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[LIBAN] Le témoignage de Claire : "Les libanais continuent de nous accueillir d'une manière incroyable."

Claire, étudiante en droit et volontaire pour un an au Collège des sœurs antonines de Roumieh, au Liban. Elle y donne des cours de français et de culture générale, entre mythologie grecque, contes et histoire de l’art.


Chère famille, chers amis,

J’espère que vous allez bien et que vous êtes toujours en bonne santé !

La vie quotidienne à Roumieh. 

À Roumieh, la vie suit son cours. Nous n’avons été confinés que deux semaines fin novembre. Les règles imposées étaient relativement souples, confinement libanais oblige ! Malgré une interdiction de déplacement chaque dimanche, nous avons pu partir en vadrouille car les sœurs avaient une autorisation spéciale de l’Evêché. Nos cours se poursuivent aussi, tout comme les coupures d’électricité régulières. Comme je vous l’avais expliqué dans ma gazette précédente, les cours ont repris en présentiel la première semaine de novembre. Malheureusement l’école a fermé au bout d’une petite semaine seulement. J’ai pu malgré tout rencontrer quelques élèves de mes classes de CM1 et de CM2. C’était une vraie joie de les voir, même derrière un masque et une visière, à un mètre de distance. Nous poursuivons les cours en distanciel et devrions retrouver les élèves en janvier… Inch’allah !

Nous travaillons sur les contes avec les primaires 1 (du CP au CE2). En primaire 2 (CM1 et CM2), nous avançons notre voyage en France. Les élèves écrivent également des lettres à des classes françaises, dans lesquelles ils présentent leur école, Roumieh et le Liban. Ils abordent des sujets plus ou moins importants avec une franchise et une innocence incroyable. En voilà quelques extraits :

A propos de l’impossibilité de voyager (CM1A) : « Dans votre prochaine lettre, pourriez-vous nous parler de Toulouse ? Quand nous serons grands, nous aimerions beaucoup aller en France. En ce moment, nous pouvons voyager en France grâce aux lettres. Nous voyageons avec notre imagination. »

A propos du Liban et de l’explosion du 4 août (CM1A) : « Le Liban est un pays très joli. Le drapeau du Liban a trois significations : le rouge signifie le sang, le vert représente l’arbre qui reste vivant : le cèdre : il ne meurt pas sous la pluie et la neige; le blanc signifie la paix. La capitale du Liban est Beyrouth. Notre capitale, malheureusement, est détruite, à cause de l’explosion du 4 août. Il y a beaucoup de maisons détruites et beaucoup de personnes n’ont plus d’endroit où vivre. Il y a beaucoup de travaux à Beyrouth pour la reconstruction complète. »

A   propos de Notre Dame de Harissa (CM1D): « Nous aimerions vous parler de Notre-Dame de Harissa. C’est un lieu que nous aimons beaucoup. Notre-Dame de Harissa est une statue de Maman Marie sur une montagne. Elle est située à Harissa, à côté de Jounieh, juste au Nord de Beyrouth. Quand nous allons à Harissa, nous pouvons prier, acheter des souvenirs à la boutique… »

En parallèle, avec les collégiens, nous avançons notre comédie musicale sur la mythologie grecque; en espérant pouvoir la mettre en place malgré le Coronavirus. Enfin, Charbel avance ses progrès en lecture. Sa dyslexie ne l’aide pas, mais petit à petit, nous y arrivons. Il est d’une gentillesse incroyable.  La situation au Liban est aujourd’hui tellement compliquée qu’une grande partie des libanais chrétiens prévoient de partir. De nombreux élèves m’ont expliqué pendant nos premiers cours avoir de la famille en Australie, aux Etats-Unis, en France, au Canada, en Allemagne, à Dubaï ou avoir un passeport étranger. S’ils ne sont pas encore partis ou ne prévoient pas de partir rapidement, beaucoup sont prêts à quitter le pays si la situation s’aggrave. Certains ont fait le choix de rester, car économiquement ce départ est impossible ou parce qu’ils ne veulent pas abandonner ce pays qui est le leur et qu’ils aiment tant … quel courage !

Vers la reconstruction 

La crise que traverse le Liban est aujourd’hui terrible. La livre libanaise ne cesse d’être dévaluée. Alors qu’un dollar valaient 1500 livres libanaises il y a un peu plus d’un an, un dollar vaut 8000 livres libanaises aujourd’hui. Les prix flambent alors que les libanais ne voient pas leur salaire augmenter et s’adapter au taux réel de la livre libanaise sur le marché noir (taux à 8000). Imaginez simplement acheter votre kilo de tomates à un prix quatre fois supérieur à celui dont vous avez l’habitude, ne plus acheter ni viande, ni poisson, ni chocolat, car cela coûte trop cher, ne plus pouvoir payer l’école de vos enfants… c’est aujourd’hui ce qu’il se passe au Liban.

Malgré toutes ces souffrances, les libanais continuent de nous accueillir d’une manière incroyable ! Je crois qu’ils sont capables de se priver pendant plusieurs jours pour pouvoir mettre les petits plats dans les grands lorsque l’occasion se présente ! Lorsque nous leur rendons visite ou lorsqu’ils nous invitent nous sommes toujours accueillis comme le Messie. C’est extrêmement touchant ! Nous continuons de partir à la découverte du Liban ! C’est un pays magnifique !

Nous continuons également d’aller aider à Offre joie. Nous avons déblayé de nombreuses maisons. C’est assez marquant car nous retrouvons ce qui appartenait aux habitants : livres d’enfants, chapelets, feuilles de contrôles ou de cours, nourriture, meubles… Nous sommes également allées aider à la Caserne à côté du port. C’était très émouvant ! En effet, c’est de cette caserne que sont partis les dix jeunes pompiers pour éteindre l’incendie du port, précédant l’explosion. Tous ont perdu la vie. De grandes affiches avec leur visage sont accrochées sur le mur de la caserne et sur les camions. Travailler là-bas était très fort, d’autant plus que nous n’étions qu’un petit groupe composé à moitié de libanais. Nous avons donc fait équipe avec de nombreux ouvriers. J’ai admiré leur humilité et leur dévouement, pour certains même leur gentillesse ! Nous ne pouvions pas nous comprendre mais un sourire, un « à vous » après un « merci » suffisent pour traduire beaucoup de choses ! Le chantier a pris un peu de retard, mais de nombreux jeunes, libanais ou étrangers (notamment français) continuent de se mobiliser pour la reconstruction !

Je pense bien à vous et vous garde dans mes prières. Je vous confie le Liban et tous les libanais qui traversent des heures vraiment difficiles !

Je vous embrasse bien affectueusement!

Claire