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L’avenir des Chrétiens du Proche-Orient : Les risques de la disparition et l’espérance du témoignage - P. Salim DACCACHE - 2008

 

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Les sociétés arabes du Proche-Orient ne sont pas des états modernes à l’européenne mais  ont de vieilles sociétés de clivages et de distinctions où l’on continue à différencier les individus selon leur religion ou confession et même selon la sous communauté comme il arrive aujourd’hui aux musulmans sunnites et musulmans chiites au Liban, en Irak et dans d’autres pays arabes. Bien entendu le statut légal de minorité et de protection des chrétiens  (comme ahl al dhimma) en vigueur dans les sociétés politiques de l’Islam classique et ottoman n’est plus visible, mais il existe quand même sur le plan social. Comme j’ai fait mon noviciat dans la Compagnie de Jésus dans notre résidence de Miniah en Haute Egypte, j’ai assisté à une scène inédite : lorsqu’un  musulman se mariait à une chrétienne copte, cette dernière, même si elle ne se convertissait pas à l’Islam,  avait le droit de sillonner les villages de la Haute Egypte sur le dos d’un chameau en cortège festif afin d’annoncer qu’une chrétienne est entrée dans le giron de la société musulmane. Dans cette même Egypte, il est interdit de construire des églises ou de ravaler les anciennes, sauf sur ordre spécial du président. L’enseignement de l’arabe par un copte est soumis à beaucoup de restrictions, car la langue arabe est celle du Coran ; de même les chrétiens ne peuvent faire grande carrière dans l’armée, une suspicion pesant sur leur patriotisme. Récemment, l’un des chantres de l’islamisme, l’égyptien Mohammad Amara, reproduisait dans la présentation d’un livre sur la loi musulmane une citation de Mohammed al Ghazali qui fait des chrétiens des kuffar, c’est à dire des impies qui avaient momentanément droit de cité musulmane ; il est vrai qu’un certain islam assimile le christianisme proche oriental à l’Occident et les chrétientés orientales aux chrétientés occidentales, pensant que les premières sont le prolongement des secondes. Cependant, comme cela a été répété maintes fois par les Patriarches Catholiques et Orthodoxes en commun et par le Pape Jean Paul II à Beyrouth en 1997, les chrétiens d’Orient sont enracinés au cœur de leur terre et de leurs montagnes car tout simplement, et même avant les musulmans, ce sont les fils d’un Orient et d’une terre sainte qui se sont islamisés progressivement. A veille de la prédication de Mahomet au début du 7e siècle, les grandes contrées du Proche-Orient étaient chrétiennes et plusieurs grandes tribus avaient adhéré à l’Eglise du Christ de siècle en siècle. La conquête musulmane de siècle en siècle a réussi vite à s’imposer comme première parmi les religions monothéistes, en faisant valoir la tolérance comme règle de dialogue et d’acceptation de l’autre. Cependant, plus que jamais, la tragique impasse en Palestine et ses répercussions sur le Liban, l’instabilité politique et sociale du Pays des Cèdres, le conflit occidental avec l’Iran, la montée de l’islamisme le plus extrême, l’occupation si ambiguë et meurtrière de l’Irak exacerbent le sentiment de frustration et la détermination à la lutte, car la question de la Palestine revêt un caractère religieux comme si Israël représentait le monde chrétien, y compris le monde oriental tandis que la Palestine occupée représente un Islam occupé qui doit lutter et dominer tous ses adversaires.

 

Les causes de l’émigration

 

Pour se résumer, essayons d’identifier les principales causes et motivations de l’émigration des chrétiens : Il a été question  plus haut de du climat d’insécurité et de violences voire de persécutions feutrées ou ouvertes contre les chrétiens surtout en Irak, en Egypte et au Soudan. Certains penseurs même chrétiens (Georges Corm) ne justifient pas mais expliquent que ces violences ne seraient pas arrivées s’il n’y avait pas l’Etat d’Israël, s’il n’y avait pas les américains en Irak, s’il n’y avait pas des régimes acquis aux américains ici et là, etc…que tout cela ne fait qu’aiguiser l’extrémisme islamique qui s’acharne contre les Chrétiens. D’autres penseurs musulmans ou chrétiens (Issam Naaman)  disent que la principale cause de l’émigration ce sont les chrétiens eux-mêmes à cause de leur pensée occidentalisée ou influencée par l’Occident, des chrétiens qui sont au service des intérêts occidentaux, ce qui fait réagir le trottoir musulman contre ces chrétiens mêmes. A ceux là, nous disons que le problème     est structurellement  interne à l’Islam qui est très divers et dont la doctrine officielle jusqu’à nos jours ne voient dans les chrétiens que des gens qui doivent être soumis comme ahl dhimma. L’imam Chamseddine disait dans un de ses livres sur le gouvernement en Islam qu’il est impossible qu’un musulman soit gouverné par un chrétien du fait que l’Islam est la religion de la souveraineté (din al Izz). Des islamistes trouveront toujours une motivation pour mener une persécution contre des chrétiens.

Un problème interne aux chrétiens et qui constitue déjà une aporie de point de départ avant le problème de l’émigration des élites est leur affaiblissement démographique par rapport aux musulmans. En moyenne au Liban  les 15 dernières années d’après une étude rançaise, 1,8 enfants  chez les couples chrétiens de toutes obédiences et 3,6 chez les musulmans de toutes confessions. Moi-même j’ai fait un sondage comparatif de Jamhour avec une école musulmane : sur 100  couples chrétiens qui ont 1 enfant il y a  25 musulmans et sur 100 couples chrétiens qui ont 2 enfants il y avait 52 musulmans ; sur 100 couples musulmans qui ont trois ou 4 enfants il y  avait 34 chrétiens. Or lorsque la natalité chez les chrétiens est si faible et que l’émigration bat son plein encouragée par certains consulats occidentaux, la situation des chrétiens ne peut qu’être préoccupante car à la base il y  a un problème de base.

 

          Il y a une cause psychologique qui provient de plus loin et là encore certains soupçonnent la main occidentale : la mémoire des massacres du Mont-Liban et de Damas ainsi que celle des Arméniens, des Grecs et des Chaldéens de 1840 à 1860.

Si on observe d’une manière objective la façon dont l’Empire      ottoman a assuré la gestion de cette diversité ethnique et communautaire, on ne peut passer sous  silence la situation stable et

confortable pour leurs élites des nombreuses et importantes minorités (Grecs, Arméniens, Chrétiens arabes d’églises orientales différentes), grâce aux réseaux d’intérêts économiques qu’ils géraient dans le commerce ottoman avec l’Europe, l’artisanat, les services, ce qui leur assurait richesse et respect. Quant à la dégradation de ces situations, elle a largement été le résultat d’une promotion sociale visible des chrétiens grâce à l’éducation et à l’ouverture à l’Occident mais encore selon certains historiens à cause des des politiques des Etats européens à l’égard de l’Empire ottoman, des conflits d’intérêt entre ces Etats et de la concurrence  à laquelle ils se livraient entre eux en Méditerranée. C’est pourquoi, il n’est pas étonnant que ces massacres, même s’ils n’ont pas atteint l’existence même des chrétiens orientaux, aient profondément impressionné les communautés chrétiennes du monde arabe, en particulier les élites très ouverte sur la culture européenne. Ils ont semé une peur qui reste toujours enfouie au fonds de l’inconscient collectif maintenu actif par des traditions d’écriture pas toujours soucieuses d’objectivité ou de nuance.  Les évènements dramatiques du Liban entre 1975 et 1990 ont renouvelé ces peurs, bien que l’origine des violences qui se sont déroulées dans le pays ait été largement due à des problèmes exclusivement politiques, notamment celui posé par la présence armée palestinienne au Liban à cette époque et les représailles militaires massives pratiquées par l’armée israélienne au Liban. Aussi, dans le contexte de déstabilisation qui continue de régner au Moyen-Orient, beaucoup de Libanais chrétiens ont-ils peur d’être à nouveau les victimes des mêmes exactions et souffrances que celles qui se sont déroulées dans leur pays depuis  1840 à intervalle plus ou moins régulier (1840-1860, 1958, 1975-1990). C’est ce qui a poussé nombre de familles chrétiennes riches au Liban ou en Egypte ou en Syrie à envoyer leurs  enfants étudier à l’étranger ou à développer des activités économiques en Europe ou aux Etats-Unis de façon à pouvoir trouver un refuge en cas de nouveaux évènements déstabilisateurs, menaçant pour la sécurité physique des familles. Que de familles ou des personnes sont actuellement en situation de départ et d’émigration au cas où une catastrophe s’abat sur le Liban !!!

 

          L’impact de l’ouverture grandissante des élites des communautés chrétiennes sur les pays occidentaux dans leurs relations avec les communautés musulmanes.

L’ouverture grandissante de l’élite des communautés chrétiennes sur la culture des pays occidentaux a historiquement contribué, notamment à partir du XIXè siècle, à l’émergence d’un sentiment de différenciation croissante, voir de supériorité, par rapport aux communautés musulmanes et même avec l’élite de ces communautés, tant que cette dernière ne s’était pas encore occidentalisée. C’est au Liban, que ce sentiment de différentiation a été le    plus fort, en comparaison avec d’autres pays comme l’Egypte ou la Syrie où la haute bourgeoisie des communautés chrétiennes de ces deux pays est restée mieux insérée dans le tissu social général commun. Toutefois, au cours des dernières décades, avec l’ouverture des couches supérieure des communautés musulmanes sur l’Occident et la culture moderne, ce sentiment

de différentiation de nature artificielle commence à s’effacer.

En effet, des milliers de jeunes musulmans syriens, égyptiens, irakiens, libanais sont partis étudier au cours des dernières décades dans les grandes capitales européennes ou aux Etats-Unis et y ont même développé des affaires et se sont assurés des positions éminentes dans la presse, les universités et les recherches académiques. De ce fait, l’élite des communautés chrétiennes arabes a perdu le monopole de la relation économique et culturelle intense avec l’Occident.

 

          L’érosion de la classe moyenne chrétienne à cause du développement général des systèmes éducatifs au Liban et dans les pays arabes.

En fait, la classe moyenne chrétienne est désormais de plus en plus inquiète pour son avenir et celui de ses enfants dans les pays où il existe des communautés chrétiennes. En Egypte, où la classe moyenne copte avait été encouragée par l’administration coloniale anglaise à entrer massivement dans l’administration et à y occuper les meilleurs postes, elle a dû prendre acte d’un recul massif de son influence dans la haute fonction publique du fait de la révolution

égyptienne sous la direction de Jamal ‘Abdel Nasser, révolution qui a ouvert la porte de l’administration à un recrutement massif de jeunes diplômés musulmans.

Le type de gouvernement révolutionnaire en Egypte, Syrie et en Irak, ainsi que la généralisation de l’éducation secondaire et l’extension considérable des universités qui sont devenues accessibles à toutes les catégories sociales de toutes les communautés, ont sans doute ouvert la voie aux musulmans pour occuper des postes prestigieux dans tous les domaines, ce qui était jusque là plutôt réservé aux éléments les mieux formés des communautés chrétiennes. La primauté dont avaient joui dans le passé les chrétiens de la classe moyenne s’est effacée au cours des dernières décades du fait du fort développement d’une classe moyenne musulmane qui est intervenu, historiquement, bien après celui de la classe moyenne chrétienne.

Toutefois, si certaines personnalités chrétiennes, issues en général des classes moyennes, ont joué un rôle majeur dans des partis nationalistes et radicaux, comme on l’a déjà évoqué, le sentiment de danger et de fragilité s’est approfondi auprès des classes moyennes, restées jusque là plus enracinée dans leur milieu naturel partagé avec les musulmans. Les mêmes comportements que ceux de l’élite et des notabilités ont été reproduits, à savoir l’émigration à l’étranger ou, en tous cas, l’envoi des enfants à l’étranger pour étudier et éventuellement s’installer définitivement dans l’émigration pour vivre dans un environnement plus développé professionnellement et culturellement.

 

          Les groupes à faible revenu et les pauvres : l’érosion de la principale base démographique.

On a trop tendance à focaliser dans l’analyse de la situation des Arabes chrétiens sur les classes moyennes et riches et à oublier les groupes de ruraux ou d’urbains pauvres, aux revenus limités, malgré que ces groupes constituent le réservoir démographique des communautés chrétiennes. Lorsque les églises locales ou étrangères s’en occupent, l’aide apportée s’inscrit principalement dans des activités caritatives. Certes, ces dernières soulagent la misère matérielle, mais ne contribuent pas substantiellement à mettre un frein à l’hémorragie de l’émigration qui, à son tour, affecte ces groupes sociaux défavorisés. Bkerké trop tournée vers l’Occident….

 

 

Comment renforcer la présence chrétienne ?

 

Les communautés arabes chrétiennes se trouvent dans un cercle vicieux dû à l’enchevêtrement et l’accumulation des facteurs psychologiques, économiques et démographiques qui entretiennent ce cercle vicieux, provoquant ainsi toujours plus d’émigration, ce qui augmente le sentiment d’angoisse et pousse encore plus à l’émigration.

La quasi disparition de la communauté chrétienne palestinienne, l’émigration massive des Iraquiens chrétiens depuis l’invasion américaine, les tensions récurrentes entre Coptes et musulmans en Egypte, enfin les évènements du Liban entre 1975-1990 et le malaise continu des communautés chrétiennes dans ce pays : autant de facteurs qui contribuent à augmenter le sentiment de fragilité psychologique et démographique des communautés d’Arabes chrétiens.

Suite à cette brève analyse, il apparaît évident qu’il convient de mobiliser les efforts des églises chrétiennes orientales qui disposent de moyens et de possibilités divers pour œuvrer à freiner l’émigration et à réduire l’état d’esprit pessimiste qui règne dans les communautés chrétiennes. Il faut pour cela travailler sur plusieurs niveaux (psychologique, socio-économique et démographique) et surtout prendre en compte les spécificités socio- économiques des trois groupes sociaux qui ont été décrits ici. Mais il faut surtout vaincre une certaine inertie qui s’est emparée des chefs des églises orientales et de leurs responsables (patriarches et évêques). Si le Moyen-Orient reste une poudrière et que les violences sont fréquentes qui accélèrent le déracinement, il n’en reste pas moins que l’attitude et les positions des chefs des églises orientales peuvent jouer un rôle majeur dans l’amélioration de l’état d’esprit psychologique dans lequel vivent beaucoup de Chrétiens de la région et qu’ils peuvent aussi œuvrer pour freiner l’hémorragie de l’émigration.

 

1) Traitement du facteur psychologique :

Compte tenu de l’importance du facteur psychologique, il incombe aux autorités ecclésiastiques de travailler à l’apaisement des angoisses, en concertation avec les élites économiques et intellectuelles des communautés chrétiennes. Pour cela, elles doivent redonner du sens à l’existence chrétienne dans l’Orient arabe. Dans cette optique, il convient que ces élites, ecclésiastiques comme laïcs, insistent toujours sur le destin commun qui lie chrétiens et musulmans dans la région, au-delà de toutes les vicissitudes et des projets d’hégémonie de certains gouvernements occidentaux sur la région qui ne peuvent réussir à la longue dans de tels projets. Il est plus particulièrement demandé aux autorités religieuses représentant les églises orientales de se désolidariser de tels projets occidentaux, encore plus lorsqu’ils invoquent des arguments de type religieux (nouveaux évangélistes) ou civilisationnels (thèse de Bernard Lewis et de Huntington)

(La présence à la tête de l’Eglise maronite depuis plus de vingt ans d’un     patriarche farouchement pro-occidental constitue un grave danger pour la communauté maronite et pour les chrétiens. Cette attitude provoque beaucoup de remous dans la communauté maronite d’autant que seuls les personnalités maronites aveuglément pro- occidentales sur le plan politique semblent avoir l’oreille du patriarcat. Le sentiment général aujourd’hui de très nombreux chrétiens est que le Patriarcat maronite ne devrait pas être aussi intensément investi en politique quotidienne, comme il l’est actuellement, ni montrer sa sympathie pour tel ou tel courant politique, afin de restaurer l’autorité morale et spirituelle du patriarcat et sa capacité d’arbitrage à l’intérieur de la communauté comme dans le pays, capacité qui n’existe pratiquement plus).

Par ailleurs, si les églises occidentales sont plus que discrètes, depuis la conclusion des accords d’Oslo, sur la question palestinienne et le statut de Jérusalem qui a longtemps mobilisé l’Eglise de Rome, il revient aux églises orientales d’agir de façon concertée afin de réclamer la préservation du caractère multiconfessionnel de la ville de Jérusalem et donc la double présence musulmane et chrétienne qui est de plus en plus menacée, alors qu’elle devrait exister sur pied d’égalité avec la présence juive, comme l’avait préconisé le plan de partage de l’ONU en 1947. Aussi, une action d’envergure des chefs des églises orientales sur la question de Jérusalem et des droits palestiniens, outre le fait d’atténuer le caractère judéo-islamique du conflit, ne peut qu’aider les communautés chrétiennes du monde arabe a sentir à nouveau que leurs vraies racines existentielles sont bien au cœur du Proche-Orient arabe. Cela permettrait aussi aux églises d’Occident de se rappeler que les racines du christianisme sont bien à Jérusalem, Antioche, Alexandrie et non point en Europe ou aux Etats-Unis.  Un engagement plus actif des églises orientales dans ce dossier brûlant du Moyen-Orient ne peut que contribuer à faire diminuer l’intensité du sentiment de fragilité et de peur vis à vis de l’environnement musulman dans une région du monde qui depuis le milieu du XIX ème siècle ne vit que dans l’instabilité, les vagues de violences et les guerres.

Le christianisme oriental doit retrouver une raison d’être dans le monde arabe pour donner une signification à l’existence chrétienne dans la région, déstabilisée depuis les interventions de puissances occidentales dans les affaires de l’Empire ottoman. D’éminents ecclésiastiques ont consacré leur vie à cette mission et nous ont laissé une œuvre considérable et remarquable, hélas délaissée par les églises orientales.

 

2) Traitement du facteur économique et social :

 

Il est urgent que les causes socio-économiques de l’émigration soient traitées, ce qu’a fait un document récent de l’Eglise maronite.

Importance du Synode de l’Eglise maronite et ses recommandations dans les affaires sociales et économiques

L’important synode de l’Eglise maronite qui s’est tenu en 2004-2005  au Liban a consacré un texte spécial (le texte 21) à « l’Eglise et l’Economie ». Ce texte rappelle les principes de l’Eglise dans le domaine économique, notamment celui en vertu duquel l’économie doit être au service de l’homme et non l’inverse. Il rappelle aussi les principes de justice, d’équité et d’éthique qui doivent régner dans la vie des affaires. Il appelle l’église maronite et les laïcs à tout mettre en œuvre pour arrêter l’hémorragie démographique par le biais de l’émigration, à conserver une vie économique active dans les zones rurales et montagneuses afin de maintenir l’existence de la communauté dans ces zones qui l’ont vu naître et se développer.

Les institutions éducatives, les universités et instituts de formation technique, dont beaucoup ont été crées et restent gérées par les églises libanaises, ainsi que par la Compagnie de Jésus, sont appelées à tout mettre en œuvre pour freiner l’exode rural, mais aussi l’émigration à l’étranger. Enfin, les propriétés importantes des églises et des couvents doivent être mises au service de ce même objectif et leur gestion doit être rendue plus efficace et plus transparente.  Notamment, le patrimoine immobilier doit servir de base au développement de projets productifs utiles créant des opportunités d’emploi aux jeunes.

A ce sujet, les recommandations adoptées à l’issue du Synode dans ses trois derniers textes (n° 20 -l’Eglise et les questions sociales, n° 21 – l’Eglise et les questions économiques, n° 23 -l’Eglise et la terre) peuvent être généralisées pour toutes les églises orientales de tous les pays arabes. Dans les zones de peuplement mixte, les églises doivent susciter des projets bénéfiques, profitant également aux chrétiens et aux musulmans habitant dans les mêmes communes rurales ou les mêmes quartiers urbains défavorisés. De telles initiatives sont seules susceptibles de réduire les tensions, voir les conflits qui peuvent surgir entre chrétiens et musulmans pauvres en compétition pour des ressources économiques trop limitées, comme c’est notamment le cas en Egypte.

 

Les Eglises orientales comme groupe de pressions

 

Il faudrait, en outre, que les autorités ecclésiastiques agissent comme groupe de pressions sur les gouvernements locaux et les assemblées locales (municipalités et préfectures) pour qu’ils se mobilisent, à leur tour, pour remédier aux situations de pauvreté extrême. Une coordination devrait même être recherchée avec les autorités religieuses des communautés musulmanes qui gèrent elles aussi des patrimoines très importants (les biens dit wakfs). En fait, seul le traitement sérieux des situations de pauvreté et d’exclusion peut éviter aux chrétiens de conditions modestes ou pauvres de se trouver pris dans des situations d’hostilités avec leur environnement musulman et, en conséquence, diminuer l’intensité des facteurs poussant à l’émigration.

Aussi, il incombe aux Eglises orientales de faire pression sur les hommes d’affaires chrétiens riches pour qu’ils mettent eux aussi en œuvre des projets productifs dans les zones rurales pauvres ou les quartiers urbains défavorisés. Les activités de bienfaisance à elles seules, quelle que soit leur importance, sont loin d’être suffisantes pour assurer la permanence de la présence chrétienne. Il est urgent d’arrêter le déclin démographique et cela ne peut se faire que si les chrétiens de condition modeste sont assurés d’un emploi stable et correctement rémunéré pour eux-mêmes et leurs enfants, ainsi que d’un environnement apaisé avec les concitoyens musulmans. La pauvreté et la marginalité, dans ce contexte, ne sont guère propices à l’existence d’un tel environnement. Aussi, en l’absence de politiques actives, les actions caritatives restent du domaine du sédatif, sans s’attaquer aux causes réelles de l’émigration. Souvent, l’aide caritative permet de survivre en attendant un visa d’émigration en l’absence d’opportunités d’emploi, ce qui a encore plus un effet indirect démobilisateur.

 

 

Adaptation du rôle du secteur éducatif pour aider à rester dans le pays

 

Au demeurant, ce qui concerne les secteurs d’éducations, enseignement et université où les églises orientales et occidentales jouent un grand rôle dans les pays d’Orient, il conviendrait que les responsables de ces institutions prêtent beaucoup plus d’attention à la nécessité de déployer tous les efforts possibles pour aider les étudiants à trouver des opportunités d’emploi stables et en rapport avec leur niveau éducatif et leur spécialisation. Dans la réalité, ces universités sont surtout préoccupées de former des étudiants capables de continuer leurs études à l’étranger ou capables d’émigrer et d’y trouver des emplois rémunérateurs. Les cursus d’enseignement sont, en effet, essentiellement centrés les disciplines demandées dans les pays éventuels d’accueil à l’étranger afin que les diplômés puissent s’adapter facilement à leur nouvelle vie dans le pays d’accueil.

Pour œuvrer dans le sens du changement requis, il faudrait que les administrations des universités et les instituts techniques établissent des contacts continus avec les chambres de commerce et d’industrie locales, les sociétés du secteur privé local, mais aussi avec les sociétés étrangères qui cherchent à délocaliser certaines de leurs activités de production ou certaines activités de service dans des pays à moindre coût, disposant de ressources humaines de haute qualité (opérations dites Off-Shoring et Outsourcing), en particulier dans le domaine des recherches technologiques, médicales, informatiques et aussi dans le secteur comptable, l’analyse financière, l’édition ou dans les centres d’information téléphonique ou la construction de sites Web et de bases de données sophistiquées, etc.…

L’importance de l’influence des églises orientales auprès des gouvernements occidentaux et des églises d’Occident Il ne fait pas de doute que les retombées négatives des politiques des grandes puissances au Moyen-Orient ont considérablement affecté l’existence des communautés chrétiennes qui ont trop souvent été instrumentalisée par elles au XIXème siècle et durant toute une partie du XXème siècle. Si les communautés chrétiennes ont profité culturellement et économiquement de l’avancée des intérêts européens en Orient, ce qui leur a donné une avance sur leurs concitoyens musulmans, le prix payé en terme de déclin démographique et de déracinement a été très fort.

Aujourd’hui, l’invasion de l’Irak et le soutien toujours plus poussé accordé par tous les gouvernements occidentaux à une politique israélienne de dénégation complète des droits palestiniens, ainsi que le martyr infligé à la population de ce qui reste de Palestine, créent toutes les conditions d’exaspération, de déstabilisation et de violences, dont les communautés chrétiennes peuvent être la victime. Les idéologies de fondamentalisme musulman répondant à la prétention occidentale d’être porteur de valeurs judéo-chrétiennes dans leur politique à l’endroit du Moyen-Orient, facilitent la transformation des communautés chrétiennes orientales en victimes expiatoires potentielles de ces politiques.

Il revient donc aux responsables des églises orientales, grâce à leurs contacts avec les différentes églises occidentales ou avec les églises orthodoxes de Grèce et de Russie, de jouer un rôle beaucoup plus dynamique dans le domaine politique, car le destin des chrétiens d’Orient exige que les conflits géopolitiques qui remontent à plus 200 ans s’apaisent. Si par contre, les gouvernements occidentaux s’obstinent à continuer leurs manœuvres d’intervention intenses dans les affaires de la région, à continuer d’occuper l’Irak, à soutenir  l’expansion coloniale israélienne dans ce qui reste des terres palestiniennes, la région restera une poudrière en ébullition et les minorités chrétiennes continueront de ressentir toujours plus d’angoisse, et de rechercher la solution à leur problème existentiel dans l’émigration, achevant ainsi un processus de disparition d’une existence historique plus que millénaire.

Il est paradoxal d’ailleurs d’entendre souvent des responsables occidentaux montrer leur sollicitude à ce que l’on appelle pudiquement les « Chrétiens d’Orient » en proposant de faciliter leur émigration vers l’Europe, le Canada ou l’Australie, mais se battre comme de lions pour que l’Etat d’Israël continue de mener sa politique de colonisation de l’ensemble du territoire palestinien. Qu’est-ce que la condamnation sans appel de la résistance du Hamas en Palestine, sinon un blanc seing donné à la politique de colonisation et au caractère strictement judaïque de l’Etat d’Israël et de Jérusalem, lieux symbolique de spiritualité des trois monothéismes?

En matière de Proche-Orient arabe, l’attitude occidentale des deux poids deux mesures atteignent des sommets d’injustice qui ne resteront pas sans conséquences historiques graves. Elle continue et accélère la nature des précédentes interventions depuis le XIXème siècle qui portent une lourde responsabilité dans la disparition progressive du pluralisme religieux et ethnique qui a caractérisé l’ensemble du Moyen-Orient depuis la plus haute antiquité.

 

 

Trois expériences de renouveau et de résistance spirituelle

 

Il est évident que ce tableau que je viens de brosser inspire plus le désespoir que l’espoir, plus la démission et l’appel à l’émigration que l’enracinement et la volonté de continuer à être la pâte dans le levain de l’humanité dans cette région du monde. D’autres facteurs internes aux Eglises, comme le repli identitaire sur soi, les clivages et les lignes de rupture ecclésiaux séculaires entre les différentes communautés chrétiennes, les préjugés et les images de l’autre dans les consciences réciproques ne font qu’affaiblir le tissu social chrétien et son énergie spirituelle. Dans tout ce cadre, nous retrouvons la conception du christianisme oriental comme christianisme témoin qui se trouve compromis. Cependant certains signes d’espérance ne manquent pas de revitaliser la vie de l’Eglise et des chrétiens ; j’en donne témoignage dans les points suivants :

 

Le Synode de l’Eglise maronite

 

Un des signes de renouveau, cette fois-ci, à l’intérieur de l’Eglise maronite est la tenue d’un synode convoqué en l’an 2003 par le Patriarche de l’Eglise et qui, après trois longues séances, s’est terminé en 2006 ; il a été préparé par une commission restreinte depuis 1998 et j’ai eu une joie intérieure d’avoir été nommé membre du comité préparatoire et j’ai dû accompagner les travaux du synode en tant que porte-parole et responsable de la commission synodale des médias. Dans les différentes séances du synode, se retrouvaient des représentants de toutes les communautés musulmanes et églises chrétiennes. Je me souviens du mot du représentant des églises évangéliques du Liban qui a demandé aux maronites de tenir compte du fait qu’ils ont toujours été des rénovateurs et des témoins du Christ et en cela ils sont la conscience du christianisme au Proche Orient. Ce synode se réunissait pour la première fois depuis 1736, année où les maronites adoptèrent le système romain des évêchés et introduisirent l’éducation obligatoire de enfants des familles maronites sous l’égide de l’Eglise. Il  ne réunissait pas seulement des évêques et des clercs mais aussi des laïcs, hommes et femmes, représentant les diocèses et certains organismes de l’Eglise ; il avait un caractère universel puisque des maronites des Amériques, de l’Europe et de l’Australie étaient convoqués à y participer ainsi que les diocèses du Proche-Orient en dehors du Liban ; en réalité,  il faut savoir que plus des trois quarts des maronites, au nombre de 4 millions dans le monde (ceux qui se reconnaissent comme maronites sachant que beaucoup se sont latinisés) vivent actuellement en dehors du Proche-Orient et constituent une diaspora très efficace surtout aux Etats-Unis. Brièvement, le synode fut un moment d’unité et de communion entre tous les membres participant au synode qui ont découvert ce que représentait cette église comme corps vivant à travers le monde. L’un des textes préparatoires les plus débattus fut celui qui parle de l’identité de l’église maronite, qui ne saurait être une église nationale ou ethnique mais qui représente une tradition et un patrimoine syriaque liturgique et spirituel, ayant des rapports privilégiés avec l’Eglise de Rome et les autres églises. D’autres textes et débats regardaient les questions libanaises éducatives, politiques et économiques locales  sous un aspect d’orientation générale et pastorale, alors que d’autres documents comme le texte sur les relations de l’Eglise avec l’Islam et les autres églises se sont intéressés à la mission évangélisatrice de l’Eglise et  sa vocation d’être témoin de la foi dans le Christ dans le monde proche oriental d’aujourd’hui dans un contexte conflictuel et difficile. Les débats furent intéressants autour du rapport entre l’église hiérarchique et les ordres monastiques qui jouent un rôle prépondérant sur les plans paroissial, spirituel et social. Les maronites de la Diaspora, qui avaient sollicité une certaine autonomie par rapport à l’Eglise mère au Liban, du fait de leur situation culturelle et ecclésiale particulière, étaient très intéressés plus par la dimension liturgique et patrimoniale que par les vicissitudes de la politique libanaise. 

 

Ce temps du synode maronite ne peut être dissocié de ce qui est vécu par les  autres chrétiens du Proche Orient : devant les difficultés du moment et surtout face à l’émigration et à la baisse démographique de leurs effectifs au Liban et vu la place privilégiée des maronites puisqu’ils forment la majorité des chrétiens au Liban, il était évident que ce synode avait une portée symbolique : les chrétiens doivent prendre conscience de leur unité qui a été bien fragilisée durant la guerre depuis 1975 et de leur force disséminée à travers le monde. Ils sont appelés au pardon mutuel et au renouveau spirituel et ecclésial, sont invités à s’enraciner dans leur terre d’Orient, à vivre en paix et respect avec leurs voisins musulmans dans un esprit de citoyenneté et à redécouvrir leurs sources spirituelles et religieuses  et  leur patrimoine culturel cumulé pendant des siècles. Ils sont exhortés à y puiser leur énergie spirituelle. De même, les chrétiens et les maronites sont appelés, suite à l’Exhortation apostolique de Jean Paul II en 1997, à s’engager au niveau du monde arabe et ses  difficultés concernant la tolérance, le respect de la femme, les droits de l’homme, le développement social et économique. Ils ont à continuer à lutter pacifiquement pour que la diversité culturelle et religieuse soit respectée dans le monde arabe et à rejeter tous les extrémismes, qui au nom de Dieu ne provoquent que destructions et haines.  Ne faut-il pas souligner ici que ces chrétiens ont été durant la dernière partie du XIXe siècle au point de départ de la renaissance de la langue et pensée arabes et que Beyrouth était et l’est toujours la capitale de l’édition en langue arabe et de l’imprimerie ?

 

Le dialogue islamo-chrétien

 

Dans ce contexte, les Eglises du Proche Orient ont retenu le dialogue avec l’Islam comme point capital de leur mission et de leur présence. Ce dialogue, au niveau de la vie, entre chrétiens et musulmans se porte assez bien et souvent fort bien dans les différents pays de la région. Le dialogue islamo chrétien de type officiel sur les différentes questions religieuses et politiques est plutôt en panne et l’on signale peu d’avancées dans le dialogue interreligieux. Le secrétaire général du comité islamo chrétien libanais soulignait dans une conférence donnée au Caire il y a quelques semaines que ce dialogue connaissait une pénurie d’idées et d’appels prophétiques ; le changement à la tête de l’Eglise catholique et le discours de Ratisbonne ont pu influencer le cours de ce dialogue. Laissez-moi vous raconter ici une autre expérience que nous avons vécue il y a exactement un mois dans notre grande chapelle de Notre-Dame de  Jamhour sur l’une des collines qui surplombent  Beyrouth : le 26 mars, à l’occasion de la fête de l’Annonciation à Marie et 20 ans après la prière d’Assisi, s’est tenue une rencontre et une prière interreligieuse, islamo chrétienne, autour de Marie, dans cette chapelle en présence d’un millier de personnes, à l’invitation de l’Amicale des Anciens Elèves de notre Collège, de Dar el Fatwa à Beyrouth, de l’Association chiite de l’imam Moussa el Sadr et d’autres associations et écoles chrétiennes et musulmanes. La télévision chrétienne du Liban a retransmis l’événement auquel a participé un grand prédicateur invité spécialement d’al Azhar en Egypte qui a parlé durant 25 minutes du mystère de Marie et sa place privilégiée dans l’Islam et le Coran. Mis à part le caractère prophétique et sans doute « provocateur »  de la rencontre et de la prière qui a été bien applaudie par beaucoup de fidèles musulmans et chrétiens, ce fut un moyen pour se connaître et de se reconnaître croyants devant le Seigneur et de même ce fut une proclamation, devant le monde tout entier, que l’on pouvait aller plus loin dans le dialogue et en faire un événement de prière commune. Devant les difficultés il faut toujours de l’espérance et comme dit Saint Paul : c’est du cœur de la tribulation que naît l’espérance. Ce dialogue fait partie de notre mission de chrétiens orientaux et il possède vital pour nous, car il s’agit d’un témoignage de paix et d’amour.

Un autre signe prometteur dans ce domaine vient du monde de l’éducation : pour la première fois dans l’existence du Liban depuis 1943, toutes les écoles privées du pays se sont réunies en 2006 dans une Union des Etablissements privées du Liban. Or dans cette union il existe des représentants de toutes les écoles musulmanes et chrétiennes, catholiques, orthodoxes et évangéliques, ainsi que de toutes les écoles laïques ; depuis une dizaine d’années existait une association des écoles chrétiennes et certaines institutions musulmanes. Mais dans la nouvelle Union, se trouve même le réseau des écoles qui sont parrainées par le parti chiite de Dieu, le Hezbollah. A l’ordre du jour de cette union, une défense de l’école privée, une meilleure volonté d’unifier les efforts sur le plan éducatif et pédagogique et une volonté de faire de l’école privée, religieuse ou non, une école au service de tous et de toute la nation qui commence par s’ouvrir     aux autres et par l’adoption d’une éducation de valeurs civiques communes.

 

La Bible, instrument d’unité et d’annonce de la Parole d’Amour

 

Il était normal de terminer ce tableau par un témoignage sur la place de la Bible dans la vie des chrétiens du Proche-Orient et le rôle pionnier des Sociétés bibliques dans la promotion de la diffusion de la Bible. Plusieurs versions existent actuellement de la Bible en langue arabe, les plus célèbres étant celle de la Société Bibliques (1880)  et celle des Jésuites (1890).  Il est vrai que la Société biblique au Liban œuvre pour la diffusion de la Bible et de son introduction dans tous les foyers, mais il faut souligner que la Société est depuis plusieurs années une institution reconnue par tous les chrétiens comme oeuvrant en leur nom pour que la Bible soit mise à l’honneur. Le nouveau bâtiment de la Société et ce qu’il contient comme facilités et les divers centres de documentation et librairies sont au service de cet objectif. Le comité directeur et le secrétariat général de la Société veut consolider sa mission oecuménique et envers toutes les Eglises : à titre d’exemple, une exposition permanente de la constitution de la Bible de l’histoire sainte attire des milliers d’élèves et de jeunes de toutes les communautés.  De même  le Comité  Directeur et l’Assemblée générale représentent toutes les églises chrétiennes sans distinction et la Bible et les éditions bibliques sont introduites dans toutes les paroisses et les écoles. Durant la guerre de juillet 2006 entre Israël et le Hezbollah, les volontaires et le personnel administratif de la Société ont distribué aux centaines de milliers de déplacés musulmans et chrétiens des milliers d’exemplaires de la Bible et de paquets de nourriture. C’était un signe que la Parole de Vie était là d’une manière discrète mais bien présente au milieu des difficultés et des catastrophes. Il ne s’agissait  pas seulement aider d’aider, mais de dire que la Parole de Dieu est une Parole d’amour qui invite au pardon et à l’amour. C’est cette Parole qui a incité des centaines de volontaires chrétiens dans tout le pays, religieuses, religieux, prêtres, pasteurs et laïcs et de beaucoup de jeunes de nos écoles, à donner de leur temps et de leur énergie afin de porter secours à leurs concitoyens musulmans surtout chiites et chrétiens chassés du sud du pays, rien qu’au nom de leur appartenance à l’Eglise du Seigneur  et de leur conscience qu’ils devaient porter leur soutien à des personnes dans le détresse ; malheureusement aujourd’hui encore, nous vivons  sous le poids psychologique et matériel  de la catastrophe qui s’est abattue sur notre pays. L’aide a afflué au moment même mais il faut savoir que des milliers familles continuent à vivre dans des conditions difficiles et que la reconstruction des villages n’a eu lieu que très partiellement.

 

 

En finale :

 

1)      Engagés aujourd’hui dans la terre de la région du Proche-Orient à côté et avec les autres communautés religieuses et les autres peuples, les chrétiens se rappellent que cet engagement est séculaire, car leur terre est la terre dans laquelle est née la Lumière, le Verbe de Dieu, Jésus-Christ. Ce n’est pas un destin aveugle qu’ils vivent, mais c’est leur vocation, leur mission et leur choix de témoigner que ce Christ est toujours vivant surtout sur une terre minée par les violences, les incompréhensions et les injustices. Cette vocation d’être témoins est rendue tragique et l’histoire rappelle que ce témoignage est vécu dans la souffrance, le don de soi, parfois dans le silence  et dans l’acceptation de ne pas assumer un pouvoir politique.

 

2)      L’insécurité et les problèmes séculaires comme le problème palestinien et des réfugiés palestiniens depuis 1948, la question irakienne d’aujourd’hui, le sous développement, jouent contre la présence des chrétiens. C’est pour dire que leur avenir ne peut être assuré qu’avec l’avènement de la paix. S’ils puisent leur force et leur authenticité dans leur tradition et leur expérience historique, dans leur foi de tous le jours, ils savent que l’avenir les appelle à devenir des défenseurs de la paix, des promoteurs des droits de l’homme et des constructeurs de ponts entre les peuples de la région, comme ils l’ont été pendant des siècles.

 

 

3)      La Bible est une parole d’espérance, là où elle est distribuée et vécue, elle est signe de présence du Seigneur et de la communauté qui témoigne de sa foi pour les autres. Par la Bible, ce sont l’espérance et la parole d’amour qui seront communiquées dans un monde qui ploie sous le fardeau de beaucoup de problèmes allant de la pauvreté extrême, à l’analphabétisme, au confessionnalisme de tout genre et à l’exclusion des autres et à la marginalisation du rôle de la femme. Le rôle assumé par les Eglises ou congrégations et sociétés bibliques  afin d’introduire la Bible aux 300 millions d’habitants du Proche-Orient et du monde arabe est important mais demeure insuffisant, s’il n’est pas bien appuyé par les amis de la Terre du Seigneur Jésus-Christ dans le monde.

 

4)      Nous voudrions voir des signes des temps dans les moments actuels que nous vivons au Proche-Orient car les chrétiens et leurs Eglises partagent plusieurs signes d’espérance : une conscience de l’unité et de la convivialité entre les chrétiens de différentes communautés fait son chemin à travers le Conseil des Eglises du Proche-Orient où toutes les églises y compris les Catholiques sont représentés et partenaires d’un même témoignage, la nécessité du dialogue interreligieux qui ne cesse de se faire et qui a besoin d’être repris dans l’esprit de vérité, de sincérité et de tolérance car le dialogue n’est pas seulement un outil de communication mais un service de la proclamation du pardon et de réconciliation, les gestes de solidarité entre les chrétiens eux-mêmes afin d’aider les plus démunis dans un esprit d’ouverture à toute homme, l’esprit de renouveau qui est en train de se faire à l’intérieur des églises

 

L’espérance chrétienne qui est chantée et louée tous les jours dans ce Proche-Orient chrétien, espérance proposée et sans cesse communiquée, c’est le fruit d’une lutte à travers l’histoire et dans l’aujourd’hui de nos vies, c’est une vertu que le chrétien du monde arabe à conquérir tous les jours en vivant profondément sa foi comme une attitude, une adhésion et un engagement, là où la loi du nombre a une importance pour un certaine domaine et ne l’a pas dans d’autres. Les chrétiens du Proche-Orient vivent comme les disciples d’Emmaüs, perdus et désemparés car l’adversité et l’échec sont  environnants, mais attentifs aux signes et gestes du Christ, convaincus qu’Il est là au milieu des siens, au cœur de la communauté qui est fondée sur la paix du Ressuscité.