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Ce mois-ci, Luc Balbont dresse le portrait d'Antoine Fleyfel, collaborateur et grand ami de l'Œuvre d'Orient
Né à Beyrouth, dans le quartier chrétien d’Achrafieh, en 1977, le parcours d’Antoine Fleyfel ressemble à un long cheminement, souvent douloureux. Chrétien identitaire à la fin des années 80, le jeune homme s’est peu à peu à détaché de l’idéologie d’un Liban confessionnel, pour défendre, au fil des années 90, la construction d’une société civile et plurielle. « Ma vision devenait trop laïque, confie-t-il. En désaccord avec mes amis de l’époque, j’ai pris définitivement mes distances en 2000 » ajoutant malgré tout, qu’il « aimerait convaincre ses anciens compagnons du bien-fondé d’un Liban commun à toutes les communautés. »
Une transformation due à une maturation intellectuelle, à l’enseignement et à la lecture de théologiens et philosophes libanais prônant le dialogue et la diversité. Parmi eux, il cite Yoachim Moubarack (1924-1994), Michel Hayek (1928-2005), Grégoire Haddad (1924-2005), Paul Khoury (né en 1921), Georges Khodr (né en 1923), ou encore Mouchir Aoun (né en 1965).
A 23 ans, il se fixe à Paris, un changement d’air salutaire à son désir d’ouverture. Il y poursuit ses études et sa réflexion. Marié à une Française, Antoine Fleyfel est devenu aujourd’hui, un intellectuel protéiforme. Théologien, philosophe, géopoliticien, il enseigne à l’Université catholique de Lille, où il dirige l’Institut de théologie pratique, et retrouve régulièrement son Liban natal, en assurant la charge de professeur-visiteur à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth. A ses activités universitaires s’ajoutent celles de conférencier, de responsable des relations académiques à l’Œuvre d’Orient, et d’écrivain. Rédacteur-en-chef de la revue « Perspectives et Réflexions » (*1), fondateur de la collection « Pensée religieuse et philosophique » qu’il continue de diriger aux éditions de L’Harmattan, il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur les spécificités du christianisme oriental. Il publiera à la rentrée un livre, où il analysera les raisons des extrémismes dans les trois religions monothéismes (*2).
Contrairement à beaucoup d’experts et d’analystes, l’universitaire pose sur les soulèvements arabes un regard bienveillant. « Ils ont fait naître un début de citoyenneté, tout en libérant la parole, affirme-t-il.»

Pour l’universitaire, les Libanais chrétiens peuvent apporter une ouverture capitale pour construire cette société civile et laïque. Une laïcité qui, selon lui, n’est ni chrétienne ni musulmane, mais qui réside, assure-t-il, « dans le développement d’une société civile, l’antidote au conservatisme, au confessionnalisme et à la violence, les fléaux des mondes arabes. »
Dans ce blog, j’évoque régulièrement les personnalités arabes qui changeront le monde oriental dans les années à venir. Antoine Fleyfel en fait assurément partie.
Luc Balbont
(*1) Éditée par l’œuvre d’Orient
(*2) «Les dieux criminels » aux éditions du Cerf – A lire également « La théologie contextuelle arabe » et « Géopolitique des chrétiens d’Orient ». Les deux ouvrages publiés aux éditions de L’Harmattan en 2011 et 2013
Né le 23 avril 1949, journaliste. Arabisant, Luc Balbont vit depuis 1989 entre la France et le Liban, pays où réside sa famille. En 40 ans de journalisme il a couvert une grande partie des évènements et des bouleversements du monde arabe, de la guerre du Liban (1975-1990) aux révolutions arabes de 2011. Il a reçu en 2006 le prix « Reporter d’espoir » pour des reportages effectués en Egypte et en Palestine, et le prix littéraire de l’œuvre d’Orient en 2012, pour le livre « Jusqu’au bout » (Nouvelle Cité), entretiens avec Mgr Casmoussa, archevêque syriaque catholique de Mossoul. Il est actuellement correspondant à Beyrouth pour le quotidien francophone algérien « Liberté ».