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[LIBAN] Témoignage d'Aliénor : "En voyant ces sœurs je réalise à quel point elles portent le monde et comment leur prière doit monter directement au ciel."

Aliénor, est volontaire depuis début décembre au foyer Sainte Cécile à Bhannes au Liban, où elle vit auprès des ainées des Filles de la Charité.


A propos de la mission

Le matin, je commence par faire le tour des résidentes pour prendre la tension. C’est une bonne occasion de dire bonjour à chacune et d’écouter celles avec qui l’on prend moins de temps dans la journée parce qu’elles sont plus  en  forme  et  autonomes. Ensuite, il   y  a  le  café  à  dix  heures avec celles qui peuvent se déplacer et parfois nous finissons dans un autre salon autour du piano. C’est l’occasion de jouer des classiques mais aussi d’accompagner quelques  chansons  de  nos  résidentes. Puis, il y a la messe et je passe de chambre en chambre pour discuter. A midi nous distribuons le déjeuner et j’aide celles qui en ont besoin. L’après-midi (après la sieste !), je passe également dans les chambres puis c’est l’heure du diner. Au cours de mes visites, je joue au scrabble et au memory avec celles qui peuvent et je discute (il s’agit principalement d’écouter).

Les profils sont variés ! Il y a celles qui très vite, vous adoptent. Celles dont on sent le naturel joyeux, accueillant, qui s’ouvrent à vous comme des fleurs. Elles vous font tout de suite confiance, vous posent des questions et vous racontent leur vie ! Il faut dire que leur mémoire étant assez défectueuse pour la plupart, il n’y a aucun problème à raconter plusieurs fois les mêmes choses ! Très pratique ! On peut ainsi se réjouir plusieurs fois sur le même sujet, compatir et louer Dieu autant de fois (ici on loue beaucoup Dieu au détour de la conversation ‘’hamdella’’, ‘’nachkur allah’’) ! Il y en a certaines qui sont épatantes !

Par exemple, Marie, une seule oreille qui fonctionne et les deux yeux aux abonnés absents, pourtant si bavarde, si drôle, riant de sa situation, louant Dieu de lui avoir, dans sa grande mansuétude, laissé une oreille ! Et pour vous dire à quel point cette oreille est performante, elle colle le poste radio à fond contre cette-dernière. Ou Georgette, 90 ans, dont le corps est si fragile, le visage comme une pomme ridée (c’est si beau !) vous chante des chansons arabes pendant dix minutes ! Enfin, quelle joie quand celles qui sont coincées au fond de leur lit par leur corps amoindri, et isolées du monde par leur ouïe affaiblie, vous racontent ce qui leur passe par la tête  (c’est souvent très drôle).

Il y a aussi les sœurs résidentes dont la fraicheur est édifiante ! Ces petites sœurs qui vous racontent l’origine de leur vocation, vous expliquent doctement qu’elles rangent leurs affaires, pour ne pas donner trop de travail à leur mort parce qu’il sera bientôt l’heure de partir, etc. Combien de chapelets ne prient-elles pas dans leur journée ? Je suis touchée par la compassion qu’elles ont lorsqu’elles évoquent les âmes en enfer. En voyant ces sœurs je réalise à quel point elles portent le monde et comment leur prière doit monter directement au ciel. Nous  sommes  gâtées  car  tous  les  jours  elles  prient  pour  nous  !

Et puis, il y a celles qui sont un peu plus difficiles d’accès. Il faut alors prendre le temps de les apprivoiser et c’est un travail du quotidien. Pour celles-ci, il n’y a pas de petites victoires. Quelle joie quand l’une d’elles, assez réservée, accepte de jouer au memory (fait-main !) et vous offre dans la foulée des bonbons ! Quelle joie quand cette autre qui daignait à peine répondre à votre bonjour, bavarde à présent tous les jours avec vous et se risque même à faire une blague pour le moins surprenante !

Enfin, il y a celles qui sont sous oxygène et ne parlent plus. C’est parfois difficile de prendre le temps, de s’assoir simplement à côté d’elles. Avec l’une, je lui donne une main qu’elle tient parfois serrée, je prie, ou je lui fais des grimaces avec le masque pour la faire rire (un rire qui consiste à hausser les sourcils, et il arrive que ça fonctionne !) Avec l’autre, je lui montre des photos de sa famille. Cependant, il faut parfois simplement s’assoir à côté d’elles. Cela leur fait très plaisir mais il arrive qu’il soit dur d’accepter que le fruit de la dernière demi-heure soit simplement d’avoir été présente.

Cependant, c’est une formidable récompense  de voir le visage des résidentes s’illuminer : un sourire sur les lèvres et une lueur dans les yeux ! La supérieure nous a également appris que certaines parlaient à peine avant notre arrivée.

Ces derniers-temps ont été l’occasion de découvrir qu’à un certain stade, la vieillesse est une sorte de retour en enfance. Les personnes âgées pleurent quand ça ne va pas et leur quotidien est plein de remarques candides, d’émerveillement sur des petits riens, qui vous font sourire et rire comme pour un enfant. Je note soigneusement ces petites anecdotes si touchantes.

Pâques

Nous avons vécu une très belle fête de Pâques ! Le vendredi saint, les maronites enterrent le Christ. Certains crucifix ont un Christ qui se détache et ils le mettent alors dans un cercueil pour une procession. Ici, nous n’avions pas de crucifix comme cela donc nous en avons placé un dans un drap pour la procession. Le samedi soir, après la vigile, à 7h, nous avons fait un grand repas avec le prêtre, un couple de volontaires qui nous a rejoint à l’improviste et des sœurs de Beyrouth! Il y avait vraiment beaucoup de joie et tout le monde s’interpelait « L messikh kam ! / Hakkan kam ! » ! Le lendemain, nous avons partagé le repas avec les aides- soignantes et les résidentes qui peuvent se déplacer. Pour l’occasion, j’avais rapporté une tablette de chocolat de France et nous avons fait un gâteau au chocolat ! Tout le monde était ravi !

 

Si vous avez des intentions de prière, n’hésitez pas à me les envoyer car comme vous l’aurez compris, il y a par ici des petites sœurs qui prient sans cesse et dont les prières doivent toucher directement le cœur de Dieu.

Je vous embrasse très fort ! Joyeuses Pâques !

 

 

Aliénor