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Syrie : les chrétiens sont ainsi pris en étau entre sunnites et alaouites

Comment les chrétiens vivent les tensions actuelles en Syrie ?

Il n’y a pas une seule position chrétienne face au soulèvement qui sévit en Syrie. Certains chrétiens se contentent du régime autoritaire actuel car ils redoutent l’arrivée au pouvoir de fondamentalistes musulmans qui pourraient les percevoir comme des protégés du régime El-Assad ; ils les accusent d’être des amis des Occidentaux. D’autres chrétiens pensent que la gouvernance d’El-Assad pose des problèmes éthiques dont ils ne peuvent se satisfaire.

Il faut bien comprendre qu’en Syrie les tensions sont grandes entre les alaouites comme Bachar El-Assad (20 % de la population) et les sunnites (60 % de la population syrienne). Le régime autoritaire de l’actuel président syrien s’exerce en opposition à la majorité sunnite. Hafez El-Assad a de son temps violemment persécuté les sunnites. Fragiles et sans milice, les chrétiens sont ainsi pris en étau entre sunnites et alaouites et subissent des violences de la part des deux camps, notamment dans la ville de Homes. La situation est moins tendue à Damas et Alep.

À Homs, des familles chrétiennes perdent leur emploi à cause de la chute de la fréquentation touristique et des sanctions économiques internationales. Je lance d’ailleurs un appel au secours au nom des chrétiens d’Homs.

Quelle est l’attitude de Bachar El-Assad à l’encontre des chrétiens du pays ?

Les chrétiens ne participent pas au pouvoir en Syrie de façon significative. Je crois que Bachar El-Assad a assez à faire avec la majorité sunnite et qu’il ne voit pas l’intérêt d’ouvrir une seconde « ligne de front » avec les chrétiens. Ainsi, il fait le nécessaire pour les garder dans le calme.

Les chrétiens de Syrie ont-ils peur ?

Des chrétiens sont morts depuis le début du mouvement de protestation qui traverse la Syrie. Mais nous n’avons pas de chiffres. Bien entendu, les chrétiens de Syrie vivent dans l’anxiété que se reproduise dans leur pays ce qui s’est passé en Irak après la chute de Saddam Hussein.

Que pensez-vous de la position des principaux représentants politiques face à Bachar El-Assad ?

Je suis un prêtre, je ne fais pas de politique. Je demande juste aux autorités françaises qui réclament le départ d’El-Assad de penser également à la sécurité des chrétiens de Syrie. Je ne soutiens pas le régime de Bachar El-Assad ; je demande simplement que l’on réfléchisse à sa succession et aux possibles conséquences pour les Syriens, et notamment les chrétiens, d’un changement de gouvernance.

Moralement, est-il acceptable pour des chrétiens de se satisfaire d’une dictature au seul motif qu’elle leur garantit une certaine paix ?

Il faut bien comprendre que, si les chrétiens de Syrie ne sont pas contre Bachar El-Assad, ils ne sont pas pour autant de son côté. En théologie morale, le souci du moindre mal est bien présent. Il est légitime de vouloir renverser un dictateur si l’on est sûr que ce ne sera pas pire après.


Interview de Famille Chrétienne réalisée par Benjamin Coste