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« Face à la tragédie de Gaza, porter une parole chrétienne est une nécessité morale »

Le nouveau directeur général de l’Œuvre d’Orient, Mgr Hugues de Woillemont, invité à intervenir devant l’Assemblée plénière de la Conférence des Évêques de France ce week-end, appelle l’Église à ne pas se taire devant la guerre à Gaza. Il faut, dit-il, condamner, s’engager et ne jamais cesser de préparer la paix.

Face à la tragédie de Gaza, beaucoup s’interrogent : l’Église peut-elle encore parler ? Chaque mot semble soupçonné d’être partisan, chaque silence jugé complice. Pourtant, une parole chrétienne n’est pas un luxe : elle est une nécessité morale. Elle rappelle que la dignité humaine est indivisible, que la souffrance ne se hiérarchise pas, et que la paix ne naît jamais de la vengeance.

Cette parole, pour être crédible, doit s’enraciner dans une éthique de la relation. Elle ne se construit ni sur la peur ni sur la défense d’intérêts communautaires. Elle se fonde sur l’Évangile, qui nous apprend à reconnaître dans chaque visage, ami ou ennemi, un frère à aimer. « Tenir les souffrances des deux mains, celle d’Israël et celle de la Palestine », nous confiait récemment une sœur habitant à Jérusalem. C’est refuser le confort des jugements univoques, c’est accueillir la complexité comme lieu de vérité.

Dénoncer, agir, témoigner

Parler en chrétien de Gaza, c’est dénoncer les violences sans distinction : le terrorisme meurtrier du 7 octobre 2023, les représailles disproportionnées, les destructions massives qui broient des vies innocentes. C’est rappeler que la sécurité ne se bâtit pas sur la domination, et que le respect du droit international humanitaire est une exigence éthique avant d’être une règle juridique. Là où la loi du plus fort remplace la justice, la paix devient impossible. La guerre, disait le pape François, « est toujours une défaite ».

Mais une parole chrétienne ne se limite pas à l’analyse. Elle agit. Elle s’engage pour le secours humanitaire, pour la protection des civils, pour la reconstruction du tissu social. Elle cherche à créer des espaces de paix et de sérénité où les communautés peuvent se rencontrer sans crainte. Ces rencontres ne doivent pas rester l’affaire des élites, mais devenir la vie quotidienne des peuples. C’est là que germe la réconciliation.

Cette parole n’est pas seulement morale : elle est incarnée. Les chrétiens de Gaza, peu nombreux mais fidèles, témoignent d’une présence évangélique au cœur du chaos. Le père Romanelli confiait : « Quand l’occasion est là, il faut faire le bien, le bien qui est à notre portée. » Par ces gestes de soin, de prière et de partage, ils rappellent que l’Évangile n’est pas une idée, mais une vie donnée.

Dire la vérité

Enfin, une parole chrétienne sur Gaza doit oser dire la vérité sans honte, même quand elle dérange. Car aimer la paix, c’est d’abord refuser le mensonge. Cela suppose une mémoire partagée, une éducation à la vérité, et une reconstruction fondée sur la réciprocité et le primat du droit. Ainsi l’école des Frères des écoles chrétiennes à Jaffa, soutenue par l’Œuvre d’Orient, accueille des élèves juifs, chrétiens et musulmans. De la maternelle au lycée, ils apprennent, grandissent, jouent et rêvent ensemble.

Dans le fracas des armes, cette parole ne prétend pas résoudre l’irrésolvable ; elle choisit de rester humaine. Elle refuse que la haine soit la dernière langue parlée entre les peuples. Et elle murmure, au cœur des ruines, cette conviction obstinée : aucune guerre n’efface la promesse de paix que Dieu a confiée à l’humanité.

©La Croix

Photo en bannière: Abed Rahim Khatib / Anadolu/AFP