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Conférence et homélie du Patriarche RaI à Marseille : l’avenir des chrétiens dans les pays du Moyen- Orient

 

Ma conférence comprend trois points et une conclusion.

 

A- Comment aborder le thème ?


1. Ce thème est posé à cause des guerres et des conflits en cours, en Iraq, en Syrie, en Palestine et dans d’autres pays du Moyen-Orient. Ils ne sont pas entre musulmans et chrétiens, mais entre musulmans Sunnites et musulmans Shiites, entre l’Arabie Saoudite et l’Iran pour des buts économiques et politico-stratégiques ; ils sont aussi entre Organisations terroristes avec des mouvements fondamentalistes, et Autorités politiques locales, entre Régimes et Oppositions. Les chrétiens en sont victimes comme beaucoup d’autres citoyens musulmans. Le nombre des chrétiens, par conséquent, souffre d’une forte hémorragie migratoire. Il est absolument nécessaire de cesser les guerres, trouver des solutions politiques aux différents conflits et établir une paix juste, globale et durable dans la région, pour encourager le retour des chrétiens à leur terres d’origine et y rester.


2. Il ne faut pas oublier que, quand nous parlons des chrétiens, nous ne parlons pas exclusivement d’individus éparpillés, mais plutôt d’Eglises tant Catholiques qu’Orthodoxes et Protestantes qui assurent la présence chrétienne, depuis 2000 ans, dans ces différents pays et y exercent une forte influence culturelle, sociale et politique, surtout au Liban, grâce à leurs structures, écoles, universités et centre socio-humanitaires.


3. Toutes ces Eglises affermissent leurs propres fidèles dans la foi chrétienne et les encouragent à rester dans leurs propres pays, pour témoigner de l’Evangile du Christ, assumant leur rôle de gardiens des racines de la chrétienté. Ils sont sûrs que tant qu’il y a l’Eglise du Christ dans le monde arabe, il y aura toujours des chrétiens. Ils sont sûrs, que Dieu ne permettra jamais que cette terre moyen-orientale, où l’histoire du salut a commencé et les Mystères Divins se sont révélés, soit vidée des chrétiens et privée de la voix de l’Evangile. Cette foi chrétienne est pour nous comme une pierre angulaire sur laquelle nous confirmons notre espérance. Cette même foi inspire notre attitude de résistance spirituelle et d’engagement pour l’avenir.

 

B – Défis et solutions

4. Nul n’ignore que les chrétiens, comme tous leurs concitoyens, vivent dans une situation d’instabilité politique, économique et sécuritaire. Elle est due aux conflits insolubles, aux guerres imposées, aux violences sans frontières, à l’avenir incertain. Les victimes sont principalement les familles comme telles et les jeunes générations. Ils ont tous un seul rêve qui est celui d’obtenir un visa étranger et quitter leurs propres pays.


5. En plus de la résistance spirituelle et morale, il faut que la Communauté Internationale et nommément l’ONU s’engage sérieusement à arrêter les guerres et trouver des solutions politiques aux conflits qui causent ces guerres et favorisent les mouvements fondamentalistes et soutiennent les organisations terroristes. Ces solutions sont connues ; il faut la bonne volonté pour mettre en priorité le bien commun et la paix entre les nations.


6. Les guerres en Irak, Syrie et Yémen ont à leur origine le conflit entre l’Arabie Saoudite, musulmane Sunnite, et l’Iran, République Islamique Shiite, pour buts économique, stratégique, politique et confessionnel. Il faut parvenir à une certaine “réconciliation” politique et une entente d’intérêts entre ces deux puissances régionales, pour ouvrir la voie à une entente nationale entre les régimes locaux et les oppositions en Syrie, Iraq et Yémen. Les reformes politiques ne peuvent pas être imposées de l’extérieur, mais décidées par la libre volonté des citoyens. Il faut d’autre part, dompter les mouvements fondamentalistes et les organisations terroristes. Nous ne pouvons pas imaginer que la Communauté Internationale soit incapable de parvenir à ces solutions.


7. Le double conflit ardent Israélo-Palestinien et Israélo-Arabe trouve sa solution politique dans différentes Résolutions du Conseil de Sécurité, émises successivement, depuis 1948. Il s’agit :


a) de reconnaître un Etat Palestinien à côté de l’Etat d’Israël et en bonne entente avec lui ;
b) d’assurer le retour des réfugiés palestiniens à leurs terres d’origine ;
c) d’obliger Israël de retirer ses troupes des territoires occupés en Palestine, Syrie et Liban.


8. Un autre grand défi est celui des déplacés et réfugiés Irakiens et Syriens. Ceux-ci sont sur la conscience de tous les pays qui ont causé, fomenté et soutenu les guerres, sous prétexte d’établir la démocratie et d’opérer des réformes politiques dans les pays du Levant qui sont maintenant complètement ravagés.
Il faut d’un côté leur montrer la solidarité socio-humaine et leur réserver le bon accueil, et de l’autre les aider à rentrer chez eux, à reconstruire leurs foyers et jouir de tous leurs droits de citoyenneté.


C- Situation du Liban


9. Je voudrais attirer Votre attention au grand danger qui menace le Liban à cause du nombre exorbitant des réfugiés : les Syriens sont un million et demi à très grande majorité musulmane Sunnite et augmentent chaque année entre 40.000 et 50.000 nouveau-nés, en plus d’un demi-million de réfugiés palestiniens. Ils constituent tous ensemble le nombre de 2.000.000 c’est à dire la moitié de la population du Liban, sur un territoire de 10.452 km2 formé de montagnes et de vallées. Le danger est économique, culturel, sécuritaire et politico-confessionnel. Pourquoi sacrifier ce pays, modèle de convivialité multiconfessionnelle et multiculturelle, de démocratie, d’ouverture et d’égalité entre les chrétiens et les musulmans ? Pourquoi ne pas pourvoir des lieux d’accueil pour les réfugiés syriens en Syrie, sachant que le territoire syrien est 18 fois plus grand que celui du Liban ? Pourquoi le Liban doit il assumer la responsabilité de tous ces réfugiés et non les autorités syriennes ?


Conclusion


10. Je voudrais Vous assurer, chers amis, que notre ferme volonté et propos est de maintenir la présence chrétienne dans le monde arabe qui est le nôtre. Car notre foi chrétienne nous le dicte, et la mission qui nous a été confiée par notre Seigneur Jésus-Christ depuis 2000 ans nous le requiert.
En même temps, nous comptons sur les pays amis dont la France en premier lieu, pour mettre en relief l’importance de la présence des chrétiens dans le monde arabe et déployer les efforts nécessaires pour arrêter les guerres, trouver les solutions politiques aux conflits et assurer le retour des déplacés et des réfugiés à leurs propres pays et propriétés.


11. Nous, les chrétiens et les musulmans du monde arabe, tenons à continuer à vivre ensemble puisque une culture commune et un destin commun nous lient. Nous sommes “appelés, comme écrit le Pape Saint Jean Paul II, à construire ensemble un avenir de convivialité et de collaboration, en vue du développement humain et moral de nos peuples. De plus, le dialogue et la collaboration entre chrétiens et musulmans au Liban peut aider à ce que, dans d’autres pays, se réalise la même démarche” (Espérance Nouvelle pour le Liban, 93).


Merci de votre attention !

 


Homélie du Patriarche Card. RAI
Marseille, Ste Messe de l’Œuvre d’Orient
En la Basilique du Sacré-Cœur
Samedi 26 novembre 2016}

“Marie demeure chez Elizabeth trois mois” (Lc 1,56)

1. La Vierge Marie, après avoir entendu l’annonce de l’Ange Gabriel d’être la mère-vierge du Fils de Dieu et celle concernant la vieille Elizabeth enceinte depuis six mois, partit tout de suite de Nazareth à Aïn Karem pour la servir. Elle “demeura chez elle trois mois”, jusqu’à la naissance de Jean, le Précurseur et Baptiste. Ainsi la grâce reçue de Dieu était pour Marie un appel au service humble et généreux. Elle nous enseigne, par son exemple que les dons de Dieu nous sont prodigués pour être partagés avec nos frères et sœurs qui sont dans le besoin, tant matériel que spirituel, moral et culturel. C’est dans ce cadre biblique que s’inscrit l’Œuvre d’Orient qui “demeure” auprès des chrétiens orientaux dans une situation de service et de partage.

 

2. Nous sommes heureux de célébrer ensemble cette Divine Liturgie aux intentions de l’Œuvre d’Orient qui célèbre cette année ses 160 ans de fondation et de service de charité, de solidarité chrétienne et de communion ecclésiale. Nous saluons son Directeur Général Mgr Pascal Göllnisch, ses Collaborateurs et les 80.000 donateurs. Nous les remercions et tous ceux et celles qui les ont précédés depuis l’an 1856. Que notre Seigneur, qui est la source de tout bien, surabonde sur eux et sur l’Œuvre d’Orient ses grâces et ses dons pour servir encore plus son Amour.

 

3. Il est de coutume que l’Œuvre d’Orient invite à célébrer une Ste Messe en Rite Oriental, pour faire découvrir aux Français le patrimoine liturgique, spirituel et théologique de chaque Eglise. Cette année, j’ai le plaisir de la célébrer en Rite Siriaco-Antiochien Maronite, avec notre Evêque Maronite de France Mgr Maroun-Nasser Gemayel, notre Procureur Patriarcal à Marseille au Foyer Franco-Libanais et curé de la paroisse N.D. du Liban, Rév. Père Jean-Maroun Kouaik et les membres de la Communauté. Sa structure liturgique est syriaque antiochienne ; sa théologie spirituelle est à la fois Christologique Chalcédonienne et Mariologique Ephésienne.

 

Nous sommes heureux de célébrer cette Sainte Messe avec la participation de S.Exc. Mgr Georges Pontier, Archevêque de Marseille et Président de la Conférence des Evêques de France, et de Mgr. Jean-Pierre Ellul chanoine du Sacré-Cœur, en la présence de Mme Hala Keyrouz Ticozzelli, le Consul Général du Liban, ainsi que celles des diffèrentes personnalités politiques, civiles et religieuses.

 

4. Cette célébration liturgique s’inscrit dans le cadre de deux évènements : le 73ème anniversaire de l’indépendance du Liban que nous avons fêté hier soir dans une réception au consulat Libanais sur invitation de Mme le consul Général à Marseille ici présente. Je lui réitère nos vœux et remercîments. Le second évènement est l’inauguration de l’annexe au Foyer Libanais, célébrée ce matin, en présence de personnalités religieuses civiles et politiques.


Puisque nous évoquons le Liban, je vous invite à prier pour que notre pays conserve son modèle de convivialité entre chrétiens et musulmans, en toute égalité, collaboration et respect mutuel. Grâce à cette spécificité, le Liban constitue dans la région moyen-oriental un élément de paix, d’ouverture et d’équilibre. C’est pourquoi, mes chers compatriotes les Libanais sont priés d’enregistrer leur état-civil auprès de notre Consulat. J’apprécie l’aide offerte dans ce sens par le curé de notre paroisse et l’institution Patriarcal maronite de l’expansion.

 

5. De par sa définition, l’Œuvre d’Orient est une organisation française, ayant une approbation pontificale, qui vient en aide aux chrétiens orientaux par le biais des évêques, des prêtres et des communautés religieuses sur le terrain. Son intervention de solidarité et de communion opère sur un double plan : le long terme et l’urgence.

 

6. Je voudrais ici exprimer, au nom des Eglises d’Orient, notre reconnaissance à l’Œuvre d’Orient, à ses membres et aux donateurs pour leurs initiatives actuelles de reconstructions tant matérielles que culturelles et spirituelles dans nos pays dévastés par les guerres destructrices de pierres et d’êtres humains.


Chers amis de l’Œuvre, Vous vous êtes montrés bien conscients de la valeur de la présence chrétienne dans ces pays et de l’importance pour eux d’y rester. Ils y sont depuis les débuts du Christianisme ; ils sont les gardiens de ses racines, les hérauts de l’Evangile du Christ qui est celui de la paix, de l’amour et de la fraternité parmi les hommes ; ils sont les vecteurs des valeurs culturelles, de pluralisme, de démocratie, des libertés civiles et des droits fondamentaux de l’homme.
Quant à nous, nous apprécions beaucoup vos différentes actions qui tendent à informer et à sensibiliser les occidentaux sur cette valeur de la présence chrétienne et sur les dangers actuels qui la menacent.

 

7. “Marie se rendit en hâte à la maison de Zacharie et Elisabeth”. Ce geste de Marie nous révèle son entière disponibilité (Lc 1 : 39) au service, elle qui s’était déclarée, à l’annonce de l’ange Gabriel, “la servante du Seigneur” (lc 1 : 38). Aux noces de Cana, elle a assumé l’attitude de servante et ainsi elle découvrit que le vin manquait. Grâce à sa demande, Jésus opéra son premier miracle (cf Jn 2 : 1-11). Ce geste de Marie nous montre aussi sa foi traduite en actions. Car “la foi sans les actes est morte”, comme écrit l’Apôtre Jacques (Jc 2 : 17).

 

8. C’est dans cet esprit que l’Œuvre d’Orient développe sa mission de service depuis sa fondation. Et ce, auprès de tous ceux qui en ont besoin, sans considération d’appartenance religieuse, dans une vingtaine de pays, principalement au Moyen-Orient, mais aussi en Europe Orientale, en Afrique et en Inde. Grâce à la générosité des donateurs, l’Œuvre a pu distribuer en 2015 plus de 14 millions d’euros. Nous remercions le Seigneur pour tout ce bien accompli en Sa Gloire.

 

9. Nous prions aujourd’hui pour tous les chrétiens du Moyen –Orient et pour leurs pays : pour que cessent les guerres et les conflits en Palestine, Irak, Syrie, Yémen et Lybie, pour qu’une solution politique soit trouvée et pour que s’établisse une paix juste, globale et durable dans la région où tous les mystères du Salut s’étaient révélés. Nous sollicitons tout cela de la Communauté Internationale, laquelle ne peut pas rester insensible aux cris et à la misère des familles sinistrées et au sort des réfugiés dispersés sur les routes du monde sans abris.

 

Que la Miséricorde de Dieu les embrassent tous et nous rende capables d’être proches d’eux avec un amour effectif. Et que la Sainte Trinité, Père, Fils et Saint Esprit en soit louée à jamais. Amen !