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Thibault, volontaire au Caire en Egypte avec l'Œuvre d'Orient nous raconte sa mission

Chers tous, quelques nouvelles !

Aux sources du monachisme chrétien : les monastères Saint Paul et Saint Antoine. Il n’est pas étonnant que l’Egypte soit le berceau du monachisme. Perdus dans l’immensité sableuse hiératique, au pied de montagnes arides, loin de la vallée fertile du Nil, les premiers ermites ont pu trouver dans le désert oriental un refuge sûr, pour échapper aux persécutions romaines, et pour trouver la solitude nécessaire à la prière et la quête du salut. S’il est dit que saint Paul fut le premier ermite, il revient aux disciples de Saint Antoine d’avoir fondé le premier monastère, attirés comme lui par la vie d’ascète. A partir du 4e siècle, chaque grappe d’ermites gravitant autour de son chef spirituel propre s’organisa en communauté, dans des cellules regroupées à l’intérieur d’un mur d’enceinte.

 

Saint Paul et Saint Antoine étaient contemporains, et avaient établi leur ermitage à 30 km de marche à travers les montagnes l’un de l’autre, sans le savoir. Ce n’est qu’à l’article de sa mort que saint Paul reçut la visite de saint Antoine, qui avait eu des visions. Quelques décennies après la mort de saint Antoine (qui aurait vécu 105 ans), presque toutes les villes d’Egypte comptaient des ermitages à leur périphérie. Dès le 4e siècle, les monastères essaimèrent dans le pays, et à partir du 5e siècle à travers l’Europe.

Monastère Saint-Paul

Dans les deux monastères, nous sommes accueillis chaleureusement par des moines arborant de grandes barbes noires. L’hospitalité veut aussi que soient offerts aux pèlerins une écuelle de foul avec un peu de pain. Au monastère Saint-Antoine, nous gravissons au tout petit matin, à la fraîche, les 1200 marches vers la grotte dans laquelle l’ermite s’était perché pour échapper aux sollicitations des fidèles. Minuscule et effilée, elle est ornée d’un autel qu’éclairent pieusement quelques bougies. Les deux monastères sont magnifiques, comme des havres de paix et de vie au milieu du désert. Dans chaque, une « source miraculeuse » permet de procurer de l’eau. Les raids bédouins réguliers n’auront pas eu raison de la foi des moines.

 

Monastère Saint-Antoine

 

Ramadan

Deux semaines de tourbillonnement intense. A partir de midi, la rue Port-Saïd, celle que j’emprunte régulièrement pour aller du Collège de la Salle au Collège Saint-Joseph, est complétement bouchée. Toute la ville est en branle pour les préparatifs du mois saint, Ramadan.

Les trottoirs sont investis par d’immenses échoppes de fanous ramadan, les lanternes typiques. Les rues se couvrent de guirlandes de drapeaux et de loupiotes.

Puis, à partir du 17 mai matin, et pour les 29 jours suivants, le temps d’un cycle de lune (sur lequel est basé le calendrier hégirien), les journées deviennent aussi calmes que les nuits agitées. De la prière du lever du soleil vers 3h du matin (el Fagr) jusqu’à celle du coucher, vers 19h (el Maghreb), les musulmans ne pourront rien faire passer dans leur bouche : ni boisson, ni nourriture, ni une fumée de cigarette ou encore des médicaments. Alors que l’été s’est déjà bien installé, les premiers jours sont les plus durs. Les rues sont complètement désertées, le contraste est impressionnant. La surprenante tranquillité qui règne alors est vraiment agréable. Puis, les jeûneurs prennent leur rythme, et on croise un peu plus de monde. Quand la nuit tombe, ce n’est pas l’effervescence qui agite la ville, c’est l’explosion. Les Egyptiens se précipitent pour ne pas manquer le début de l’iftar, le repas de la rupture du jeûne. Il vaut mieux ne pas se trouver dans le trafic à cette heure-là.

Ramadan invitant à la générosité, et sachant la délivrance que procure la première gorgée après une longue journée de 16h de jeûne, on distribue des « kits d’iftar » (un jus, une bouteille d’eau, et un biscuit par exemple, ou quelques dattes) aux feux rouges pour ceux qui sont encore en voiture, ou aux voyageurs dans le train. On trouve même ces kits déjà préparés dans les magasins, scotchés, prêts à l’achat en tant que tels. Le soir, de grandes tables sont dressées dans la rue, ouvertes à tous. Déjà à partir de 18h30, les hommes, mais aussi quelques rares femmes, sont attablés et le repas est servi devant eux. Ils n’attendent que le gong de départ, le premier mot de l’appel à la prière, pour enfourner leurs premières bouchées. Tout le monde organise des soirées conviviales, mon école d’arabe, les dominicains, les établissements scolaires… dans la rue également, à l’égard des passants, les invitations ne manquent pas. Se mêlent alors chrétiens et musulmans, voire athées, dans une ambiance fraternelle très belle.

Durant le mois de Ramadan, toute la vie diurne tourne au ralenti. Attention à ne pas prévoir de visite l’après-midi, les musées ferment à 14h30, sans évidemment en faire mention sur leur site internet. Les musulmans ne dorment presque plus, car d’une part la nuit est consacrée à la fête et aux prières surérogatoires, qui s’ajoutent aux cinq quotidiennes obligatoires. Le coran doit être récité en totalité à la fin du mois. Mais d’autre part la journée doit être vécue tout aussi pieusement, pour éviter la facilité de n’avoir qu’à vivre la nuit et dormir le jour. Le plus souvent, on constate que les administrations mais aussi les sites touristiques, même les plus importants, ferment vers les 14-16h, et que certains en profitent pour faire de larges grasses matinées ou siestes, se réveillant quinze minutes avant l’iftar.

Comme dans toute situation en Egypte, Ramadan a ses formules. Si le sempiternel « kol sana wenta tayeb » (que toutes les années se passent bien pour toi) est bien sûr de mise, on peut varier avec un « ramadan kareem » (généreux ramadan), auquel on répond « allah akram » (Dieu est le plus généreux).

La dernière journée de jeûne est le 14 juin. Il faut alors réaliser la zakat, son aumône légale, troisième pilier de l’islam. La zakat el-fitr, celle de la fin de Ramadan, est particulièrement importante. Commencent ensuite trois jours de fêtes : : l’aïd el-fitar (littéralement, la fête du petit déjeuner, soit la fin du jeûne), qu’on appelle aussi l’aïd elsourayer (la petite fête). Le Caire se vide alors. Tous les commerçants et artisans de Bab el Sharia et d’el-Gamaleya partent en vacances bien méritées. A nouveau, les rues se retrouvent quasi-désertes. Le lundi 25 juin, il faut bien rentrer, le rythme habituel reprend ses droits, la routine revient, malgré la chaleur qui tourne autour des 35-40 degrés, avec des petits pics jusqu’à 45. D’autres jours d’une fête plus importante s’approchent : l’aïd el-ladha (la fête du sacrifice), appelée aussi l’aïd el-kebir (la grande fête). Débutant le 22 août, elle se déroulera sur quatre jours.

Ordination épiscopale de Monseigneur Thomas, évêque du diocèse de Giza-Fayoum-Beni Suif

Le 25 mai 2018, les youyous joyeux et stridents éclatèrent amplement en l’église Saint Athanase de la ville du 6 Octobre, l’une de ces immenses villes nouvelles construites sur le désert, à la périphérie du Caire. C’est toute l’Eglise qui se réjouissait, dans une église dont on aurait aimé pousser les murs, tant les fidèles étaient nombreux. L’ordination épiscopale du nouvel évêque du diocèse de Giza-Fayoum-Beni Suif, Monseigneur Thomas, était un événement à ne pas manquer.

Avec les deux autres volontaires de l’Œuvre d’Orient en Egypte, nous étions présents à la cérémonie afin de témoigner des prières et de l’amitié de l’association.

Pas encore rompus au rite copte catholique, nous avons eu la chance d’être aidés par deux sœurs libanaises, une de la congrégation de la Mère de Dieu, l’autre de la Charité de Besançon. Elles ont eu la gentillesse de nous traduire l’intégralité de la cérémonie, renonçant ainsi à leur place VIP. Par ailleurs, l’une d’elle, Sœur Thérèse, nous prendra sous son aile pour le reste de la journée. Religieux et religieuses, de tous rites et de toutes congrégations, avaient fait le déplacement : coptes catholiques et orthodoxes, catholiques maronites et latins… L’assemblée, habituée à des rites liturgiques divers, bigarrée de la multitude des habits ecclésiastiques, se retrouvait unie autour d’une même foi et d’une même joie.

Après trois heures d’une belle cérémonie riche en émotions, conclue par le passage obligé du baise-main épiscopal pour le nouvel évêque, les festivités se sont poursuivies par un immense repas. Imaginez-vous un dîner placé de mariage. Maintenant, remplacez la table des mariés par une table avec le patriarche copte catholique Ibrahim, l’éparque maronite du Caire Georges Chihane, le nonce apostolique Bruno Musaro, le nouvel évêque, et tous les autres pontes de l’Eglise que nous ne saurons pas citer. Quant aux autres tables, faites-y asseoir religieux et religieuses, de toutes les congrégations et de tous les coins d’Egypte. Vêtus de nos t-shirts rouges, caractéristiques des volontaires de l’Œuvre d’Orient, ces agapes nous permirent de nous faire connaitre, bien plus largement que l’entourage proche de notre lieu de mission. Les salutations chaleureuses de chacun, les invitations à se revoir n’ont pas manqué ! Cette journée de réjouissances s’est malheureusement terminée avec le décès de trois prêtres de Sohag (Haute-Egypte), dans un accident de voiture sur la route du retour de la cérémonie.

 

Les trois volontaires de l’Œuvre d’Orient avec à gauche le patriarche copte catholique, et à droite le nouvel évêque

Nouvelles en bref

Inaugurée en 1961, la Tour du Caire, avec ses 187 mètres de haut, offre (même s’il faut d’abord en payer bien cher l’accès) une vue panoramique sur tout le Caire : la citadelle et le parc al-Azhar d’un côté, les pyramides de l’autre, et à son pied, le club de Zamalec, l’opéra, et le Musée égyptien. On ne se lasse pas des sorties à cheval dans le désert de Saqqarah. Pour éviter la chaleur étouffante de la journée, nous avons attendu le soir, bénéficiant au passage d’un superbe coucher de soleil. Musée d’art islamique, à l’intérieur très moderne. Les pièces exposées sont jolies, mais une visite en tant qu’initiation conviendrait plus. Sur les panneaux d’explication, on ne peut s’empêcher de sourire en lisant que l’Egypte enchainait les « Golden Ages », tandis que l’Europe n’inventait rien et pataugeait dans les « Dark Middle Ages ».

Au gré des sorties, j’approfondis ma connaissance du Caire, son quartier fatimide millénaire, et également ses innombrables mosquées aussi anciennes que magnifiques. J’ai la chance d’être souvent accompagnée par une amie égyptienne musulmane, qui a grandi au Koweït. Elle dit elle-même être une étrangère complétement perdue quand on se promène dans les vieux coins populaires, qui regorgent d’un patrimoine extraordinaire. Une qualité indéniable et primordiale : elle sait comment s’en sortir avec les lignes de bus. Un peu d’entrainement pour moi, et je devrais aussi y arriver !

 

Moascar, camp d’été pour la famille lassalienne

Fin juin, Frère Sameh a organisé le traditionnel camp d’été alexandrin pour une quarantaine d’enfants du Collège Saint-Joseph de Khoronfish en difficulté familiale ou financière. Nous avons logé dans le Collège Saint-Gabriel, petit établissement affreusement cerné par des immeubles gigantesques.

Au programme : journées piscine au club Saint-Marc à Borg el-Arab (l’équivalent du club de la Salle au Nouveau Caire). Foot au toujours impressionnant Collège Saint-Marc, et visite de son immense chapelle ainsi que de sa petite mosquée. Passage obligé à la Bibliothèque d’Alexandrie. Les enfants semblaient infatigables, mais leur énergie était égalée par leur gentillesse. Par le jeu et la bonne humeur générale, la complicité entre enfants et animateurs nous ont tous permis de faire des progrès linguistiques, en français pour eux, en arabe pour moi.

 

L’Egypte et le foot

La Coupe du monde a commencé, mais s’est vite finie pour les Pharaons, malgré la fierté qu’avait toute l’Egypte, participant à nouveau à la compétition après 28 ans d’absence. La blessure de l’attaquant adulé Mohamed Salah quelques semaines avant l’a empêché de jouer le premier match contre l’Uruguay (défaite 1 à 0). La Russie, pays organisateur, faillit rouler sans pitié sur l’Egypte (3 à 1). Même l’Arabie saoudite s’imposa (2 à 1). Triste constat : alors que les coptes représentent environ 10% de la population, on n’en compte seulement qu’un parmi les 500 joueurs professionnels égyptiens du championnat national. Les entraîneurs refusent les joueurs chrétiens à cause de leur religion, voire leur demandent de changer leur nom s’il a une consonance chrétienne. Cette discrimination en est venue à pousser un Alexandrin à créer un club spécialement destiné aux chrétiens.

 Les dernières activités de la SCEP

Avant la grande séparation imposée par cette années scolaire qui s’achève, la SCEP a réalisé deux belles performances, l’une saluée à la hauteur de l’aménité du public : un petit concert au Foyer international de personnes âgées où sont deux autres volontaires de l’Œuvre d’Orient. L’autre fut l’animation de la messe au couvent des Dominicains. Pendant toute l’année, ils nous permettent d’avoir de très belles messes, et pour cette fois les trois dominicains qui ne s’étaient pas encore échappés du Caire pour une retraite, des vacances, un pèlerinage, une conférence… ont été ravis.

 

Cours d’été de français au Collège de la Salle

Pour occuper les élèves pendant leurs très longs mois de vacances, le Collège de la Salle a proposé quatre semaines d’activités en français, trois heures tous les lundi, mardi, mercredi. Aux animateurs de se débrouiller. Les élèves ne tiennent pas en place, n’ont absolument pas envie d’étudier, ni même de m’écouter quand je leur propose du dessin ou de la musique. Et quand je leur dis qu’ils peuvent sans problème sortir pour jouer dehors au lieu de déranger l’activité et me fatiguer, ils refusent en pleurnichant et en me demandant pardon. Quant à les faire parler en français, pour certains il faut se lever tôt. Cela contraste tellement avec le camp à Alexandrie, où les élèves, déconnectés complètement du cadre scolaire, faisaient beaucoup plus l’effort de venir me parler en français (mais celui-là était peut-être aussi plus naturel ?).

 

Et après tout ça ?

La question légitime des curieux : que fais-je les prochains mois, et surtout, à la rentrée prochaine ? Après mon séjour en France du 11 juillet au 4 août (dont deux semaines de camp scout), je reviens au Caire pour donner des cours de français à des élèves de Khoronfish. Puis en septembre, je commence un master 2 de communication et médias à l’Université Senghor d’Alexandrie. L’Université Senghor est une université internationale de langue française, au service du développement africain, créée en 1989. Ce n’est donc pas une université française, mais plutôt, en simplifié, l’université de l’Organisation internationale de la francophonie.

A gauche, le consulat français, au centre, la tour de l’Université Senghor, et à droite le monument au soldat inconnu.

 

 

Soyez assurés de mes prières, comme je me sais dans les vôtres,

 

Thibault