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Pour l’amour de Bethléem – ma ville emmurée : la recension du Père Patrice Sabater

Des livres vous laissent parfois sans aucun affect, sans aucun motif de réjouissance après leur lecture ; d’autres au contraire vous laissent la bouche bée devant autant de courage et d’abnégation ! C’est exactement le cas de ce livre… Une bouche en Ô ou comme un point d’orgue… Le souffle est long, et le réconfort est grand.

Vera Mousa Baboun, est la première femme palestinienne à devenir maire de Bethléem, en 2012. Elle est titulaire d’un Master en littérature afro-américaine. Là, n’est pas, ni son plus grand mérite ni même le lieu d’une quelconque louange. C’est tout autre chose qui convoque à l’admiration de cette palestinienne chrétienne qui ne baisse pas les bras sans doute du fait de deux phrases qui reviennent comme un leitmotiv dans sa vie et dans ce livre : « Les bénédictions et les grâces se cachent au cœur des souffrances. Apprenez à leur donner naissance ! » (entendue lorsqu’elle a 16 ans lors d’une messe célébrée à l’église sainte Catherine de Bethléem), « Tes bras sont mes bras » (devant une statue du Christ mutilé dans un jardin d’un couvent grec-catholique de Milan). Ces deux phrases vont devenir un moteur essentiel pour cette jeune fille, cette épouse, ce professeur et, aujourd’hui, le Maire de Bethléem emmurée. Maire d’une ville où est né le « Prince de la Paix », aux pouvoirs limités qui ne peut sortir ou entrer comme elle le veut, et détenant « une autorité sans autorité ».

Dans ce livre, Vera Baboun nous ouvre la porte de la « vie emmurée » des palestiniens de Bethléem. Elle nous ouvre ce lieu clôt sans en avoir les clés… ; et pourtant elle nous propose un chemin de liberté, de véracité, sans compromissions.

Très tôt elle défend le droit à la liberté, à l’émancipation pour la femme palestinienne de prendre en main sa vie comme personne humaine et comme personne politique. Elle se bat avec son cœur et sa raison auprès de son mari Johnny qui lutte pour la liberté d’un peuple, et la fierté de ses enfants. Tous les deux, ils se battent. Ils entreprennent. Ils recommencent  sans cesse, sans faiblir jusqu’au jour où le bras du plus puissant brise la vie et l’espérance d’un homme, d’une vie, d’un couple. Vera ne baisse pas les bras comme épouse, comme mère, et comme enseignante. Elle devient maire de Bethléem, qui selon elle est le « paradis des non-désirés. Le paradis des rejetés » (page 187). Elle est maire au nom de Dieu et au bénéfice du peuple palestinien, par amour d’un peuple, d’une terre, de la justice et de la liberté. Qui, de fait, accepterait de vivre enfermé à vie ? Et sans doute, pour elle, le plus préjudiciable à cette situation est de vivre dans un silence, emmuré de l’intérieur jusqu’à la paralysie totale de sa volonté, de son être, de ses désirs… Elle le dit avec sa voix sincère en fin d’ouvrage : « Puisse le monde s’en apercevoir, avant qu’il ne soit trop tard ». (page 188)

Ce livre nous rappelle aussi le personnage principal du film Les Citronniers, Hiam Abbass, d’Eran Riklis ; mais aussi la figure – au Liban – de Jocelyne Khoueiry !

La promotion de la femme, l’éducation généralisée et principalement dans les milieux les plus pauvres, le combat pour la citoyenneté pour l’ensemble des confessions et minorités, sont autant de chemins de liberté, de libération, de concorde sociale, de justice et de paix en direction de tous ceux qui partagent le même soleil et la même terre au Proche-Orient.

Ce livre est décidemment « un véritable voyage à la recherche de la lumière » et de la paix !

L’an passé, le Père Patrice Sabater a publié « La terre en Palestine / Israël, Une vérité à deux visages », Domuni Press, les presses universitaires, Institut Catholique de Toulouse (2015) »

Père Patrice Sabater, cm

Le 18 mars 2017

 

Vera Baboun, Pour l’amour de Bethléem – ma ville emmurée, Prix littéraire de l’Œuvre d’Orient 2017

Entretiens avec Philippe Demenet. Ed. Bayard, Paris 2016. 15,90 €.