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Témoignage d'Etienne, volontaire de l'Œuvre d'Orient à Addis-Abeba, en Ethiopie

Etienne, 22 ans, est élève de l’ISAE à Toulouse. Il effectue une mission avec la communauté des Frères de St Jean à Addis-Abeba en Ethiopie pour aider au projet de construction d’un ensemble multi-usages paroissial. Il fait suite à d’autres volontaires qui apportent le meilleur d’eux-mêmes avec leur compétence et leur personnalité. 

 

 

Addis-Abeba, le 22 mai 2019

 

Cela fait maintenant deux mois et demi que je suis en Ethiopie, et me voilà déjà à la moitié de ma mission. Comme le temps passe vite ici ! Il y a quelques semaines, j’arrivais à Addis-Abeba, envoyé par le pôle jeune de l’Œuvre d’Orient, pour une mission auprès de la communauté Saint-Jean installée depuis 10 ans dans cette capitale africaine. Pendant 5 mois je vais habiter au sein de la communauté, les aider dans la construction d’un bâtiment d’accueil (Centre St-Jean), vivre certains de leurs apostolats, notamment auprès des jeunes, et animer des camps d’été. Et depuis que je suis arrivé, je n’ai pas du tout eu le temps de m’ennuyer ! Je prends désormais la plume pour partager un peu de mon vécu avec la France. Il y certainement beaucoup de choses que je vais dire qui sont connues par un grand nombre de lecteurs mais j’en savais si peu en arrivant que j’en suis amené à décrire des choses peut être « basiques ».

 

En train de compter les briques

 

En atterrissant à Addis-Abeba, je dois avouer avoir été un peu perdu. C’était la première fois que je posais les pieds sur un territoire si éloigné de la France, et qui plus est dans un pays si différent du mien. Et puis surtout, que je ne connaissais en rien… En me déplaçant en ville j’étais à la fois très intrigué, surpris, impressionné, amusé aussi, par tout ce que je pouvais voir, et réellement curieux : je désirais comprendre ce qui se vit ici et comment. En effet, ce pays a bien l’air, dès le premier coup d’oeil, d’être relativement complexe, et d’une certaine manière riche. Une richesse que je cherchais à cerner et à comprendre, puisqu’elle n’est évidemment pas financière. Comment cela se fait-il que l’Ethiopie, qui est pauvre économiquement parlant, et dont je ne connaissais même pas le drapeau il y deux mois, me laisse une impression si forte et positive ? C’est au bout de ces quelques semaines qu’il me semble y voir plus clair. Après avoir fréquenté des Éthiopiens de différents âges et milieux, visité quelques lieux symboliques (de la capitale pour le moment…), m’être renseigné sur leur passé, très religieux, je comprends que l’Ethiopie est une nation ancienne et riche d’une culture et d’une histoire qui ont franchi les siècles, parfaitement méconnues de la plupart des européens dont je fais partie, et dont elle est profondément fière. Mais pas prétentieuse. Qui sait par exemple que l’Ethiopie est le seul pays d’Afrique à n’avoir jamais été colonisé ? Que le peuple Éthiopien croit descendre de la Reine de Saba ? Et tant d’autres choses ! Je n’ai personnellement commencé à comprendre ce pays et ses habitants que lorsque frère Athanase, le prieur du couvent d’Addis-Abeba, m’a situé l’Ethiopie autant en Afrique qu’en Orient (les Éthiopiens ne se considèrent d’ailleurs pas Africains). Bien des choses s’expliquent alors.

Et maintenant que je suis ici j’ai appris qu’il n’est pas possible de parler de l’Ethiopie sans d’abord parler de sa religion. J’avais été surpris avant de m’y aventurer d’apprendre qu’elle est en grande majorité orthodoxe. Et ici, pas de peur pour afficher sa religion : il y a tout simplement des croix et des images de la Vierge ou des anges partout ! C’est le deuxième pays chrétien de l’histoire et cela l’a marqué très profondément. Au XIXème siècle une petite branche de l’Eglise orthodoxe éthiopienne s’est rapprochée de Rome conservant un rite « oriental ». J’ai eu la grande chance de vivre la fête de Fassica, c’est à dire Pâques, à Addis- Abeba, et de découvrir les célébrations orthodoxe et catholique, orientales donc, pour cette grande occasion. La cérémonie orthodoxe était aussi splendide que déconcertante pour le catholique romain que je suis. L’Eglise était remplie sur ses deux niveaux, d’hommes et de femmes installés de leurs côtés respectifs, tout de blanc vêtu. De nombreux fidèles restaient à l’extérieur. Et certains dormaient même pour se préparer à la longue nuit de célébration… Après ce rapide passage chez les orthodoxes, nous sommes allés à la veillée pascale catholique orientale célébrée par le Cardinal Berhaneyesus. Nouveau choc culturel pour moi puisqu’il s’agissait de la première messe dans un rite aussi éloigné du rite romain à laquelle j’assistais. Ce fut une cérémonie d’une très grande beauté, bien que très difficile à suivre tout de même. Quelle ferveur chez les fidèles ! Je suis sorti de cette Messe profondément marqué par ces catholiques éthiopiens très dévoués, et convaincus d’une chose : l’Eglise est vaste et variée et chacun des rites traditionnels qu’elle connaît l’enrichit grandement.

 

Messe de Pâques chez les Orthodoxes Ethiopiens

 

Ainsi j’ai pu découvrir un peu l’Ethiopie autour de ma mission. J’ai également une journée de libre par semaine que je mets à profit avec Emmanuel, l’autre volontaire de la communauté, pour visiter certains lieux d’Addis-Abeba. Cependant, le reste de la semaine nous travaillons au prieuré pour aider au suivi de chantier du futur bâtiment d’accueil de la communauté. Il s’agit d’un travail technique qui me convient parfaitement, élève ingénieur que je suis. Réunions de chantier, choix de solutions techniques, achat de matériel, contrôle de qualité et de paiements et moments partagés avec les ouvriers nous occupent à temps plein ! C’est une mission réellement valorisante, puisque nous avons une grande liberté et de vrais défis, et aussi extrêmement instructive. Les méthodes de travail des éthiopiens et le temps passé avec eux nous apprennent effectivement tellement sur ce pays et son fonctionnement.

En plus de notre mission sur le chantier, les frères nous font vivre, certains de leur apostolat. Et le principal d’entre eux est l’école de vie qui se réunit tous les weekends au prieuré. Il s’agit d’un groupe de six jeunes éthiopiens d’une vingtaine d’année qui viennent vivre avec les frères deux jours par semaine, pour effectuer des missions auprès des plus pauvres (visite d’orphelinat, maraudes, missions en campagne, activités avec des enfants du quartier …), suivre des enseignements, des temps de prière et des moments conviviaux. Quelle chance ai-je eu de découvrir ces six jeunes qui sont de véritables témoignages vivant de foi, d’espérance et de charité ! J’ai appris en effet que cinq d’entre eux sont orphelins et que tous ont des problèmes très difficiles à porter. Et pourtant de quelle joie, affection, dynamisme et maturité même, rayonnent-ils !? Qu’il est beau de voir une jeunesse se prendre en main spirituellement, mais aussi scolairement, comme ils le font. Je dois avouer que cela me change des jeunes que j’ai pu rencontrer en France, notamment en tant que chef scout… Eux, peut être parce qu’ils ne connaissent pas notre confort, sortent de leur canapé, et quels fruits portent-ils !

 

En mission avec l’Ecole de Vie dans un Orphelinat des soeurs de la charité

 

On ne sait jamais où s’arrêter dans un tel rapport. Mes mots ne pourront jamais traduire fidèlement ce que je vis et reçois quotidiennement en abondance ici. Je terminerai donc par une anecdote qui illustre parfaitement la générosité éthiopienne que j’expérimente depuis plus de deux mois. C’était une semaine après mon arrivée ici, le frère Philippe-François m’emmenait déjeuner dans une famille dont le père était malade. Alors que nous déjeunions de notre côté avec les enfants, une trentaine d’amis et membres de la famille de cet homme sont arrivés pour une visite surprise. Ils ont tous été reçus, ont eu à manger et à boire, sont restés avec le malade une vingtaine de minute et sont repartis comme ils sont venus. Ce qui m’a laissé absolument pantois, est en fait banal ici où le sens de la famille est très fort, couplé à une grande hospitalité. Cet homme est monté au ciel une semaine plus tard, quelle grâce d’avoir pu voir ses proches avant de rejoindre le père.

Je tiens finalement à remercier chaleureusement tous les frères de la Communauté Saint-Jean d’Addis-Abeba qui m’accueillent dans leur quotidien et me font grandir, chacun à sa manière, depuis deux mois et demi, ainsi que le Pôle Jeunes de l’Œuvre d’Orient qui me soutient dans cette mission depuis le départ.

Que Dieu garde l’Ethiopie !

 

Au revoir à Gabriel, ancien volontaire de l’Œuvre, avec l’Ecole de Vie