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Lecture d'été : Le pianiste de Yarmouk
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Le pianiste de Yarmouk
de Aeham Ahmad

Ce jeune Palestinien est né en 1988 dans un camp installé en 1954 par le gouvernement syrien pour les réfugiés palestiniens chassés d’Israël (10 000 réfugiés parmi les 700 000 expulsés par Israël). Yarmouk est un champ de ruines. Aeham apporte un grain de sable petit mais nécessaire.
Aeham AHMAD veut lutter « contre les idées reçues. Contre les simplifications. Contre les images trompeuses (…) Quand tu fuis les bombes et la famine, tu laisses ton monde derrière toi. Tu deviens l’une de ces silhouettes grises, qui ont forcément toujours vécu dans la misère et qui viennent maintenant profiter des richesses de l’Europe« .

Blessé à la main par un éclat d’obus, le jeune musicien décide de faire de la musique une forme de résistance. « Je suis pianiste. Je n’ai jamais porté de bannière. Ma révolution, c’est la musique« . Il sort de lui-même. Il sort de chez lui au milieu de rien. « Avec d’autres jeunes du quartier, j’avais commencé à chanter dans la rue. On avait hissé mon piano sur un chariot, on l’avait transporté jusque dans les ruines et l’on s’était mis à chanter contre la faim. Nos vidéos étaient très partagées sur You Tube ». Apparemment, ils ne remportent pas de suite un franc succès. Têtu, Aeham appelle son ami Marwan pour l’aider à sortir le piano de quatre cents kilos du magasin de musique. Niraz prend des photos. « Je voulais qu’on entende notre désespoir. Que l’on entende la femme enceinte qui mourait aux checkpoints, le tourment d’attendre la moitié de la nuit pour un carton de vivres et de revenir les mains vides. J’ai jeté tous mes sentiments d’abandon dans ces morceaux. Comme si mon chant était le cri de quelqu’un qui, chutant dans un abîme, donnait une mélodie à cette descente aux enfers« . Chacun, en temps de guerre, résiste comme il peut et comme il sait. « Ma résistance, c’est la musique ! » s’écrie-t-il.
La résistance aura duré très peu de temps. En avril 2015, un djihadiste brûle son piano. Ce ne sont pas seulement les livres, les statues, les musées, les croix, mais toute expression de la culture qui doit être effacée. Culture équivaut à Occident, et Occident, à péché.
Trop, c’est trop ! A la fin de septembre, il décide de prendre son destin en main. Il part pour l’Allemagne. Sa femme et son fils le rejoindront plus tard. Son père lui avait dit qu’il serait « international ». Aujourd’hui, Aeham AHMAD vit avec sa famille à Wiesbaden, en Allemagne. Il est devenu un symbole sorti des ruines et de la violence. Il se produit dans des concerts et des festivals pour témoigner de ce parcours, pour parler de la Paix, de la culture. Sur les notes de son piano, il écrit l’espoir. « Il y a de l’espoir. Il y a toujours de l’espoir. Voilà mon histoire. L’histoire qui se cache derrière cette photo qui a fait le tour du monde. Cette photo qui me montre chantant au milieu des ruines, assis à mon piano, habillé d’un polo vert… ». Les mots du début reviennent à la fin et nous convoquent, nous lecteurs, à soutenir ces populations de Syrie et d’Irak qui luttent debout et fiers devant la barbarie d’une guerre qui semble ne pas vouloir s’arrêter.
Un beau livre d’espoir et d’espérance à lire, à offrir.
Patrice SABATER, cm
Aeham AHMAD, Le pianiste de Yarmouk. Ed. La découverte. Paris, 2018. 344 pages. 19 €.