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Messe pour commémorer l'Holodomor : homélie de Mgr Gollnisch à Notre Dame

Excellences, Messeigneurs, Mesdames et Messieurs les représentants des pouvoirs publics, chers amis,

Vous avez bien voulu honorer l’Œuvre  d’Orient en demandant à son Directeur général de prendre la parole au cœur de cette célébration. Notre Œuvre est à vos côtés dans les moments de joie, comme pour la perspective de votre venue, Excellence, Monseigneur Gudzyak, vous qui prendrez possession de votre  siège Épiscopal dans cette même Cathédrale le mois prochain ; joie aussi partagée avec tous de la présence de son Excellence Monseigneur Cyril Vasil, secrétaire de la Congrégation pour les Églises orientales.

L’Œuvre d’Orient est aussi à vos côtés dans les moments de peine, en élevant nos prières pour l’âme de Son Excellence Monseigneur Hrynchyshyn, qui a été au service de votre communauté durant de longues années.

Nous voici rassemblés pour prier pour les millions de victimes ukrainiennes affamées par Staline. J’ai été bouleversé en lisant les nombreux témoignages des atrocités commises. On a été jusqu’à confisquer les chiens et les chats pour que la population ne puisse pas s’en nourrir. Certes nous n’ignorons pas les souffrances des peuples de Russie, ou celles des enfants d’Israël. Mais nous n’hésitons pas à reconnaître une volonté spéciale d’extermination du peuple ukrainien. Quelle idéologie totalitaire et inhumaine,  quelle haine nationale peuvent être à la source d’une telle violence ? Il est clair qu’un tel acharnement exprime une volonté génocidaire, tant l’Ukraine a été particulièrement visée. Comme l’a souvent souligné le Bienheureux Pape Jean Paul II, lorsque les droits de Dieu sont niés, les droits de l’homme ne tardent pas à être bafoués.

Nous savons de plus que les souffrances de votre Église ne se sont pas arrêtées là. Longue est la liste de vos martyrs, et nombreux sont ceux qui ont voulu et cru programmer la disparition de votre Église. Le Concile Vatican II (Gaudium et Spes, n°21) rappelle que le sang des martyrs est un remède contre l’athéisme.

Regarder l’avenir ne peut se faire sur un oubli du passé, de même que dans la Genèse Yahvé demande compte de son frère à Caïn, affirmant que le sang d’Abel crie de la terre jusqu’au ciel. Regarder le présent ne peut se faire sans la mémoire des crimes que seuls Dieu et les victimes peuvent pardonner.

J’aimerais ici, au cœur de Paris souligner un problème particulier.

Quand le peuple d’Ukraine était ainsi torturé, que disait la France?

Le Président du Conseil des ministres français, invité par Staline à visiter l’Ukraine à cette époque reviendra enchanté de ce qu’il a vu -de ce qu’on lui a montré- niant la famine, accusant les détracteurs du stalinisme de diffamation.

Et l’on n’a guère entendu nos intellectuels, si prompts pourtant à veiller farouchement sur les droits de l’homme. Au vacarme tumultueux des bourreaux nous devons associer le silence complice des bien-pensants. Cet aveuglement, cette lâcheté resteront une tache sur notre histoire nationale.

Dans le Christ, toute souffrance humaine rejoint la souffrance de Dieu : un de la trinité a souffert. Dieu pleure devant la haine des hommes. Le Christ connaît le prix qu’Il doit payer pour le pardon et la réconciliation. L’athéisme idéologique marxiste semble avoir disparu d’Europe, mais notre cœur est serré devant ceux qui en sont nostalgiques, voire qui sont nostalgiques de la période stalinienne.

Aujourd’hui l’Ukraine est un grand et beau pays au centre de l’Europe. Elle a vocation à unir notre continent. Cela dessine une mission spécifique pour votre communauté. L’Œuvre d’Orient est heureuse de voir l’Église, et en particulier l’Église gréco-catholique, se déployer dans une aube nouvelle. Nous sommes émerveillés par le dynamisme de vos vocations religieuses et sacerdotales, par la création de vos paroisses et de vos œuvres de charité, par la vitalité de vos centres universitaires qui permettent de rayonner la culture de votre pays.

Chers frères et Soeurs d’Ukraine, c’est une fierté pour Paris de vous savoir présents et priants sur les rives de la Seine. La présence de Monseigneur Bressolette, représentant le Cardinal Vingt-Trois, accompagné par les représentants des Églises Orientales le souligne. Nous voici accueillis dans une Cathédrale qui célèbre, sous l’impulsion de son Recteur, Monseigneur Jacquin, son huit cent cinquantième anniversaire. Cela nous rappelle la force et la patience de l’histoire qui n’appartient qu’à Dieu. Appelés à y tenir notre rôle, nous n’en sommes que les serviteurs, ignorant les méandres de son cours et le surgissement de son terme.

Puissions-nous témoigner ensemble de la Résurrection du Christ plus fort que la haine, Lui qui se fait le serviteur de tous pour que nous ayons la Vie et la Vie en abondance.

 

Mgr Pascal GOLLNISCH, 18 Novembre 2012