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[LIBAN] Le témoignage de Louis-Omer : " Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu » (Mt 5,8). "

Découvrez le témoignage de Louis-Omer, 26 ans, séminariste. Il a décidé de consacrer un an de sa vie au service des résidents du Foyer de Tendresse à Anta Akhi, au Liban.


C’est au Liban que j’ai pu admirer les plus beaux couchers de soleil et je trouve que cette image est bien parlante alors que la fin de ma mission arrive à (très) grands pas. Le 2 août je rentrerai en France et je vois donc, petit à petit, le soleil de ma mission décliner, me permettant d’admirer une lumière qui remplit mon cœur d’une joie profonde et d’une vraie gratitude.

Comme le soleil, la mission fut bien souvent rayonnante, chaleureuse, vivifiante. Elle fut aussi étouffante, parfois aveuglante, ternie par de sombres nuages. Toutefois, elle fut surtout lumineuse ! D’une lumière bien plus belle que celle du soleil…. A un paysan qui affirme que « Dieu est comme le soleil. Qu’on Le voie ou qu’on ne Le voie pas […] Il rayonne. », saint François d’Assise répond « C’est bien vrai […] Dieu est le bien : et Il ne peut vouloir que le bien. Mais, à la différence du soleil qui rayonne sans nous et par-dessus nos têtes, Il a voulu que Sa bonté passe par le cœur des hommes. […] Voilà pourquoi la bonté est une si grande chose. » (Sagesse d’un pauvre, Eloi Leclerc.) C’est bien le cœur des personnes que j’ai côtoyées – « jeunes », membres d’Anta Akhi, autres volontaires en mission, prêtres, etc. – qui a illuminé ma mission.

Il s’est passé tant de choses depuis ma dernière lettre, que je vais essayer de vous partager simplement les dernières nouvelles, avant de vous parler de ma mission de vive voix, si j’en ai l’occasion.[…]

Le travail à Anta Akhi a bien été chargé avec la préparation des activités d’été, qui ont commencé cette semaine. Chaque année, les « jeunes » quittent le « Foyer de Tendresse » pendant les deux mois d’été pour changer d’air  et  profiter  d’activités  inédites,  à  la  manière  d’un  camp  ou  d’une  colonie, évidemment, adaptée. Malheureusement, depuis deux ans, ils ont dû rester à Anta Akhi à cause de la situation sanitaire et surtout de la crise que traverse le pays. Cependant, cette année, malgré une situation toujours aussi déplorable au Liban, nous avons pris la décision de sortir à nouveau. Direction deux lieux non-loin du « Foyer de Tendresse ». Un pour le mois de juillet et un pour le mois d’août. Pour chaque semaine il y a un thème et une petite équipe d’accompagnateurs/volontaires chargée d’organiser les activités.  Ainsi, avec Marie et Aurore, deux autres volontaires, on nous a demandé d’organiser la semaine Harry Potter, la dernière semaine de juillet. Je suis donc en train de vivre ma dernière de semaine de travail au bureau, une semaine bien remplie par la refonte de la procédure d’accueil des volontaires, avant de rejoindre le lieu  des activités d’été pour ma dernière semaine complète au Liban.

[…]

La fin du mois de juin a marqué aussi le début des départs successifs des différents volontaires de L’Œuvre d’Orient (et autre) avec qui nous avons passé une bonne partie de notre mission. Les voir partir n’est pas facile, tant nous avons créé ensemble de  forts  liens  d’amitié. Toutefois, c’est aussi l’occasion de rendre grâce pour ces jeunes qui ont donné six mois ou un an de leur vie pour se mettre au service, dans un pays qu’ils connaissaient peu ou pas. J’ai été témoin de leur désir de servir avec un vrai amour et une vraie humilité, qui s’est affiné au rythme des combats, des doutes mais aussi des réussites et des talents découverts ou exploités.

Notre groupe de volontaire a été un vrai réconfort et un vrai moteur dans la mission. Les moments partagés ensemble, les discussions simples ou plus profondes ont été une bouffée d’oxygène pour moi et m’ont profondément édifié. « A ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres » nous dit Jésus, et je crois vraiment que l’amitié que nous avons tissée entre nous a pu être un témoignage, mais aussi la source à laquelle nous avons puisé pour aimer ceux vers qui nous étions envoyés, car c’est une amitié ancrée dans le Christ.

La traditionnelle pépite d’un des « jeunes » vient aujourd’hui d’Elie. Elie est le plus âgé du Foyer de Tendresse, Il est là depuis le début, c’est-à-dire depuis 30 ans, avec ses frères Pierre et Philippe, qui est décédé cette année. J’ai tissé un beau lien avec Elie que j’apprécie beaucoup. Le voir rire aux éclats est une vraie grâce pour moi, donc je ne rate pas une occasion de lui faire des blagues. Cependant, bien qu’il soit discret et qu’il laisse peut transparaître ses émotions, Elie est aussi un homme très profond. Alors que nous étions tous les deux sur la terrasse à profiter du soleil, je demande à Elie :

« Elie, c’est qui pour toi Dieu ? »

Il me répond :

« Jésus ! »

« Et c’est qui pour toi Jésus ? »

(Moment de silence)

« Ma joie ! »

Elie est atteint d’une maladie dégénérative qui est apparue alors qu’il avait huit ans. Il voit chaque année ses capacités physiques diminuées. De plus, il vit une année très difficile avec la mort de son petit frère. Et pourtant, il arrive à dire ces deux petits mots avec une force et une vérité que nul ne peut lui contester : « Ma joie ! ». Quelle leçon toute simple et si belle d’un « saint de la porte d’à côté » dont parle le pape François. « Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu » (Mt 5,8).

Au terme de ces dix mois (et une semaine) passés au Liban, je vais rentrer en France avec joie, mais aussi le cœur lourd de quitter Anta Akhi, les jeunes et tous les membres de cette grande famille. Je sais que je reviendrai dans ce pays si atypique en espérant et en priant pour que la crise qu’il traverse prendra rapidement fin. C’est aussi le cœur plein de gratitude pour cette année vécue que je rentre en France. J’y ai rencontré de très belles personnes, j’y ai aussi côtoyé la souffrance et aussi la pauvreté, à commencer par la mienne, que j’ai davantage découvert et essayé d’accepter pour m’en remettre à la richesse de l’Amour du Bon Dieu. J’espère de tout cœur que cette année de mission m’a fait grandir humainement et spirituellement.

Il y aurait encore tant de choses à dire, mais je voudrais vous partager un extrait de l’homélie de Monseigneur Ulrich, archevêque de Paris, lors de la messe d’ordination sacerdotale de Timothée, le diacre de Paris venu servir 4 mois à Anta Akhi. Ces mots résument bien ce que j’ai essayé d’être cette année :

« Vous demeurez, nous demeurons de simples serviteurs […] nous ne sommes pas des serviteurs inutiles – Dieu a bien l’intention que notre service soit actif et utile ; nous ne sommes pas des serviteurs quelconques – Dieu nous donne une vraie dignité par l’amour qu’il met en nous. Nous sommes, vous êtes de simples serviteurs. Et des serviteurs joyeux, des serviteurs de la joie comme l’a écrit le cardinal Kasper, la joie qui vient de la rencontre du Christ : vous avez été gratifiés par Lui de sa présence discrète, qu’Il vous soit donné d’en être chaque jour les témoins au milieu du peuple qu’Il s’est choisi et que vous côtoyez. »

Pour conclure cette lettre, je voudrais tous vous remercier pour votre soutien tout au long de cette année, qu’il ait été financier, moral, amical et surtout spirituel, il m’a vraiment touché et porté. J’espère avoir pu vous partager un peu de ce que j’ai vécu à Anta khi. Je continue à vous garder tous dans ma prière.