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Lecture d'été [2/12] "Comme l’éclair part de l’Orient" d'Alexandre Siniakov, la recension du père Sabater

Introduction :

Les Editions Salvator nous présentent l’itinéraire d’un jeune moine orthodoxe russe du Patriarcat de Moscou. Il nait à Stavropol dans le Caucase russe, en 1981. Il nait entre deux mondes (occidental et oriental), et entre deux conceptions de l’appréhension de la société. L’Union soviétique commence à vaciller. Le Drapeau rouge, fièrement porté par l’Armée rouge à la bataille de Stalingrad et entrant le premier à Berlin, est aujourd’hui mis à mal. La vieille garde appelle un nouveau dirigeant à la tête du pays. C’est l’époque où le Président Mikhaïl Gorbatchev essaye de réformer le vaste empire de l’Union soviétique et des Pays socialistes du Bloc de l’Est. C’est le temps de la perestroïka (d’avril 1985 à décembre 1991) et de la Glasnost. Les murs vont tomber… Les campagnes profondes de Sibérie, du Caucase sont loin de ces bruits de palais et des changements… Les villages sont fermés sur eux-mêmes.

Résumé : 

Au loin, un jeune garçon, Alexandre SINIAKOV, grandit dans un sovkhoze (ferme soviétique), à Novokoumski au fin fond du Caucase dans une famille de vieux-croyants. Cette Eglise est séparée du Patriarcat de Moscou depuis le 17ème siècle. Il entre au monastère à Kostroma, près de la Volga, à l’âge de 15 ans. Dans ce qu’il refuse d’appeler des « Mémoires », il raconte comment, très jeune adolescent, il s’éprend de littérature en général  et, tout particulièrement, pour la littérature française. Il dévore en secret des romans en russe, anglais, allemand ou français. Il apprend le français grâce aux romans d’Alexandre Dumas et aux Rois Maudits de Druon. Il le parle, l’écrit et le domine aujourd’hui parfaitement. « A mon âge, écrire des mémoires est présomptueux. Le faire dans mon état de moine n’a pas de sens. Cependant, ce livre n’est pas exactement une autobiographie. Il ne peut pas non plus être une confession, celle-ci étant couverte par le secret du sacrement. Il est plutôt un témoignage de la catholicité de mon orthodoxie, écrit par obéissance, non pas à mes supérieurs, mais à mes amis », annonce-t-il d’emblée dans le Prologue. C’est ainsi que le commencement de cet itinéraire nous plonge dans le firmament étoilé sur quoi il médite de longues heures, et nous entraîne en fin d’ouvrage à cette catholicité ouverte aux dimensions du Monde.

La Providence le conduira vers Toulouse, Paris, Louvain, Cambridge où il poursuivit sa formation, puis Vienne où il fut ordonné prêtre en 2004. Il étudia à l’Institut catholique de Toulouse avant de poursuivre sa formation à Paris et à Louvain. Titulaire d’une maîtrise de théologie de l’Institut orthodoxe Saint-Serge et d’un doctorat en lettres classiques de l’École pratique des hautes études (Paris), il a enseigné à la Faculté d’études slaves à la Sorbonne. Il est ordonné diacre en 2003 puis prêtre en 2004 à Vienne (Autriche) par Mgr Hilarion, actuel métropolite de Volokolamsk et responsable mandaté pour les relations extérieures du Patriarcat de Moscou. Il a également travaillé près des institutions européennes à Bruxelles, et a été chargé par la suite  des relations œcuméniques et publiques du Diocèse de l’Église russe en France. Il est aujourd’hui Supérieur du Séminaire russe orthodoxe Sainte-Geneviève à Epinay-sous-Sénart près de Paris, Séminaire qu’il créé en 2008. Il a alors 27 ans !

Le livre ne se prête pas aux grandes déclarations dogmatiques, théologiques et spirituelles. Ce serait davantage une contemplation à cœur ouvert à partir de sa passion pour les langues et de sa soif d’apprendre et de lire. Sous les réverbères discrets de cette petite localité, dans des lieux intimes choisis par le jeune adolescent se dessine déjà une vie donnée et fondée dans des valeurs profondes telles que  l’amitié fraternelle, la paternité comme fondement de toute vie, la beauté de la création, l’amour des animaux (les ânes !), la parole donnée, la méditation de l’Evangile, la divine Providence, l’expérience mystique, l’œcuménisme, le zèle évangélique, Boulgakov, Harry Potter… Là est bien le tournant de sa vie… Il aurait pu être un jeune russe lettré et parfait connaisseur de plusieurs langues étrangères. Le jeune caucasien est retourné par la lecture de l’Évangile. Sa vie bascule. Dès lors, il sera comme un cerf altéré cherchant l’eau vive. Amoureux de la France et de la littérature produit par ses fils, passionné par les langues pour mieux rejoindre le monde, enraciné dans la tradition orthodoxe russe, Alexandre SINIAKOV se plonge dans l’univers évangélique. C’est une rencontre…, mieux une révélation !!! « J’ai été ébloui par le rayonnement de cette Parole, venue du fond des âges, tenue pour éteinte, mais en réalité toujours vibrante et remplissant tout ce qui était autour de moi ».

L’auteur :  

Le Père Alexandre nous ouvre les portes de la spiritualité de l’Orient chrétien, avec des références nombreuses aux Pères de l’Eglise. Il nous parle aussi des noms et des grandes figures spirituelles orthodoxes. Ce jeune aux idées claires, certainement inclassable, est l’homme de l’ouverture à l’instar de celui qui l’a ordonné. Pétri de littérature, ouvert aux dimensions du monde, à l’écologie, il sait aussi regarder avec un œil délicat et serein le besoin d’entrer plus avant dans la recherche de l’Unité entre les Eglises séparées. Sans doute que la vie partagée avec les Frères Dominicains, ses études dans des Instituts catholiques et orthodoxes lui donnent ce regard nécessaire… Il n’évoque pas, ici, de quelconques contradictions mais des expériences qui font grandir l’amour dans l’Eglise du Christ bien au-delà des divisions, des ruptures et des blessures. Le jeune Caucasien, libre et fier, silencieux et pétri de douceur, nous invite à guérir de cela…; et ainsi marcher ensemble vers « une réconciliation à venir ». Les jeunes séminaristes orthodoxes d’Epinay-sous-Sénart ont de la chance de pouvoir bénéficier de ce bel enseignement, de cette spiritualité profonde et nourrie de la prière de ce jeune prêtre russe. C’est aussi une opportunité, pour nous catholiques, de pouvoir échanger avec cet homme de Dieu ouvert et bon.

Ce bel ouvrage profond, et si bien écrit, nous plonge avec beaucoup de douceur et de délicatesse dans la spiritualité orientale. Sa lecture est facilitée par une plume fine qui est jubilatoire, et qui fait beaucoup de bien…

Alexandre SINIAKOV, Comme l’éclair part de l’OrientEd. Salvator. Paris, Sept. 2017. 196 pages. 18,90 €

Père Patrice Sabater,