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Reconnaissance légale de la communauté religieuse : un défi pour la nouvelle Turquie

Un passage crucial pour la Turquie moderne est la reconnaissance juridique des communautés religieuses.

Il s’agit d’un droit essentiel qui est également le présupposé fondamental en vue du plein exercice de la liberté religieuse : c’est ce qu’affirme, à la veille des élections législatives du 12 juin, Otmar Oehring, responsable chargé des Droit de l’homme de « Missio Aachen », Bureau des Œuvres pontificales missionnaires en Allemagne. Dans un entretien accordé à l’Agence Fides, Oehring insiste sur les carences du système des droits garantis en Turquie aux communautés religieuses. En effet, aucune d’entre elles n’existe officiellement pour la loi turque. Il manque une réglementation qui reconnaisse la « personnalité juridique » aux églises et autres communautés avec toutes les conséquences qui en dérivent (impossibilité de détenir une propriété, de stipuler des contrats, d’avoir des salariés, de gérer des écoles, de lancer des projets, de disposer de publications, etc.).

La communauté islamique sunnite (qui est majoritaire dans le pays), tout en n’ayant pas de statut légal indépendant – explique Oehring – voit au moins sa vie et ses activités protégées et ordonnées par le biais de la référence à la « Diyanet », la Présidence des Affaires religieuses qui dépend directement du Premier Ministre. Les autres communautés en revanche, sont des « communautés fantômes » en ce qu’elles vivent un paradoxe : « elles sont présentes mais c’est comme si elles n’existaient pas ». « Le gouvernement de l’AKP (le parti du Premier Ministre, Tayyp Erdogan) n’a pas fait preuve d’un engagement réel en matière de reconnaissance de la liberté religieuse pour tous et non seulement pour un groupe » remarque Oehring. « Cette situation singulière soulève également la question de savoir si la Turquie peut être qualifiée d’Etat laïc. La personnalité juridique est l’un des aspects du problème : des changements en ce qui concerne l’attitude de l’Etat, de la société et la mentalité commune sont nécessaires, tout comme sont nécessaires des modifications de la Constitution et du Code civil. Autrement la Turquie échouera dans sa tentative de répondre aux obligations et de réaliser les aspirations dans le respect des droits de l’homme » poursuit-il.

La reconnaissance légale – explique-t-il – « est fondamentale dans le cadre des relations entre l’Etat et la religion » en ce que, en la niant, « on empêche de facto aux membres des communautés religieuses d’exercer pleinement la liberté de culte et de religion et d’en jouir ». Un exemple positif dans ce sens consiste dans l’histoire de l’orphelinat de Buyukada, confisqué par l’Etat en 1964 et restitué au Patriarcat oecuménique de Constantinople à la fin de 2010. «L’affaire représente une admission implicite de la part de l’Etat du fait que les légitimes propriétaires existent même si, légalement, ils ne sont pas reconnus ». Pour remédier à de tels problèmes, affirme Oehring, il est urgent que la législation soit modifiée et les Eglises et communautés religieuses minoritaires demandent tout d’abord au nouveau gouvernement l’abolition de l’article 101 (§ 4) du Code civil qui interdit aux communautés religieuses d’obtenir le statut légal de «fondations». « Tant que les communauté religieuses n’auront pas le statut légal, elles seront dans l’impossibilité d’agir de manière responsable et autonome » note Oehring. « Tout cela – conclut-il – représente une violation des droits de l’homme, qui doivent être garantis aux personnes et aux communautés » et se trouve à la base de nombreux problèmes sociaux et religieux de la Turquie moderne. (PA)

(Agence Fides 11/06/2011)

 


 

Environ 0.1% de la population est chrétienne en Turquie, soit 80 000 chrétiens, dont 10 000 catholiques arméniens, syriens et chaldéens.

L’Œuvre d’Orient a versé en 2010 en Turquie comme allocation : 111 000 € *

* hors secours urgents, offrandes de messe, et bourses de séminaristes