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Icône de l’exaltation de la sainte Croix

Selon la tradition, l’empereur Constantin (306-337) envoie sa mère Hélène à Jérusalem pour vénérer les Saints-Lieux et retrouver l’emplacement du Saint Sépulcre et de la Croix. Grâce aux renseignements transmis par la tradition orale, sainte Hélène retrouva les trois croix sur lesquelles avaient été suspendus le Christ et les deux larrons ainsi que les trois clous qui avaient servi à attacher le corps du Christ. La guérison d’une femme mourante à l’approche de la Sainte Croix permit à Macaire, patriarche de Jérusalem, de la reconnaître. L’impératrice et toute sa cour vénérèrent et embrassèrent pieusement la sainte Croix. Afin que les fidèles puissent aussi vénérer la sainte Croix, le patriarche monta sur l’ambon, prit la Croix à deux mains et l’éleva à la vue de tous, pendant que la foule s’écriait Seigneur, prends pitié.

L’icône que nous présenterons est l’œuvre de Mikhaïl le crétois, fils du peintre Polychronis de Candie (+1810) qui travailla au Sinaï et à Jérusalem. Mikhaïl s’installe près de douze ans au Proche-Orient (1809-1821), décore des iconostases, restaure de nombreuses icônes et initie des peintres locaux. Il acquiert par conséquent une grande renommée qui s’étend jusqu’à la fin du XIXe siècle. Cette icône est conservée à l’église grecque orthodoxe Saint-Nicolas à Tripoli. Malgré les origines grecques du peintre, les inscriptions en arabe foisonnent sur l’icône (titre, noms des personnages représentés, désignation des lieux). La dédicace en arabe au bas de l’icône nous renseigne qu’elle était peinte en l’année 1817 pour l’église susmentionnée. Ses dimensions sont de 43 cm de hauteur et de 30 cm de largeur.

Cette icône relate deux scènes, celles de la découverte de la croix et celle de son exaltation. En bas à gauche, deux soldats sont en train de creuser dans la terre sous la supervision de deux chefs militaires tenant une lance et en présence de deux notables juifs. À droite, au pied de l’escalier qui mène l’ambon se tient l’impératrice Hélène, tenant les trois clous dans la main droite et le sceptre de la main gauche.

Sur le registre supérieur de l’icône composé de l’ambon et de l’église du Saint-Sépulcre, figure le patriarche Macaire, vêtu des ornements épiscopaux et tenant de ses deux mains la sainte Croix. Deux diacres sont en train d’encenser la sainte Croix, en inclinant leurs têtes, signe de vénération. Le premier tient un trikiron (Τρικήριον), un chandelier à trois cierges qui se croisent, symbole du Dieu trinitaire, Père, Fils et Saint-Esprit. Le second tient un dhikirion (Διχήριον), chandelier à deux cierges qui se croisent aussi, symbole de la double nature, divine et humaine, dans l’unique personne du Christ.

Dans cette icône, Mikhaïl Polychronis accorde une importance particulière aux vêtements qui se distinguent par leur somptuosité. La représentation de l’ambon s’inspire sans doute des boiseries peintes des demeures syriennes. La bordure de l’icône est ornée des rinceaux de feuillage dorés, entrecoupés de losanges, un style qui rappelle les icônes alépines du XVIIIe siècle.  La composition iconographique de cette icône nous semble inédite. Nous n’avons pas pu trouver d’icône similaire issue du monde melkite, grec ou slave.

 

Comment la liturgie byzantine célèbre l’Exaltation de la sainte Croix ?

 

Le jour de la fête, on dépose sur l’autel la sainte Croix sur un plateau garni de rameaux de basilic et de fleurs. Pendant la grande doxologie aux matines, le prêtre prend la Croix et la tient sur sa tête, précédé du thuriféraire et des céroféraires, et la porte au centre de la nef. Le prêtre dépose la Croix sur la table préparée à cet effet, l’encense sur les quatre côtés et se prosterne trois fois devant elle. Vient après une litanie pendant laquelle on chante cinq cent fois Seigneur, prends pitié puis l’hymne Seigneur notre Dieu, nous nous prosternons devant ta Croix et nous glorifions ta sainte Résurrection et le Kondakion de la fête. Enfin, les fidèles avancent pour vénérer la sainte croix. Le prêtre se tient près de la table et leur distribue les rameaux de basilic ou les fleurs pendant que le chœur chante les stichères*  de la fête.

L’église célèbre chaque année l’exaltation de la  Croix non seulement en commémoration de son invention, mais aussi pour manifester que cet instrument de honte est devenue notre fierté et notre joie comme l’atteste saint Paul : « Pour moi, que la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste ma seule fierté. Par elle, le monde est crucifié pour moi, et moi pour le monde » (Galates 6, 14).

Merveille inouïe ! La largeur et la hauteur de la Croix sont à la mesure du ciel, puisque par divine grâce elle sanctifie l’univers;  par elle les nations païennes sont vaincues, par elle est affermi le sceptre des rois. Divine échelle qui nous permet de monter jusqu’aux cieux  en exaltant par nos hymnes le Christ notre Dieu !

– Stichère des laudes de 14 septembre

 

Charbel Nassif

* Un stichère est un texte court, en vers ou en prose, inspiré par un verset biblique et intercalé dans la récitation d’un psaume.

 

Source Narthex