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[SYRIE] Mgr Pascal Gollnisch : "Le père Joseph était très apprécié, il était un homme de paix"

Ce vendredi à 11h00 se tenait la messe en mémoire du père Joseph Hanna Ibrahim, pasteur de Kamechliyé (nord-est de la Syrie), assassiné lundi dans un attentat avec son père. Voici l’homélie de Monseigneur Pascal GOLLNISCH lors de cette cérémonie.


Est-ce un génocide qui recommence, est-ce un génocide qui continue ? C’est la réflexion que me faisait parvenir un ami arménien de Syrie qui illustre le niveau d’angoisse de la communauté arménienne de Syrie. Depuis ce drame mais aussi depuis le début de la guerre civile en Syrie, la communauté arménienne a eu le sentiment d’être spécifiquement visée.

Le père Joseph se rendait à Deir-ez-Zor, vous n’êtes pas sans savoir ce que signifie Deir-ez-Zor dans l’histoire tragique de la communauté arménienne. Il est à noter que le monument à Deir-ez-Zor érigé à la mémoire de cette tragédie, qui était là simplement pour rappeler les souffrances du peuple arménien, ce monument a été volontairement et symboliquement détruit. Comment ne pas comprendre l’angoisse de cette communauté, quand on sait que souvent les grands-parents ont été de ceux qui en 1915 ont fui ceux qui voulaient les exterminer ?

Dans cette cathédrale arménienne catholique de France, l’heure est à la prière et au recueillement. Je voudrais vous transmettre, Excellence, les prières de Mgr Moulins- Beaufort, président de la conférence des évêques de France qui m’a téléphoné ce matin pour vous dire sa proximité au nom de tous les évêques de France. Également, celle de Mgr Michel Aupetit, archevêque de Paris, ordinaire des catholiques orientaux.

Avec tous ceux qui sont ici, vous Excellence, évêque maronite de Damas, vous Excellence, administrateur de l’éparchie ukrainienne de France, les représentants de l’église catholique et des églises non catholiques qui ont voulu s’unir à vous, je voudrais vous assurer de la prière de tous et vous présenter nos condoléances.

Ces Arméniens assassinés touchent bien sûr en premier lieu toute la nation arménienne, mais au-delà même des communautés chrétiennes, tous les hommes de bonne volonté se sentent touchés.
Je voudrais saluer la présence de monsieur l’ambassadeur Peaucelle qui représente le ministre français des Affaires Etrangères et de madame l’ambassadrice d’Arménie, signes que le drame dépasse de beaucoup la communauté chrétienne.

Le père Joseph était très apprécié, il était un homme de paix. C’est difficile d’être un homme de paix quand toute une région est saisie par la folie de la violence. C’était un homme profondément dévoué dans son ministère qui savait être proche des plus pauvres et soucieux de la communion ecclésiale.
Il se rendait à Deir-ez-Zor et il savait que c’était dangereux. Mais il était important à Deir-ez-Zor justement de poser des actes de reconstruction pour que la dernière parole ne soit pas celle de la violence et de la destruction.

Nous prions pour son papa, mort lui -aussi rejoignant ainsi son fils dans le sacrifice de sa vie.
Nous prions pour le rétablissement du diacre blessé dans l’attentat et bien sûr pour la famille du père Joseph : sa mère, son épouse, ses enfants.

Nous prions et nous exigeons que les violences cessent, que les moyens soient pris pour assurer la sécurité de la population dans son ensemble et de la communauté chrétienne de Syrie en particulier. Nous demandons que la population syrienne soit soulagée de la souffrance qu’elle subit depuis 10 ans de guerre et parfois aussi occasionnée par des sanctions qui semblent inutiles et injustes.

Il me semble que nous sommes devant deux défis d’ordres spirituels.
Le premier défi sera d’obtenir que les bourreaux soit mis devant leur conscience, devant la réalité des crimes qu’ils ont commis. Nous ne pouvons pas ignorer cela, nous ne pouvons faire comme si rien ne c’était passé.
Maintenant et dans l’avenir il ne s’agit pas d’être enfermé dans le passé ou rivé dans les moments les plus douloureux. Il s’agit de la vérité et nous savons que le Christ nous a dit que la vérité nous rendra libre. C’est vrai pour nous, c’est vrai aussi pour ceux qui ont commis ces meurtres.

Peut-être y a t-il un nouveau défi, dont je n’ose parler. Et pourtant que nous ne pouvons ignorer.

J’ai vivement été frappé par une femme âgée qui avait fui les exactions de Daesh et qui avait eu la vie sauve in extremis. Avec elle nous avons prié le Notre Père et après cette prière, elle m’a dit : je vous demande de prier pour moi pour qu’un jour je trouve la force de pardonner.

Il se trouve que j’étais avec des journalistes français, athées, ou qui disaient l’être. Ces journalistes se sont retrouvés bouleversés qu’une chrétienne et un prêtre puissent ensemble parler du défi du pardon. Et ils m’ont dit : nous venons de réaliser qu’il n’y a que les chrétiens qui parlent du pardon.

Alors frères et sœurs, le pardon n’est pas l’oubli, le pardon n’est pas la résignation, le pardon est un don de Dieu, le pardon est une imitation du Christ, le pardon est un commandement de Dieu.
Et plus que jamais dans cet Orient tumultueux, souffrant et violent, cruel parfois, plus que jamais les chrétiens doivent pouvoir témoigner que le Christ nous a demandé d’aimer nos ennemis, que le Christ nous a demandé de pardonner comme Dieu nous pardonne.

Le Christ nous avait prévenus, le pasteur a été visé, il a été mis à mort, et si le pasteur est visé le troupeau ne sera pas épargné.
Nous entendons la phrase du Christ : Courage, j’ai vaincu le monde.
Frères et sœurs, le Christ n’a pas vaincu le monde en rajoutant de la violence à la violence, le Christ n’a pas vaincu le monde en se faisant assister par des légions d’anges qui ont combattu pour lui. Le Christ a vaincu le monde par l’amour, encore et toujours.

Mgr Pascal Gollnisch