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« L’enseignement catholique francophone au Moyen-Orient est menacé »

La Croix : Que représente l’enseignement catholique au Moyen-Orient ?

Michel Petit de la Pérelle : Un formidable vecteur de la francophonie ! Au Liban, 325 écoles catholiques – dont 250 entièrement francophones – gérées par une trentaine de congrégations, scolarisent 250 000 élèves, soit plus de la moitié des petits Libanais : 40 % d’entre eux sont musulmans.

En Égypte, 177 écoles catholiques scolarisent 150 000 élèves, parmi lesquelles 50 délivrent leur enseignement en français. À côté des deux grands collèges de garçons – celui des jésuites, et celui des Frères des écoles chrétiennes au Caire – une foule d’écoles de filles enseignent le français aux Egyptiennes. La Terre sainte accueille, elle, 50 établissements dont 35 francophones sur le territoire du Patriarcat latin. Et en Turquie, on trouve encore six écoles catholiques de congrégations (dont 3 gérées par les Frères des écoles chrétiennes) à Istanbul et Izmir : les élèves sont à 97 % musulmans. Quant à la Syrie, nous n’avons plus d’informations fiables sur la situation.

La contribution de ces écoles catholiques n’est-elle pas aussi citoyenne ?

Michel Petit de la Pérelle : Si bien sûr, ces établissements sont avant tout des lieux précieux pour éduquer au vivre-ensemble, au dialogue interreligieux, à la citoyenneté. Grâce à leur enseignement de qualité, à l’implication des religieux et religieuses qui les gèrent, ils jouent un rôle important pour la place de la femme, le développement personnel des enfants, l’apprentissage du respect mutuel.

D’ailleurs, les familles musulmanes ne s’y trompent pas et elles sont nombreuses à vouloir y inscrire leurs enfants, y compris les responsables politiques quelle que soit leur étiquette… Tous connaissent les valeurs défendues par ces écoles et savent que la liberté de conscience y est respectée.

La France est-elle consciente de l’importance de ce secteur pour la francophonie ?

Michel Petit de la Pérelle : Dans le discours, oui, mais dans la réalité, c’est plus compliqué. Beaucoup de ces établissements ont des difficultés financières : parce que les États n’ont plus d’argent et ne les subventionnent que de manière symbolique, et parce que les familles – frappées par la crise – ne peuvent plus payer. Pour le moment, les congrégations se débrouillent : les établissements élitistes de centre-ville font vivre cinq ou six écoles dans la montagne libanaise ou en Haute-Egypte. Mais la situation n’est pas viable dans la durée.

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En outre, l’homologation comme établissement francophone coûte cher et les instituts culturels français n’apportent plus la même aide qu’avant pour former les enseignants en français.

Quelles solutions imaginer à l’avenir pour préserver ce réseau ?

Michel Petit de la Pérelle : Pendant ce colloque, nous avons étudié plusieurs pistes. Des réseaux privés se créent, comme le réseau Barnabé par lequel des écoles françaises aident celles de Terre sainte, ou Francophonia-Liban. L’Œuvre d’Orient, dont c’est la mission initiale, apporte aussi une contribution, mais elle n’est qu’une goutte d’eau par rapport aux besoins.

Il faut donc le reconnaître : l’avenir restera un gros point d’interrogation. Ce secteur est menacé sans un engagement fort des instances chargées de la francophonie. Or, pour le moment, celles-ci, comme le quai d’Orsay, observent tout ceci avec beaucoup de détachement. C’est très préoccupant.