sommes pas là. […]

Vivre avec les filles, se laisser dépouiller par leurs regards d’enfants et se donner dans nos leçons sans compter est en soi une véritable épreuve spirituelle. Il va falloir trouver dans cette mission le sens profond : certes il y a l’éducation pour l’éducation ; et puis certaines filles feront peut-être des études. Mais globalement les perspectives des filles sont le mariage « arrangé dans un salon » puis avoir des enfants (enfin des filles en attendant d’avoir un garçon !). A quoi servent donc nos leçons ? Quel témoignage, en tant que couple comme en tant qu’occidental, doit-on donner à ces filles si loin de notre monde ? Faut-il adopter toutes leurs habitudes ou leur transmettre les nôtres ? Comment leur donner tout notre cœur en sachant que dans quelques mois nous repartons ?

Bref, beaucoup de questions en ce début de mission mais le quotidien nous rappelle à l’ordre : les filles sont en pleine période d’examen et même si toutes ne sont pas à Fowler, celles qui restent comptent beaucoup sur nous. Parfois 5 heures de cours de mathématiques s’enchaînent pour Pierre-Antoine. Louise, elle, est polyvalente : aide en Français ou en Anglais, elle peut aussi être mise à contribution pour le rangement.

Bref : on ne chôme pas même si le vrai rythme reprendra mi-février seulement après la coupure de mi-année.