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[LIBAN] Le témoignage de Lucile : "J’ai quitté le Liban avec 36 petits frères et sœurs qui habiteront à jamais mon cœur, et ne cesseront de m’inspirer pour le reste de ma vie."

Lucile , 23 ans, étudiante en droit des affaires est en mission à Baskinta à l’Institution sociale Saint Vincent au Liban.


Au coeur de Baskinta : aimer et servir Dieu

Quelque part au Liban, loin de l’agitation de Beyrouth et perché en haut des montagnes, il existe un petit village répondant au doux nom de Baskinta où la vie est paisible et agréable. On y cueille des bouquets de marguerites au printemps et fait des bonhommes de neige l’hiver. Qu’il pleuve ou qu’il vente, on s’y balade dans ses petits chemins surplombant la vallée sans oublier d’acheter un paquet de pain libanais tout chaud en rentrant. Mais surtout on y mange de délicieuses pommes et on y respire l’air pur de la montagne. Parmi les nombreux toits rouges qui colorent les rues de Baskinta, l’un d’eux abrite l’Institution sociale Saint-Vincent dirigée par les sœurs de la Charité de Sainte Jeanne-Antide Thouret aux côtés desquelles j’ai été envoyée en mission durant sept mois. Ce fut de loin l’expérience la plus belle et la plus enrichissante de ma vie et je vais tâcher de vous la raconter dans ces quelques prochaines lignes.

En septembre 2023, je suis diplômée d’un M2 en droit des affaires marquant l’aboutissement de cinq longues années d’études. Et pourtant, je me sens bien loin d’être accomplie, loin d’être épanouie et loin d’avoir trouvé ce qui me rendrait profondément heureuse dans ma vie. Alors, peu certaine de moi, je décide de prendre du recul, de prendre de la hauteur pour trouver ce qu’il y a vraiment au fond de moi, pour revenir à l’essentiel. Et c’est ainsi que le 27 septembre 2023 je pose mes valises à Baskinta, dans ce qui allait être ma maison pour les sept prochains mois et je découvre avec émerveillement ce havre de paix dans lequel j’avais été comme parachutée. Venant tout droit de Paris avec son ciel gris, son bourdonnement incessant et ses habitants toujours mécontents, le dépaysement m’est total. Et pourtant, il y a quelque chose de si familier, la chaleur humaine des libanais, l’accueil et la douceur des religieuses et la proximité immédiate avec les enfants me font sentir comme à la maison dès le premier jour.

Très vite, je prends le rythme de la maison et participe au quotidien des sœurs sous les regards très étonnés des enfants, persuadés que je vis un vrai supplice dont il faut absolument me délivrer. Dans les couloirs ou aux dortoirs ils me demandent souvent « mais comment fais-tu pour vivre avec des
sœurs ? ». Ils étaient effectivement loin de se douter que partager le quotidien de ces cinq petites femmes est une des plus grandes grâces que mon petit papa du ciel m’ait offertes. Chacune d’elles apporte quelque chose d’essentiel à mes journées, et à sa façon, fait de cette maison la mienne et de cette communauté ma famille. Les sœurs ont grandement facilité ma mission, par leurs attentions, leurs petits gestes d’amour quotidiens, leur sens de l’accueil et du partage, leur joie de vivre et leur humour. Bien sûr, il y a des jours de mauvais temps parce que la vie en communauté n’est pas simple et porte son lot de difficultés surtout pour moi qui ne suis pas religieuse. Mais elle vaut le coup d’être vécue rien que pour la grâce que j’ai reçue d’être témoin de la présence de Dieu dans leur vie. Les voir puiser leurs forces dans la prière quotidienne et sentir que Dieu est la sève qui coule en chacune d’elles, les nourrit et les porte à chaque instant est bouleversant. Leur amour pour Dieu est contagieux, leur confiance en lui est infaillible et leur foi est inébranlable. Elles ont changé ma vie et je ne leur serai jamais assez reconnaissante.

Entre les heures de soutien scolaire le matin à l’école puis l’encadrement des internes l’après-midi à l’étude et le soir aux dortoirs, le rythme de ma mission est intense et mes journées bien remplies. Mais la fatigue se fait vite oublier tant les enfants sont une source quotidienne de bonheur et de joie. A l’école, la mission est difficile et exigeante puisqu’elle consiste à aider et accompagner les élèves en difficulté dans les classes de EB3 (CE2) et EB4 (CM1) en français, en mathématiques et en sciences. Ces élèves, dont les difficultés sont grandes et le retard important, sont incapables de suivre le rythme des classes souvent nombreuses qui ne prennent pas le temps de les attendre. En plus de leurs grosses lacunes, s’ajoutent des difficultés de concentration, de discipline et de phobie scolaire parfois. Tant de choses auxquelles je ne suis pas préparée et qui demandent une réelle formation que je n’ai pas du tout évidemment. Mais je relève le défi et petit à petit j’entame ce travail de remise à niveau avec ces élèves difficiles à gérer et à aimer au début tant l’autorité est compliquée à faire respecter et le calme difficile à trouver. Mais à force de persévérance et de douceur à leur égard, ils deviennent très vite mes petits protégés pour qui j’ai tant d’amour. Ensemble, nous reprenons les bases une part une, nous apprenons à lire et à écrire, nous apprenons à poser des additions et des soustractions et lentement mais surement, les progrès apparaissent. Quelle fierté de les voir réussir ! Ils ne sont pas premiers de classe mais petit à petit ils sortent la tête de l’eau et il n’y a pas meilleure récompense que de les voir sourire avec fierté lorsqu’ils obtiennent une bonne note ou que l’enseignante les félicite. Ensemble, nous devenons une belle équipe et inventons même un check et une petite danse pour célébrer nos bonnes notes ! Cette expérience a leurs côtés m’a beaucoup appris, inspirée et touchée. Ces élèves, souvent mis à l’écart dans les classes ont en fait tant besoin de reconnaissance, de considération et d’encouragement. Et je crois que même si je n’ai pas excellé dans mon travail d’enseignante, j’ai su les valoriser, les écouter, et les prendre en charge et rien que pour cela, je crois avoir accompli ma mission.

À l’internat, la mission est de taille également mais tellement poignante et forte en émotions. Je partage le quotidien de ces enfants, âgés de 4 à 18 ans dont les situations familiales et économiques ne leur permettent pas de rentrer chez eux la semaine. Je passe beaucoup de temps avec eux durant ces sept mois et j’aime partager les moments les plus simples de leur quotidien. Je joue avec les plus jeunes, leur apprends à faire du vélo et essaie tant bien que mal de faire gagner mon équipe au basket. Je discute avec les plus grandes, je partage mes expériences de vie et écoute leurs histoires, leurs joies, leurs peines et leurs chagrins d’amour. Tous s’amusent à m’apprendre des mots d’arabe et me faire découvrir leur culture libanaise dont ils sont si fiers. Ils sont mes petits frères et sœurs, je suis leur maman pour certains, leur confidente et amie pour d’autres. Plus les jours passent et plus nos relations deviennent fortes. Je passe du temps avec chacun d’eux, j’apprends à les connaître et découvre avec beaucoup de tristesse leurs parcours de vie déjà si éprouvants pour leur jeune âge. Et pourtant, aucun des drames qu’ils ont vécu ne sauraient enlever le sourire que les petits ont aux lèvres et le courage dont les plus grandes font preuve chaque jour. Certains ont perdu leur mère, d’autres ont été abandonnés par leur père mais jamais ne s’en plaignent ni ne se découragent. Ils vont de l’avant, croquent la vie à pleines dents et se réjouissent d’un rien. Tous les soirs, les garçons remercient Dieu pour la nourriture qu’ils ont mangée ce jour, pour le pyjama et le lit dans lequel ils vont dormir cette nuit. Leur innocence est bouleversante. La pauvreté de ces enfants est grande mais leur richesse de cœur l’est bien plus. Chaque jour, petits et grands me remplissent d’une joie et d’un amour si grands qu’ils réchauffent chaque partie de mon être.

« J’ai quitté le Liban avec 36 petits frères et sœurs qui habiteront à jamais mon cœur, et ne cesseront de m’inspirer pour le reste de ma vie. »

Il y a tant d’autres belles choses à raconter sur cette expérience unique et hors du commun mais je vous laisse les découvrir lorsque vous partirez à votre tour en mission auprès des Chrétiens d’Orient (j’en profite pour faire ma pub) !!! Je rentre transformée à jamais par ce que j’ai vu et vécu là bas. L’innocence, la joie et la force des enfants ont complètement changé mon regard sur le monde et ma façon d’appréhender la vie. Le courage et la persévérance des sœurs de la communauté de Baskinta qui font face aux nombreuses difficultés en ce temps de crise au Liban où tout semble s’effondrer autour d’elles sont une vraie leçon de vie. Elles avancent pas à pas avec confiance et certitude que Dieu veille sur elles et les guide dans leur mission auprès de ces jeunes dont elles ont la charge. Elles sont un si bel exemple de charité, de service et de dévouement.

Mais plus que tout autre chose, j’ai expérimenté ce qu’il y a de plus précieux au monde : l’amour de mon petit papa du ciel. J’ai rencontré Dieu à travers le regard de chaque enfant et à travers la main tendue de chaque religieuse pour son prochain. A mon tour, à l’exemple de mes cinq grandes sœurs de Baskinta qui m’ont tant appris, je veux aimer Dieu et les autres avec un cœur immense et me mettre, chaque jour de ma vie, au service de ceux qui crient à l’aide.

Lucile