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« L'histoire des chrétiens en Orient n'est pas enfermée dans nos calculs » de Mgr Pascal Gollnisch

Un article publié dans la Croix

«Chrétien, je puise dans ma foi la force de l’espérance. Celle-ci peut se justifier pour l’au-delà, pour les fins dernières. Mais pourquoi espérer pour ce monde dans lequel nous poursuivons notre route, pèlerin ou vagabond ? Je pourrais répondre: parce que je crois en la vie, en l’homme, en la beauté du monde. Mais on me traitera d’idéaliste, de doux rêveur. Il me faut fonder ce qui nourrit mon espérance pour ce temps d’aujourd’hui.

Le président Mitterrand avait écrit : “Je crois aux forces de l’esprit.” Je ne sais ce qu’il pensait derrière cette expression. Je crois à la force de l’Esprit qui agit dans l’histoire. Je crois que l’histoire a un sens, non pas un sens dont nous aurions l’équation entre nos mains, un sens qui pourrait entrer dans nos prévisions et nos programmations, mais un sens qui se dessine peu à peu, parfois avec des détours et des ruses. Je crois à la force de la Vérité. “Qu’est-ce que la vérité?” – ainsi parlait Pilate, désabusé, à Jésus. Les Pilate sont sans vérité, mais aussi sans espérance.

Nous avons été témoins, au XXe siècle, d’un événement aussi considérable qu’inattendu: la chute de l’Union soviétique. Personne n’avait imaginé (il y a toujours beaucoup de prophètes après coup…) une telle révolution pacifique venant de la tête du Parti communiste russe. Il est des moments où les peuples s’emparent de leur histoire, parfois confisquée par les élites. Je crois que c’est ce qui se passe en Tunisie et en Égypte face aux Frères musulmans. Personne ne pourra plus diriger l’Égypte comme avant, car chacun sait aujourd’hui la force de la volonté du peuple égyptien.

J’espère pour le Proche-Orient, car je crois que les peuples qui le composent ne veulent pas la guerre ni la violence extrême qui l’ensanglantent. Les chrétiens, bien sûr, mais les musulmans aussi. Ce qui est particulièrement choquant en Syrie, c’est la confiscation du destin des Syriens par le pseudo-État islamique ou par Al-Nosra, mais aussi par les grandes puissances qui décident pour la Syrie sans elle, comme jadis le sort des Balkans ou de la Grèce se décidait à Paris, Londres ou Berlin.

L’histoire de l’Orient, et des chrétiens en Orient, n’est pas enfermée dans nos calculs. L’histoire ne nous appartient pas. Un jour, la Vérité surgit et la Vérité nous rend libre. Un jour, les peuples peuvent demander des comptes. Je suis convaincu qu’ils ont en eux-mêmes la clé de leur avenir. Les musulmans dans leur majorité désirent que leur pays avance vers plus de modernité et de liberté. Beaucoup souhaitent le maintien de la présence chrétienne. Arrêtons de croire que les plus extrémistes sont les porte-parole de la majorité. Si “un dur combat contre les puissances des ténèbres passe à travers toute l’histoire des hommes” (1), ce combat est d’ores et déjà gagné par l’Esprit de vérité. En discernant dans les événements les signes de sa présence, nous fondons notre espérance et notre action. »


(1) Vatican 2, Gaudium et spes n° 37.