• Actualités

« Le Pape vient rappeler aux chrétiens d’Orient leur mission » par Mgr Pascal Gollnisch

La visite de Benoît XVI au Liban, prévue du 14 au 16 septembre, est à hauts risques et fait régulièrement l’objet de rumeurs d’annulation. Peut-elle encore être remise en cause ?

Oui, ce voyage peut être annulé et repoussé jusqu’à la dernière minute car le souci des responsables d’Eglise, comme des autorités libanaises, est d’éviter tout incident. Pas tellement, d’ailleurs, pour la sécurité du pape que celle des fidèles. Le Saint-Père sait le danger auquel il s’expose, mais il vient au nom du Christ et personne ne peut étouffer la parole de Dieu. D’autant que cette parole ne s’adressera pas seulement aux chrétiens, mais à l’ensemble de la population et des peuples de la région. Il serait erroné de croire que les musulmans soient hostiles à cette visite et veuillent l’empêcher. Dans leur immense majorité, ils vont accueillir avec un grand respect le Saint-Père.

Ce voyage intervient alors que la région connaît des troubles intenses, notamment en Syrie. La venue du « chef des chrétiens » ne risque-t-elle pas de rajouter à la confusion ?

Le pape n’est pas un chef d’Etat comme un autre. Il se doit d’être auprès des populations qui sont dans la désespérance et la souffrance. A ce titre, il a donc bien sa place au Proche-Orient. Sa parole va vite éclairer la vraie nature de ce voyage. Benoît XVI vient dans cette région pour communiquer une espérance et aider au discernement, dégager les signes des temps dans l’apparent chaos de la situation. Nous autres, en Occident, lisons trop négativement ce qui se passe actuellement dans le monde arabe. Nous assistons à un processus par lequel ces sociétés manifestent leur désir de liberté et de dignité. Bien sûr, ce « printemps arabe » s’accompagne de violences et d’inquiétudes pour l’avenir. Mais il s’agit, en profondeur, d’un mouvement de libération…

Qui semble surtout profiter aux fondamentalistes islamiques !

Parce que ces islamistes apparaissent, pour l’instant, comme la seule alternative aux régimes dictatoriaux qui régnaient hier en Tunisie, en Egypte ou en Libye ou, aujourd’hui encore, en Syrie. Mais je ne crois pas que ces peuples aient envie d’une nouvelle dictature, fut-elle islamiste. Dans tous ces pays, les aspirations à plus de démocratie sont fortes et ne pourront être étouffées longtemps. Dans ce contexte, les chrétiens orientaux ont un rôle fondamental à jouer.

Lequel ?

Ici comme ailleurs, les chrétiens ont une mission spéciale qui est d’être au service de leur société. C’est cela que le pape vient rappeler à nos frères d’Orient. Il s’agit moins de réconforter un prétendu camp chrétien que de le conforter dans cette mission qui s’exerce sur de multiples plans. Dans la région, les chrétiens joue déjà un rôle prépondérant dans les domaines de l’éducation, de la santé, dans le travail de la promotion de la femme, de l’accueil des handicapés, de l’aide aux plus démunis ou dans le développement économique rural. Parce qu’ils ont souvent un haut degré de formation, connaissent plusieurs langues, sont en rapport avec des diasporas importantes, ils peuvent aider leurs pays respectifs à s’ouvrir sur le monde. Enfin, il faut que les chrétiens retrouvent le rôle historique qui a été le leur, dans leur société respective, pour la promotion des libertés fondamentales et de pleine citoyenneté pour tous. Benoît XVI devrait également les inviter à prendre toute part et leur place dans les grands chantiers qui attendent l’Eglise ces prochains mois avec le lancement de l’année de la foi et du synode pour la nouvelle évangélisation. Manière de rappeler que, sans eux, l’Eglise ne serait pas vraiment catholique, c’est-à-dire universelle, mais seulement latine.

Minoritaires face aux musulmans, parfois divisées, vidées par l’exil de leurs forces vives, ces communautés chrétiennes ont-elles encore les moyens de jouer ce rôle ?

Il est vrai que beaucoup de chrétiens du Proche-Orient, inquiets pour l’avenir, se posent la question de quitter leur pays. Mais ne noircissons pas le tableau à l’excès. Dans les médias occidentaux, on les présente souvent comme des minorités persécutées. Soyons clair : il n’existe pas d’action systématique et organisée de la part des musulmans pour éradiquer les chrétiens d’Orient. Ce qui ne veut pas dire que tout va bien. Ce dont souffrent, en réalité, les chrétiens ce sont principalement de discriminations. En Egypte, par exemple, la constitution interdit qu’un chrétien devienne président de la République ce qui équivaut à faire des chrétiens des sous-citoyens. Ce qui n’est évidemment pas acceptable, même si, jusqu’ici, la communauté internationale, notamment l’Europe, a fermé les yeux sur cette violation flagrante des droits de l’homme.

En Syrie, les chrétiens sont pris en tenailles entre le gouvernement et les insurgés. Jusqu’ici, les appels au dialogue lancés par Benoît XVI n’ont guère été suivis d’effets. Pourra-t-il, lors de son voyage, s’en tenir à cette position ?

La difficulté que rencontre la diplomatie vaticane, mais aussi la communauté internationale et les Syriens eux-mêmes, tient au fait que l’insurrection réunit dans une même nébuleuse des gens de bonne volonté qui luttent pour la liberté et des islamistes radicaux qui rêvent de conquérir le pouvoir par la violence. Comment se structure cette opposition ? Que veut-elle ? A qui parler ? Dans ce flou, difficile d’adopter une position tranchée. D’autant que le Vatican garde toujours le souci de ne pas nuire aux chrétiens sur place.

Lors de son voyage, Benoît XVI rencontrera aussi des responsables musulmans. Qu’a-t-il à leur dire ?

Ce qu’il a souligné, inlassablement, depuis le début de son pontificat : que musulmans et chrétiens se sont pas ennemis, qu’ils partagent la croyance en un Dieu transcendant, unique et miséricordieux. Et que cela peut et doit être source de relations positives et motif de coopération au service de la gloire de Dieu et de l’humanité.

Recueillis par Antoine d’Abbundo pour Pèlerin