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[LIBAN] Le témoignage d'Antoine et Sibylle : " La découverte du Liban en profondeur c’est aussi tout simplement une leçon d’humilité, de ténacité et d’amour "

Antoine et Sibylle, jeunes mariés, sont volontaires au Liban depuis 4 mois. Ils ont mis leur travail de côté pour soutenir l’Association Message de Paix auprès des personnes âgées et des jeunes handicapés.


Avec Sibylle, nous nous sommes mariés en juin dernier et nous souhaitions après notre mariage, vivre tous les deux une expérience humanitaire forte, tournée vers les autres. C’est un souhait que nous avions formulé au moment de nos fiançailles et que nous avons pris le temps de murir pendant 1 an. Convaincus que cette expérience permettrait de renforcer notre couple, mais aussi qu’elle contribuerait à la mise en œuvre de notre promesse que nous nous sommes faite lors de notre cérémonie de mariage : essayer de toujours mettre au cœur de notre quotidien le service de notre prochain dans la joie et la simplicité, c’est avec enthousiasme, force, complicité et surtout mille idées en tête que nous avons atterri dans les montagnes de Bikfaya à une vingtaine de kilomètres de Beyrouth il y a maintenant un peu plus de deux mois !

L’association Message de Paix 

L’association Message de Paix est une association qui vient en aide aux personnes atteintes d’un handicap physique et mental afin de leur apporter un accompagnement personnalisé selon les possibilités et compétences de chacun.

Pour répondre aux besoins de ces personnes atteintes d’un handicap, Message de Paix a créé 3 centres différents :

  • Le centre de Bikfaya : créé en 1997, ce centre permet aux jeunes qui en ont la possibilité de travailler avec un suivi personnalisé. Il existe 3 ateliers de travail : un qui consiste en la fabrication de bougies, l’autre en la décoration de ces bougies et enfin le dernier qui est un atelier de cuisine dans le restaurant du centre. Pour les jeunes ne pouvant pas travailler, des classes ont été mises en place afin de leur permettre d’apprendre à leur rythme : mathématiques, français, arabe littéraire, dessin, chants, jeux…
  • Le centre de Maad : ce centre à ouvert en août 2021. Il est destiné aux personnes handicapées n’ayant plus de famille à cause de leur âge avancé. Il s’agit en quelques sorte d’une maison de repos pour personnes handicapées. Diverses activités sont organisées dans ce centre tout en prenant en compte les capacités de chaque pensionnaire.
  • Le centre de Beyrouth : les activités de ce centre débuteront en novembre 2021. Il accueillera des personnes qui ont un handicap plus léger. Ces jeunes n’ont, pour la plupart, pas eu d’accompagnement ou d’aide depuis leur plus jeune âge. Une formation poussée et des accompagnements personnalisés auront pour but de leur donner, à eux aussi, l’opportunité de trouver un travail et de se débrouiller seuls.

Notre mission 

De notre côté, nous sommes amenés à nous déplacer dans ces 3 centres. Notre point d’ancrage est le centre de Bikfaya et nous vivons d’ailleurs dans un appartement situé à quelques mètres de ce centre. Pendant les deux premiers mois de notre mission, nous avons eu des missions assez différentes.

Notre premier mois était dans le centre de Bikfaya. Il fut légèrement particulier car nous sommes arrivés à la fin de la période du Covid-19 (les activités du centre ont été totalement suspendues pendant 6 mois). Seuls quelques jeunes sont restés au centre pendant cette période. Nous avons vécu avec eux les deux dernières semaines de cette période covid. Les deux semaines suivantes, les jeunes étaient en vacances, nous avons donc participé aux différents ateliers de l’association et notamment à la fabrication des bougies. Cela nous a permis de nous familiariser avec l’ensemble des activités du centre et de rencontrer tous les membres de la grande famille de Message de Paix.

Après ce premier mois d’acclimatation, nous sommes partis pendant un mois au centre de Maad pour aider au lancement de ce nouveau centre. Le but de notre présence était d’assister dans l’organisation des activités, de chanter avec les jeunes, de rire, de communiquer par les gestes et de les aider dans les activités du quotidien : donner les douches, les aider à s’habiller, les aider à marcher…Durant ce mois nous avons aussi aidé à tisser des liens avec les habitants du village. Les personnes âgées du centre de Maad sont 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 dans le centre, elles sont donc très heureuses de pouvoir sortir, de prendre l’air et de rencontrer de nouvelles personnes. Nous avons de la chance, les français sont très appréciés au Liban, cela facilite donc grandement les rencontres ! Les habitants se sont montrés très accueillants et proposent maintenant régulièrement des visites et des activités pour les jeunes.

Cette expérience d’un mois entier au centre de Maad n’a pas été forcément facile tous les jours car nous étions avec des personnes âgée atteintes d’un handicap conséquent. Les journées sont parfois longues, et malgré notre tonne d’idées en tête, le rythme est lent et nous devons souvent renoncer aux activités à cause de la fatigue et du manque de volonté de certains. Maad est un centre isolé dans les montagnes du Liban et trouver une occupation en permanence n’est pas forcément chose facile. Avec Sibylle, nous avons compris petit à petit que notre fougue, notre dynamisme et notre entrain n’étaient pas forcément toujours une bonne arme dans toutes les situations et que nous devions aussi apprendre à lâcher prise, à s’abandonner à un sourire ou à un regard pendant une dizaine de minutes ou alors juste rire avec eux de moments incongrus que nous partageons !

Depuis mi-septembre, nous sommes revenus pour la rentrée à Bikfaya. Nous restons principalement dans ce centre, car c’est celui qui nécessite le plus de travail. Nous montons deux matinées au centre de Maad et nous descendrons une matinée au centre de Beyrouth à partir de fin octobre. Il est important que nous soyons présents dans les 3 centres pendant la semaine car nous avons maintenant tissé des liens avec les jeunes. Nous vivons avec eux du petit déjeuner au diner, nous apprenons à les connaître et nous développons des liens particuliers avec chacun d’eux. Nous faisons maintenant partie de leur quotidien. A titre d’exemple, nous ne sommes pas allés à Maad pendant un mois et quand nous sommes revenus, les jeunes nous ont accueillis à bras ouverts, avec des sourires jusqu’aux oreilles ! C’est à ce moment que l’on comprend réellement le sens de notre mission et la puissance d’être « présent » en toute simplicité.  Nous comprenons maintenant que les jeunes ont une sensibilité particulièrement importante, qu’ils ressentent énormément de choses et qu’ils voient en quelques minutes si quelqu’un n’est pas heureux ou tourmenté par quelque chose. Nous avons compris que notre réelle utilité est d’être au quotidien avec eux, de rire, de chanter, de courir, d’écouter, de parler, et d’effectuer des gestes d’affection.

Notre rôle durant la journée, vous l’aurez compris, est d’être une présence, de participer à l’ensemble des activités avec les jeunes, de vivre avec eux au quotidien que ce soit dans les classes ou dans les ateliers de travail. Notre rôle est d’être partout dans le centre, d’être disponible à tout moment pour eux, d’être là pendant les pauses, d’être là pendant les repas, d’être là pendant les jeux, d’être là pendant les douches, d’être là au moment de les coucher ou de les lever, bref de leur montrer qu’on les aime et qu’on est avec eux dans leur joie et leur peine !

[…] une fois le choix fait de s’abandonner à son prochain et de lâcher prise, alors d’autres horizons apparaissent et c’est ça qui rend réellement heureux, ce sont des grands moments que l’on peut vivre dans des petites choses, c’est la joie d’un sourire, un trait plus prononcé sur le visage d’un jeune qui communique à sa manière car il a compris que 4+3=7.

La réalité du Liban 

Nous sommes arrivés au Liban durant l’une des pires crises économiques, politiques et financières du pays. Plusieurs personnes que nous avons rencontrées nous ont dit qu’ils préféraient revenir en temps de guerre car durant ces terribles moments, ils avaient des médicaments, de l’eau, du pain, de l’électricité et du pétrole. Selon les dernières estimations, 80% des libanais vivraient en dessous du seuil de pauvreté. Nous vivons au quotidien les difficultés qu’ils rencontrent : augmentation des prix du jour au lendemain pour des denrées alimentaires primaires dans les supermarchés, augmentation du prix du pétrole, ruptures de médicaments, coupure d’électricité jusqu’à 20h par jour dans certaines régions. Quelques données chiffrées : le salaire moyen au Liban a été divisé par 20 et les prix ont augmenté entre 6 et 10 fois. De plus, l’ensemble des comptes bancaires à été en grande partie gelé. MAIS malgré l’ensemble des ces difficultés financières qui rendent le quotidien très difficile, nous sommes réellement impressionnés par la générosité de l’ensemble des libanais, par leur sens de l’accueil et de la fête, et par leur calme malgré l’ensemble des difficultés que leur pays rencontre. Nous avons rencontré des dizaines de libanais, nous avons été invités un nombre de fois incalculable que ce soit sur un trottoir pour un café ou chez un habitant rencontré par hasard. Le Liban c’est une succession de rencontres, de situations imprévisibles, de moments de convivialité et de partage.

L’histoire du Liban est riche, les habitants sont particulièrement croyants, profondément dévoués et humbles. La découverte du Liban en profondeur c’est aussi tout simplement une leçon d’humilité, de ténacité et d’amour. Vive le Liban !