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[LIBAN] Témoignage de Jeanne : "On s’entraide et on finit toujours par vivre de très beaux moments"

Voici le témoignage de Jeanne, 25 ans, conseillère en gestion patrimoniale, qui rentre du Centre Hospitalier de Bhannes au Liban, où elle a servi les enfants polyhandicapés et les personnes âgées après 3 mois de mission.


Le début de ma mission

Il est déjà l’heure de se dire « Yallah bye »… Que dire de ces plus de deux mois passés dans ce petit coin de paradis libanais qu’est Bhannes ? […]

Merci à l’œuvre d’Orient de m’avoir envoyé à Bhannes. Merci aux filles de la charité, au personnel de l’hôpital, aux libanais rencontrés, aux autres volontaires et plus particulièrement à Yolande qui a partagé mon quotidien pour leur accueil bienveillant et chaleureux. Sans ces rencontres inoubliables, ces éclats de rire, ces sourires et cette gentillesse, mon expérience n’aurait pas eu la même saveur.

Avant d’arriver, j’avais pour attente de pouvoir être utile, d’aider des chrétiens dans le besoin. Je souhaitais être au service en essayant de mettre de côté mes habitudes. Cet objectif a été quelque peu bousculé… En effet, ma mission consistait à être aide-soignante pour des personnes âgées ayant Alzheimer le matin et animatrice auprès d’enfants handicapés l’après- midi. Sur le papier on imagine que les journées sont bien remplies et que je vais me sentir utile de mes mains ! Cependant la réalité était toute autre.

Mes apprentissages

Dès le début, j’ai découvert la gentillesse du personnel (libanais et syriens) qui ne voulait pas que je les aide trop. Chacun voulait avant tout me montrer qu’ils savaient bien travailler, quelles étaient les habitudes de chaque patient auxquelles il fallait faire attention, etc. J’avais presque l’impression d’être en trop car je ne leur faisais pas forcément gagner du temps… J’étais alors frustrée de ne pas pouvoir prendre d’initiative, de faire par moi-même et de les soulager dans leur travail. Les libanais avaient beaucoup de mal à déléguer des tâches à accomplir. Malgré cette difficulté, j’ai appris à les aider en reproduisant leurs gestes et en ajoutant quelques attentions spontanées pour les patients. Alors, j’ai rapidement compris par leurs sourires, leur sens de l’accueil, tous leurs témoignages de bienveillance et surtout les discussions que nous avions que finalement le cœur de ma mission était d’être présente pour eux et avec eux durant cette période difficile. Ainsi le quotidien avec le personnel m’a appris à accepter de ne pas toujours être utile et de gérer cette frustration pour que ça n’entaille pas la joie du cœur, la générosité et l’attention aux autres.

Durant le quotidien avec les patients (personnes âgées), j’ai redécouvert ce qu’était la patience. […] Certains après-midis, je repassais à Saint Florian pour donner le dîner de Georgette, ancienne professeur de français qui a Alzheimer. Georgette pouvait prendre ses repas seule mais étant très lente c’était compliqué pour le personnel. Je me faisais donc une joie de pouvoir l’aider notamment le soir du 31 décembre où j’ai pris le temps avec elle pour ce dernier dîner de l’année, c’était un très bon moment partagé bien qu’elle ne s’en souvienne pas.

J’ai également appris ce que signifiait prendre le temps auprès de Teta (grand-mère) Marie-Assaf qui était aveugle et sourde. Lors de nombreuses discussions (en parlant fort dans son oreille droite), j’ai reçu beaucoup d’amour de sa part et je prenais le temps car elle parlait lentement et qu’elle n’acceptait pas qu’on ne vienne que 5 minutes.

Le 10 janvier, en fin d’après-midi, je suis allée la voir et elle m’a particulièrement touchée en me disant : « Merci d’avoir écouté tout ce qui m’a tourmenté aujourd’hui ». Elle avait entendu à la radio qu’une célébrité de la télévision venait de mourir à 46 ans d’un accident de chasse ; ça lui rappelait son frère qui est mort il y a exactement 46 ans d’un obus tombé sur sa voiture neuve pendant la guerre. Peu de personnes ont le temps de venir la voir et parler avec elle, hormis les volontaires, donc elle est toujours très touchée et là elle m’a aussi remercié de ma tendresse. Le jour de mon départ elle m’a pris dans les bras, […] a demandé à ce qu’on prie ensemble. Quelle grâce de partager cette prière avec cette femme exemplaire par son intelligence du cœur.

Lors des après-midis auprès des enfants, Yolande et moi programmions des activités à mettre en place. Entre les activités théoriques prévues et ce que nous réussissions à mettre en place il y avait toujours un fossé, soit par l’incompatibilité entre le handicap et les activités manuelles mais surtout car le nombre d’enfants n’était jamais le même et que nous n’avions que très peu de matériel mis à disposition. Il a donc fallu apprendre à faire face à l’imprévu ainsi qu’à ne jamais cesser de s’adapter à chacun des enfants. Par exemple, nous arrivions pour peindre un arbre d’automne avec les enfants et la première fois la directrice de l’IMC avait oublié de nous descendre les peintures donc nous avons changé de programme avec des danses et en jouant au ballon. Le lendemain nous voulions refaire cette activité manuelle. Compte tenu des handicaps assez importants des enfants, il a donc fallu être chacune avec un enfant pour l’aider à peindre soit en le guidant, soit en prenant sa main pour l’accompagner. Tous ces gestes qui nous paraissent très simples sont en réalité très compliqué  et  à  adapter  selon  les  handicaps donc c’était une force pour nous de s’entraider et d’être en binôme.

Par ailleurs la vie des libanais est toujours assez incertaine, on ne sait pas de quoi demain sera fait et donc il faut s’abandonner et faire confiance. On laisse donc place à l’imprévu, on s’entraide et on finit toujours par vivre de très beaux moments. Cette confiance est précieuse et m’a permis de parfois lâcher prise en acceptant l’inconnu et donc l’organisation incertaine.

J’ai eu la chance de vivre une période riche en fêtes. Nous avons eu Sainte Cécile (fête au foyer Sainte Cécile), la venue des reliques de Carlo Acuitis, Sainte Barbara, Fête de la Médaille Miraculeuse, Fête de l’Immaculée Conception, Noël, 1er janvier ainsi que les fêtes des sœurs (au lieu de leur anniversaire). J’ai ainsi pu apprécier l’importance de la fête dans la vie des libanais, que ça soit au sein de l’hôpital avec le personnel ou avec les sœurs.

Du côté de la vie spirituelle j’ai eu la chance d’être accueillie dans la communauté des filles de la charité qui tiennent le centre hospitalier de Bhannes. Partager les offices tels que les vêpres, les messes ou encore les adorations m’aidait quotidiennement à prendre le recul nécessaire sur ce que je vivais et à confier les personnes en difficulté. Vivre avec les sœurs m’a permis de comprendre l’importance de la bienveillance pour vivre en communauté et ainsi respecter les habitudes de vie de chacune.