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Témoignage de Maÿlis, volontaire en Terre Sainte

Jérusalem le 23/01/2019

 

 

Me voilà enfin arrivée ! Ça fait des semaines que j’attends cela. Fini les histoires de papiers administratifs, d’attente de visa, de vérification de validité de passeport … L’aventure commence enfin.

Je me retrouve, seule dans l’avion, toute excitée à l’idée de découvrir une terre inconnue et source importante de notre civilisation.

Le premier contact avec la population locale fut rapide.  Dans l’avion, le jeune palestinien assit à côté de moi me demande de manière directe « Are you Muslim or Jewish ? ».

J’étais un peu étonnée : d’abord, je n’avais que deux réponses possibles et surtout parce que ce n’est pas en France qu’on me poserait une telle question !

J’ai vite compris qu’ici, dans le berceau des trois religions monothéistes, on se définit par ce en quoi on croit. C’est notre religion qui fait de nous une personne. Il est inconcevable pour un israélien d’être athée.

 

Je suis donc arrivée à l’aéroport de Tel-Aviv le mercredi 23 Janvier 2019 où Jean-François, le directeur de la maison, m’attendait.

Une fois sortie, choc thermique, je suis passée d’une capitale française enneigée à une capitale orientale sous le soleil et 21 degrés.

 

Arrivée au Home j’ai pu faire la connaissance de tous les volontaires qui m’accompagneront tout au long de ma mission. Mathilde et Ludovic, un jeune couple tout juste marié, qui vient passer un an en tant que volontaire. Mathilde est infirmière pour les personnes âgées et Ludovic s’occupe du jardin et de l’intendance. Mais aussi Marie-Cécile et Gaëlle, deux autres volontaires qui aident ici en tant qu’infirmières pour deux ans.

En ouvrant mes volets je me suis retrouvée face à un mur gris de 9 mètres de haut s’étendant à perte de vue, m’empêchant d’avoir une quelconque vision de ce qu’il y a autour.

Je me trouve en fait à la frontière qui sépare depuis 2002 Israël de la Palestine. Ce mur nous rappelle constamment l’actualité conflictuelle des lieux. On m’a d’ailleurs interpellée dans la rue en me recommandant de longer le mur pour éviter d’être assommée par des pierres venant de l’autre côté.

 

Jeudi et vendredi, avant de commencer mon travail à l’administration, j’ai passé deux jours dans le service, pour comprendre le fonctionnement de la maison et rencontrer les résidents.

Je me suis occupée des repas, des activités pour les personnes âgées avec les autres bénévoles. J’ai adoré !

« Vieillir c’est retomber en enfance », j’ai toujours entendu dire ça. Et bien, je comprends enfin ce fameux dicton !

Leur perte progressive de mobilité, de sensorialité, de visibilité, leur dépendance croissante de l’entourage, me font penser à une sorte de retour à l’enfance.

Les personnes âgées boudent, ne veulent pas finir leurs assiettes, s’énervent, ont besoin d’affection, de beaucoup dormir …

 

Mais là où, je pense, s’occuper d’eux est plus difficile que de s’occuper d’enfants, c’est que psychologiquement, nous nous disons que l’on ne travaille pas pour l’avenir. C’est le cycle de la vie, vieillir et mourir.

Comme le dit Simone de Beauvoir « Nous vivons dans une société où la mort est cachée. Or les personnes âgées sont associées à cet impensé. La société est très centrée sur des valeurs comme la performance, la jeunesse, la rapidité, avec le modèle de l’humain surpuissant, prenant soin de lui. Le très vieux nous met donc mal à l’aise. » Nous travaillons pour justement éviter ce malaise. Pour être avec eux, leur assurer une compagnie dans la fin de leur vie.

C’est là où la mission est importante, nous devons nous rappeler chaque instant qu’il est important que leurs dernières années se passent de la meilleure manière possible. Parce qu’après la maison de retraite qu’est-ce qu’il y a ? La mort est le seul horizon …

Tous les résidents sont atteints d’une maladie à un stade plus ou moins avancé. Par exemple l’autre jour, en arrivant à la salle à manger, j’aperçois sœur Odile, une de nos résidentes, qui plaçait soigneusement son dentifrice, sa brosse à dent et son stylo parallèlement à sa fourchette et à son couteau. Je lui demande alors « Que faites-vous ma sœur ? »  « J’aide à mettre le couvert, vous ne voyez pas ? » me répond-elle. « Oh merci ma sœur, mais je ne suis pas sûre que ces éléments soient utiles pour le déjeuner » « Ah bon ? » me répond-telle, en prenant soin de remettre dans son sac son dentifrice, sa brosse à dent, son stylo ainsi que son couteau et sa fourchette…

Il faut se mettre à leur place. Hors de chez soi, on n’a plus de repère on est perdu.

Lorsque les nouveaux résidents arrivent ici, nous devenons leur famille, leur univers. Car ils ont dû tout abandonner, ils ont fermé la porte de leur maison et n’y retourneront jamais. Le temps est long, très long. Ils attendent que ça passe. Parfois ils s’inventent un travail, rangent un placard, nettoient une table propre ou plient les serviettes sales. Ils ont besoin de se sentir utiles, et c’est pour ça que nous sommes là.

 

Je parle de ma mission auprès des personnes âgées, mais mon rôle ici est plutôt d’assister le directeur dans toutes les tâches administratives. J’ai commencé mon travail le lundi suivant, au bureau.

Je m’occupe de la gestion des bénévoles. J’organise le planning hebdomadaire de travail, je réceptionne les candidatures pour le bénévolat et le volontariat ainsi que les demandes de résidences. J’échange beaucoup par mail et par téléphone en français et en anglais et je gère aussi les demandes de dons, de partenariats, qui permettent à la maison de fonctionner.  Autrement dit ma mission est d’assister à la gestion générale de la maison.

Ce qui est génial, c’est la liberté que le directeur me laisse. Je peux proposer tout ce que je veux qui pourrait améliorer la vie des résidents et le fonctionnement de la maison.

 

Tous les soirs, pour garder le contact avec les résidents, je viens donner le dîner. Je trouve très important de tisser des liens… Je trouve souvent le moyen de passer dans la journée les embrasser et leur faire un coucou. C’est toujours touchant lorsqu’ils me demandent où j’étais passée depuis que je les avais quittés et qu’ils me disent que je leur ai manqué. J’ai vraiment l’impression d’être utile en leur apportant une simple présence et de l’affection.

 

Jérusalem, la ville trois fois sainte, berceau de toutes les religions. Géographiquement et historiquement, je me trouve au centre du monde.

Dès que j’ai du temps libre, je m’aventure dans la vieille ville. On peut parler d’aventure car c’est une ville incompréhensible. Elle est entourée de remparts et divisée en quatre quartiers (arménien, chrétien, juif et musulman). La diversité y est étonnante, on passe de quartier en quartier sans difficulté. Il n’y a pas de frontière visible, mais il est impossible de ne pas savoir dans quel quartier nous sommes tant les habitants mettent en avant leur croyance.

 

Jérusalem est une ville frappante pour sa diversité mais également pour la mentalité des gens qui y habitent. Lorsque l’on est touriste, tout le monde vient nous aborder, les habitants sont curieux et veulent savoir ce que l’on fait ici, etc…

Ce qui est surprenant, c’est le Shabbat, le samedi, car les Juifs commencent leur semaine le dimanche et leur samedi est complètement consacré à la pratique religieuse. C’est tellement sacré que la ville est morte et aucun commerçant ne travaille. Il n’y a aucune lumière ni chauffage, les trains et les bus ne circulent plus et rares sont les taxis. J’ai été très surprise lorsque j’ai voulu aller retirer de l’argent le samedi suivant mon arrivée car même les distributeurs automatiques étaient fermés. Les Juifs n’ont pas le droit d’être en contact avec de l’argent ni avec quoi ce soit de mécanique ou électrique. Il faut même se cacher pour appeler quelqu’un ou prendre des photos.

 

Mais ces différences ne sont pas désagréables, on s’aperçoit en habitant ici que l’Europe n’est pas le centre du monde, que le monde n’est pas occidentalisé comme on le pense trop souvent. Et l’on s’y fait… On s’est construit un nouveau « chez-soi ».