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[LIBAN] Le témoignage de Paul : "Dans un chaos apparent, une lumière jaillit, bienvenue au Liban !"

Retrouvez le témoignage de Paul, 22 ans, en mission auprès de la communauté maronite pour distribuer des paniers repas à la population libanaise. 


Ça y est, je viens de terminer ma première semaine de Quarantaine ! Rassurez-vous, cher lecteur, je ne suis pas resté dans ma chambre à attendre la guérison du virus. Bien au contraire ma semaine a été extrêmement riche !

A peine sorti de l’avion, le premier jour, me voilà au milieu de Beyrouth à servir des repas à des familles touchées par l’accumulation des malheurs : crise économique, crise politique et explosion du 4 août 2020.  Oui, Karantina (« Quarantaine ») est le nom du quartier de Beyrouth dans lequel nous intervenons ! Il fait partie de ces lieux, à 200m du port et donc durement touchés par l’onde de choc. Les immeubles en portent encore les stigmates : murs effondrés, toitures arrachées, vitres soufflées. Tout cela est saisissant, on y ressent encore la violence de l’événement, notamment quand depuis la rue on a accès à tout l’intérieur d’un appartement dont les murs ont été pulvérisés. Dehors, il fait 30 degrés sous un soleil radieux, mais l’hiver va arriver…

La vie a repris son cours, même si pour l’instant, les cris des enfants sont moins sonores que les travaux. Les ouvriers remplacent les habitants et les engins de chantier leurs voitures. Certaines familles sont tout de même restées et c’est pour celles-ci que le projet de restauration au moyen d’une cuisine a été monté par le Père Hani qui m’accueille.  En effet, en plus d’avoir été victimes de dommages matériels – si ce n’est humains – les familles subissent la crise économique de plein fouet : la monnaie est dévaluée (1$ vaut presque 9000 Livres libanaises sur le marché noir au moment de l’écriture de ces lignes), les prix ont augmenté, mais pas les salaires. La viande est hors de prix, se nourrir devient parfois difficile sans aide. La cuisine montée par le Père Hani est d’une grande simplicité. Installée dans un ancien garage à l’abandon, elle possède tout juste l’essentiel pour préparer des repas : deux réchauds à gaz, des marmites, des étagères pour stocker les matières premières (riz, graines, …), deux frigos de commerce. Mais elle ne cesse de s’améliorer au fil des jours ! Il faut s’imaginer, m’explique le père Hani, qu’au départ il cuisinait directement dans la rue !  Cette cuisine est aussi un lieu de passage, une vraie fourmilière.

Le premier jour Père Hani a tout juste le temps de me souhaiter la bienvenue qu’en un instant me voilà au milieu d’une foule parlant Libanais, et qu’en cuisine tout s’accélère. Ne comprenant pas un mot, je me retrouve passif entre une marmite brûlante, un bénévole assaisonnant l’autre et un habitant du quartier tendant son Tupperware : il est midi, l’heure du service !Peu à peu les casseroles se vident et quand la dernière louche a été versée, la pression retombe. Ce premier jour a été intense, me voilà pleinement dans la mission ! Heureusement au fur et à mesure, ma compréhension du fonctionnement de la cuisine se précise. Ma connaissance de la langue des Libanais est, elle, encore bien limitée, mais à force de les entendre certains mots se gravent en mémoire : « sékkin » (couteau), « male32a » (cuillère) , « chawké » (fourchette) , « mayy » (eau), « banadoura » (tomate), « pasta » … Je peux surtout compter sur la bienveillance de l’équipe de bénévoles  et en particulier celle du Père Hani pour être pleinement acteur de ce service.

La cuisine de « Quarantaine » est à l’image, de ce dernier, fraternelle. Son accueil, digne de la réputation de l’Orient, a été très chaleureux. J’ai tout de suite été intégré à sa famille – précisons pour un lecteur non encore initié que les prêtres maronites peuvent être mariés– vivant quasiment sous le même toit de sa maison de Halat à 35 km de Beyrouth et partageant mes repas avec sa femme et ses quatre enfants. C’est surtout sa générosité et son énergie qui m’ont impressionné. Sa mission de prêtre, il la vit au plus près du peuple libanais et à son service. Dévoué, il ne cesse pas de travailler si ce n’est pour répondre de temps à autre au téléphone, ce dernier sonnant régulièrement. Je m’interroge tout de même sur la force physique et morale nécessaire pour tenir tous ces rôles : prêtre, père de famille, professeur, cuisinier, responsable d’une association et même guide…

En effet le week-end nous partons dans la vallée des Saints d’où il est originaire. L’excursion a pour but de former des guides touristiques. Pas de repos pour les braves ! Le contraste est grand entre la côte maritime urbanisée continuellement et la montagne où la flore arrive encore à s’imposer. Dans la vallée de Qannoubine, la Nature a creusé des grottes dans la roche, l’homme y a bâti à l’intérieur des sanctuaires. Je suis en territoire chrétien. La foi est profondément inscrite dans cette terre, elle est source d’identité. Les Chrétiens se cachaient autrefois dans la roche, leurs descendants montrent aujourd’hui leur attachement à la foi à chaque coin de rue, au travers d’une statue de la Vierge Marie ou d’une représentation de Mar Charbel (Saint-Charbel). L’histoire illumine le présent comme le soleil sur les reliefs. Je prends ici la mesure de la beauté du pays du Cèdre. Dans un chaos apparent, une lumière jaillit, bienvenu au Liban !

 

Paul