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Éveiller les citoyens égyptiens à la vie politique : le challenge des associations catholiques

1. OO : Mgr quelle est la situation actuellement dans votre diocèse ?

Mgr Abou EL Kheir: Nous sommes une communauté très soudée avec 23 prêtres dans le diocèse, et quatre séminaristes. Il y règne une grande solidarité et le rôle de l’Église est très important. 70% à 80% des catholiques sont pratiquants. Et les 20% restant continuent à faire partie de la communauté. Chaque famille participe financièrement à l’entretien des prêtres et à la réalisation des projets : la reconstruction de 2 églises, trop petites, le rachat de terrain alentours, un orphelinat, des centres paroissiaux… Ces projets sont plus facilement réalisables depuis la révolution : nous pouvons exprimer notre opinion.

2. OO : Quelle est la situation politique ?

Mgr Abou EL Kheir:

Le parti des Frères Musulmans est le mieux organisé actuellement, ce qui nous inquiète car gouverner le pays par le Coran limite le dialogue ! Pour le moment ils sont mesurés dans leur propos, mais comme dit Mgr Kyrillos, « qu’est-ce que cela va devenir ensuite ? ». L’Église catholique, depuis les prises de position inopportunes du pape Shenouda III lors de la révolution puis du référendum, ne préfère pas intervenir officiellement. Pour les prochaines élections, beaucoup d’incertitudes demeurent.

Une majeure partie de la population est analphabète, elle n’a pas d’opinion politique et est facilement manipulable. Les chrétiens, fort de ce constat, ont décidé de former des laïcs, venus de chaque diocèse grâce à des associations comme l’Associations des Ecoles Chrétiennes, Justice et Paix. Ils suivent un enseignement au Caire pour s’éveiller à une conscience politique et recevoir des clés de réflexion pour éduquer à leur tour leur communauté afin que chacun soit à même de voter et de choisir le meilleur candidat, qu’il soit chrétien ou musulman.

3. OO : y a-t-il un travail œcuménique entre les responsables religieux?

Mgr Abou EL Kheir: Je dis souvent une phrase qui choque : « J’ai des amis musulmans, plus que chrétiens ». Nos relations ne sont pas évidentes avec l’Église orthodoxe qui souhaite nous récupérer dans son giron. Il n’y a pas beaucoup de mariages mixtes : copte – catholique. La culture et l’éducation ne sont pas les mêmes. Les orthodoxes sont très stricts à propos de la pratique religieuse : par exemple, avant Pâques ils jeunent 50 jours ou quand un accouchement a lieu, la jeune femme doit rester à la maison 90 jours si c’est une fille, et 40 jours, si c’est un garçon. Ces coutumes n’existent pas chez nous, coptes catholiques.

4. OO : Quelles sont alors vos coutumes au moment d’un mariage ?

Mgr Abou EL Kheir: Nos coutumes ont changé, les filles ne doivent plus apporter de dot : Le mari achète l’appartement, et la fille achète les mobiliers de la chambre et de la cuisine. Les filles de familles désargentées rencontrent des difficultés à se marier mais tout le monde n’est pas pauvre, beaucoup de catholiques sont commerçants, médecins,… Et comme je le disais, il y a une grande entraide. Sur ma paroisse, une caisse a été créée pour donner aux plus démunis pour le mariage, pour s’installer,…

Le nombre d’enfants a légèrement diminué. En ville, les femmes n’ont plus que 2, 3 enfants en moyenne : c’est difficile d’élever des enfants en ville. Au village, les catholiques en ont plus, car ils ont de l’espace, du travail dans les champs… .