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[LIBAN] Témoignage de Cécile : " Je garderai toute ma vie l’accueil chaleureux et les sourires des Libanais en tête "

Notre volontaire Cécile, est en mission depuis 6 mois à l’école ND Sahel Alma à Jounieh.


Bonjour à tous,

Je suis bien navrée du retard, près de 4 mois après mon arrivée au Liban, je vous envoie enfin un peu de mes nouvelles et de celles du pays !

[…] Nous sommes arrivées le soir à l’aéroport Rafic Hariri de Beyrouth avec Charlotte. Deux petites sœurs avec leurs voiles et leurs sourires jusqu’aux oreilles nous attendent pour venir nous
chercher : Sœur Dalida et Sœur Claudette (oui, on pourrait faire un concert des années 70 avec elles). Et à partir de cet instant, dépaysement total qui commence par la découverte de la conduite bien sportive des Libanais. […]

Après 4 mois, je n’ai pas de routine de mission, ce qui me va à ravir. À notre arrivée, le Covid battait son plein. Dès que l’école a repris après trois jours de tempête de neige, j’ai été mise sous les feux des projecteurs car avec Charlotte nous avons dû remplacer des profs de français, maths, anglais et j’en passe, tout sauf l’arabe bien entendu. On a fait toutes les classes de la petite section à la terminale. A partir de la 5ème, on a surtout fait des séances de culture général en français : des quiz sur la France, sur nous, sur la Renaissance, sur comment gérer ses émotions. Bref, le but étant qu’ils entendent parler français, qu’on change leur quotidien et qu’ils discutent avec nous de manière hors académique. Une fois la vague passée, on a eu plusieurs casquettes. Parfois profs de soutien pour les petites classes, parfois accompagnatrices de sorties scolaires, parfois bibliothécaires, parfois tout simplement soutien moral, on n’est très loin de s’embêter. On essaye le plus possible de soulager les professeurs car la crise économique et le covid ont tout chamboulé. Ça nous est arrivé plus d’une fois de savoir la veille à 22h ou le matin-même à 7h si on doit remplacer un prof. Ce manque de clarté et d’organisation n’est pas toujours facile étant donné que nous n’avons toutes les deux aucune notion de pédagogie à part à travers nos neveux et nièces (autant dire que ça n’a rien à voir) ; mais on apprend à lâcher prise, à s’adapter. Les jours se suivent et ne se ressemblent jamais. En témoigne la semaine dernière : mardi, gérer le cours en visio des premières ; mercredi, cours de soutien en français chez les CP, CE1 et CE2 ; jeudi, cours de soutien de français en 4ème ; vendredi, sortie scolaire avec les 5èmes ; samedi, marche avec des volontaires Libanais pour témoigner de notre volontariat ; dimanche, visite du Liban.

L’école est dans une région chrétienne et pour rectifier ce que j’avais mis dans ma lettre de départ, presque tous les élèves sont chrétiens.
Le bâtiment est vraiment bien agencé et en bon état. Chaque cycle a son espace et sa cour de récréation. […] Et pourtant, la crise est bien présente et angoissante pour chaque Libanais.
L’éducation est touchée de plein fouet et pèse sur le moral parce qu’un secteur éducatif qui souffre signifie la mort du Liban. Je suis toujours impressionnée de l’importance que l’éducation et l’excellence ont ici, et pour cause c’est leur seul moyen de s’en sortir et maintenant d’espérer changer d’avenir. Quelle déprime pour les professeurs quand ils voient qu’ils n’arrivent pas à former les élèves comme ils le voudraient, trop pris par des problèmes vitaux. Et on se demande comment ils ont la force de nous accueillir aussi gentiment, de nous sourire et même de nous inviter à prendre un verre ou déjeuner chez eux.

Je comprends surtout quels sont les problèmes lors de nos grandes discussions avec Sr Dalida-une sœur absolument hallucinante dont je ferai le portrait plus loin- qui est la directrice de l’école. Chaque mois, elle ne sait pas comment elle va payer les salaires des profs, l’électricité, empêcher un décrochage scolaire et rendre heureux les élèves pour qu’ils ne sentent pas cette crise. Près de 35% des parents sont au chômage et 75% sont en difficulté pour payer les scolarités.

Certains professeurs touchent un salaire inférieur au coût de l’essence pour leur trajet maison-école. Derrière leurs sourires, ils ne savent pas comment ils vont faire pour tenir plusieurs années. […] Ils ne peuvent retirer que 200 dollars par mois et n’ont pas accès à l’argent sur leurs comptes en banque. […] 1 dollar est passé de 1 500 à 35 000 livres libanaises and still counting. Par conséquent, le salaire d’un prof est passé de 3 000 à 150 dollars. Pourquoi rester ? Pourquoi se battre pour un pays qui ne nous donne rien en retour ? demandent les professeurs et responsables de cycle. Et pourtant ils sont là, fidèles à leur poste pour se battre pour l’éducation, la seule véritable arme de ce pays.

[…]

À cette inflation, s’ajoutent les problèmes d’électricité. L’électricité du Liban ne vient que deux heures par jour, on ne sait jamais quand. Ce problème d’électricité impose de payer pour un générateur du village et ici un générateur de l’école, ce qui vous pouvez l’imaginer coûte énormément. À cette inflation et ces problèmes d’électricité, s’ajoute la guerre en Ukraine. […] Mais on parle des conséquences : c’est-à- dire une pénurie de pain, une hausse considérable des prix d’essence, plus d’huile etc. […]

Même si c’est le chaos, je garderai toute ma vie l’accueil chaleureux et les sourires des Libanais en tête. « Ahla w sahla » ce qui veut dire « soyez les bienvenus » est le mot le plus utilisé ici.

Enfin, MERCI MERCI pour vos prières qui m’ont bien portée !

Merci aussi pour votre générosité. Pour ceux qui le veulent, les Libanais et plus largement les chrétiens d’Orient ont plus que jamais besoin de votre aide. D’un point de vue plus perso, l’école survit vraiment grâce aux dons. La directrice essaie de ne pas augmenter les scolarités pour que les parents puissent payer, mais derrière, le salaire d’un professeur est au plus bas. L’école est géniale et
fait tout pour l’éducation et le bonheur de ses élèves mais les profs n’en peuvent plus. Ils ont besoin de soutien ! La plupart pense à partir vers d’autres pays ce qui crée un réel problème. Il n’y a plus de médecins, d’infirmiers etc. La présence des chrétiens ici est vitale pour l’équilibre du Moyen-Orient et en fin de compte pour l’Europe.

Je vous embrasse tous bien fort, en espérant que vous allez bien,

Cécile.