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Témoignage d'Anaïs, volontaire à Samalout en Egypte

Voilà exactement une semaine que je suis arrivée à Samalout*, et c’est une vraie grâce d’être ici. A mon arrivée j’ai reçu un accueil des plus chaleureux à la maison mère à Héliopolis puis au dispensaire par Soeur Férial, Soeur Camélia et Soeur Juan ! Les Soeurs sont vraiment aux petits soins avec moi et l’ambiance est très chaleureuse. Nous rentrons aujourd’hui d’Alexandrie où nous avons passé le week-end chez la famille de Soeur Férial, un vrai bonheur.

Quelle joie d’être avec les chrétiens d’Orient !

Sinon des éléments plus fun : soirée narguilé, plage, danse devant l’ancien Palais du Roi Farouk à Alexandrie, et petite virée sur le Nil. Jeudi j’aurai la grâce d’assister au mariage de Marina, la nièce de Soeur Magda, au village juste à côté. Nous pouvons prier pour leur union.

Un jour est arrivé ce que je redoutais le plus depuis le début de ma mission en Haute-Égypte.

Les vendredis nous quittons notre dispensaire de Samalout et toute notre petite équipe de dix infirmières et deux médecins dermatologues allons dans une ancienne école religieuse d’Abou El-Abbas soutenir une équipe médicale de trois personnes. De même qu’au dispensaire, nous soignons les brûlures, du premier au troisième degrés, les maladies de peau et les pertes de cheveux.

A la différence de Samalout, l’équipe de soins pour les brûlés est toute petite, un médecin Nadia, que je seconde, et nous ne disposons que d’une pièce. Abou El-Abbas est par ailleurs un village beaucoup plus rural que Samalout, où il est coutume de vivre avec le bétail dans le logis détériorant davantage les conditions d’hygiène. Sa robe était déchirée laissant  la peau calcinée à vif du menton et de sa poitrine à nue, son visage tuméfié, un seul œil à peine visible entre des paupières gonflées, des joues écarlates, des lèvres difformes. Cette femme avait été tabassée et brûlée.

C’est dans un silence religieux que nous avons fait sortir ses accompagnantes avec l’aplomb et l’autorité rassurante de femmes soignantes. Après l’avoir fait assoir, Nadia et moi accomplissions ce lugubre cérémonial mécanique des soins tentant de garder une neutralité, qui dans nos regards, croulait devant l’horreur. Elle ne bougea pas, ne prononça un son, ne donna aucun signe de résistance malgré l’alcool et les produits à même sa chaire. Cette femme était devenue l’ombre d’elle-même, une statue cristallisant l’humiliation qu’elle avait subie.

Le travail fini, elle n’était plus que deux yeux sous d’innombrables bandages. Incertaine je lui remis sa robe, la gaze cachait à présent sa poitrine lui donnant alors la pudeur accordée aux femmes défigurées.

En fermant la porte derrière elle, la brise du ventilateur fut le souffle pour me faire tenir debout et je me tournais émue cherchant le regard fuyant de Nadia, qui désinfectait nerveusement les pinces et ciseaux. Elle resta silencieuse et ne me regarda pas. Elle était déjà au travail pour les suivantes.

Anaïs

 

*Salamout est dans le diocèse copte catholique de Minya et abrite une communauté de Sœurs spécialisée dans le traitement des brûlés.