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Portrait d'Ahmed, étudiant yézidi d'Irak

Portrait

 

Portrait d’Ahmed, étudiant yézidi en Irak. Tous les mois, l’Œuvre d’Orient participe au transport de plus de 600 étudiants (50 000 dinars soit 40€ équivalent à 70% de leurs frais de transport mensuels) entre Bashiqa (une ville située en Irak au nord-est de Mossoul) et l’université de Mossoul.

       

 

Ahmed Elias Fido, étudiant yézidi

Originaire de Sinjar, ce jeune étudiant de 24 ans reprend

ses études d’ingénierie électrique grâce au soutien de

L’Œuvre d’Orient, après avoir mis ses études entre

parenthèses durant l’occupation de Daech.

 

 

Peux-tu décrire ta famille et ta vie avant l’invasion de Daech ?

Notre vie était belle et simple à Sinjar avant les attaques perpétrées par l’Etat Islamique. J’ai deux frères et cinq sœurs – deux de mes sœurs sont mariées et trois sont encore à la maison. Un de mes frères vit en Allemagne. Et mon autre frère a quitté l’école pour travailler en tant qu’agent de nettoyage à Dohuk et nous permettre de vivre. Durant les vacances, les plus grands allaient toujours travailler dans les villes du Kurdistan Irakien (Dohuk, Erbil ou Souleymaniyah). Cela aidait notre famille à vivre durant l’année.

 

Que s’est-il passé à partir de l’arrivée de Daech ?

En août 2014, lorsque l’Etat Islamique est arrivé en Irak, j’avais commencé mes études depuis un an déjà. Nous n’avons pas eu d’autre choix que fuir la ville car l’armée s’était retirée, nous abandonnant à notre propre sort. Je suis donc parti dans les montagnes à pied avec ma famille sans rien emporter car mes parents n’ont même pas de voiture. C’était terrible, nous avons vu nos voisins se faire tuer. De plus, il faisait très chaud à cette période de l’année (45°C), j’ai vu mon peuple mourir de faim et de soif car nous n’avions ni pain ni eau.

Mes parents étaient terrifiés à l’idée que les djihadistes nous poursuivent jusqu’au Kurdistan irakien. Nous avons tenté de quitter le pays à deux reprises – en Syrie puis en Turquie – sans succès. C’est au bout de deux mois que nous avons été logés au sein du camp de réfugiés d’Essian. Nous sommes restés 3 ans dans une tente. J’ai mis mes études entre parenthèses pour travailler avec mon frère, agent de nettoyage, et gagner de quoi subsister.

Après la guerre, ma famille s’est installée dans la Plaine de Ninive, à Bashiqa (20Kms de Mossoul), ville traditionnellement yézidie. Nous avons emménagé dans une maison dont les propriétaires sont partis vivre à l’étranger moyennant un petit loyer (100 000 dinars irakiens/mois soit 75€).

 

Pourquoi est-ce important pour toi de reprendre les études à l’université de Mossoul ?

Comme beaucoup d’étudiants, je rêve de finir mes études pour avoir les capacités d’aider mon peuple, d’aider mon gouvernement à apporter la sécurité pour tous les peuples d’Irak. Et enfin, de soutenir financièrement ma famille au jour le jour. Le gouvernement ne nous aide pas. Il devraient nous verser des bourses pour que nous puissions continuer nos études chaque mois. Et si quelqu’un gagne plus d’argent par son travail, il devrait le mettre au service de la communauté. Nous serions peut-être plus heureux et il n’y aurait plus d’assassins qui tuent pour voler l’argent des autres.

 

Vois-tu un avenir pour toi en Irak ?

Pour le moment, c’est difficile de se projeter car la situation n’est pas bonne. Je ne suis pas très optimiste quant à l’avenir du pays. Ma crainte est que quand je finirai mes études, le gouvernement ne m’aide pas à trouver un travail. Nous devrions trouver un travail par nous-mêmes mais l’on sait d’avance que le nombre d’opportunités est très limité. Le risque est que j’oublie tout ce que j’ai appris à l’université si je ne trouve pas un travail dans mon domaine de spécialité. Il y a tellement d’exemples comme ça ici…

Malgré tout, j’essaie d’être heureux et mon rêve demeure. C’est ça qui me fait tenir bon et me permet de m’accrocher à mes études.

 

Pourquoi est-ce important pour toi d’être volontaire dans le cadre de ce projet ?

Pour moi, c’est très important car ni le gouvernement, ni les « organisations » ne se soucient de notre situation. Il n’y a que vous [L’Œuvre d’Orient] qui nous avez entendus. Sans vous, beaucoup d’entre nous auraient arrêté leurs études, faute de moyens financiers. Tout le monde pense que nous n’avons pas un bon niveau car beaucoup de yézidis viennent des villages des zones reculées et ne parlent pas anglais par exemple. J’essaie de porter la voix de mes camarades en faisant un peu de traduction en anglais et j’essaie de les aider en rendant les choses plus simples pour eux, pour qu’ils puissent aller de l’avant et réussir à l’université.