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[EGYPTE] Le témoignage de Bernard au Caire : "Une aventure digne des contes d’aventure les plus motivants".

Bernard Saint-Martin, volontaire au Collège de La Salle du Caire, professeur de français et chef routier.


Petit récit d’aventures

Jeudi matin, 5h et le soleil vient annoncer son arrivée. Et quelle annonce ! Endormi, rêvant d’un bon bleu de Savoie et d’une bonne baguette à la française, un bruit sourd, une voix semble venir de loin, et se rapprocher jusqu’à me faire ouvrir les yeux. C’est le Fajr, premier appel à la prière de la journée. Dans le réveil émergeant et la bouche pâteuse, les versets lancinants dans un haut-parleur grésillant prennent le fil d’une plainte fantomatique envahissant l’espace jusqu’à devenir omniprésente. Au départ effrayante, elle devient peu à peu mon réveil, et tant qu’à faire, autant rejoindre la ville dans sa prière, au sein de la chapelle de mon côté.

7h, le réveil s’achève dans l’appel à la deuxième prière : Chourouk. Le collège se réveille à son tour dans les cris de joie des sections maternelles. La rue, elle, est déjà debout depuis bien longtemps, entre les cris des vendeurs de dattes ambulants, ceux des conducteurs, les moteurs boostés des scooters, … Et le tout ne saurait se passer d’une myriade de klaxons qui s’appellent et se répondent sans jamais trop s’écouter. Du sifflement du cocher à l’association de cloches et de cornes de brume des grands camions de marchandises, chacun avertit sa présence, confiant de se savoir entendu. Ce moyen de communication plus que répandu ne laisse à l’esprit aucun repos, mais apprend à être attentif au moindre bruit, qui devient chuchotement dans une telle activité. 8h45, premier cours de la journée : Les Troisième A, les terribles. Déjà ils sont surexcités, et la simple liberté de devoir parler tourne bien vite au brouhaha ambiant, envahissant : La tuile, pour un cours de français oral. Mais au fil des jours je prends aussi conscience que c’est là leur ambiance quotidienne, et malgré tout ce bruit les élèves s’entendent et s’écoutent, c’est une affaire d’habitude. Et bien souvent, il suffit de les menacer d’une exclusion dans le couloir pour leur faire peur, car Mme Maryse y rôde en permanence et mieux vaut ne pas croiser son chemin.

11h30, la rue résonne à nouveau des cris du Muezzin pour Dhohr, et je traverse la cour de récréation dans la pagaille générale des matchs de football, de basket ou de volley, et des élèves qui m’interpellent : « M. Bernard, venez jouer » … « M. Bernard, vous pouvez dire quelque chose en arabe ? » … « M. Bernard, on a cours ensemble tout à l’heure ? » Et le temps que je m’extirpe de cette agitation, déjà je prends du retard sur la courte pause qui me permet d’aller travailler mon arabe et son vocabulaire complexe, ne serait-ce qu’à le prononcer pour un petit  occidental  perdu  dans  la  foule.  Quelques  cours  encore,  quelques  exercices de compréhension orale, quelques luttes pour 30 secondes de calme, et la journée se termine se termine sur l’appel à Asr : il est 13h30 !

16h, appel à Maghreb, à la sortie d’une sieste, après un repas plus que copieux. Encore un petit effort de travail pour mettre à jour les cours, le projet de Clan routier du Caire, et les volontaires se motivent à faire un petit tour dans le Khan Al- Khalili. En voilà un souk animé ! A perte de vue, une foule grouillante qui s’arrête entre magasins d’attrape-touristes, attirée par les grands cris des commerçants : « Low price my friend ! If you want to be happy you have to make me happy ! ». L’heure tourne et déjà il faut se dépêcher de rentrer à l’école avant la messe, et ce ne sera pas une mince affaire, car la traversée du Quartier Islamique est une épreuve herculéenne à cette heure de la journée. Mais surtout il faudra affronter la Rue Port-Saïd, qui à ce jour reste encore le point de rencontres primordial entre le nouvel arrivant et l’agitation de la ville. Dans un vacarme qui empêche même de converser, les voitures filent à toute allure, à peine ralenties par les dos d’ânes, esquivent de peu les bus qui pilent tous les trente mètres, et tentent tant bien que mal de se frayer un chemin dans la circulation dense. L’aventure, la vraie, ce n’est pas d’aller à 3000 kilomètres de son pays, c’est de traverser la Rue Port-Saïd sans paniquer.

18h, alors que l’appel d’Icha résonne pour conclure la journée, Abouna Mamdouh nous offre la messe quotidienne, pur instant de calme dans une journée bien agitée, et qui précède la descente quotidienne au Thé/Backgammon dans le café du coin où les habitués nous font un peu de place et nous saluent d’un arabe incompréhensible.

Vendredi, les volontaires d’Alexandrie ont profité d’un weekend de 3 jours pour nous rejoindre, et nous décidons de partir à Saqqarah, antique site mortuaire de Memphis et porte sur le désert égyptien. 1h30 de trajet dans un sheirut privatisé, nous nous éloignons de la ville, et peu à peu le vert nous entoure, nous envahit presque, et le Nil s’éclaircit. Arrivés dans un petit village, les « Fransaoui » attirent l’attention de tout le monde et, se frayant un chemin parmi les troupeaux de chèvres ou de bœufs, notre chauffeur adroit nous dépose au milieu d’une rue, et nous indique la maison de Mahmoud au milieu des palmiers. Un décor de rêve, presque difficile à décrire, où depuis la terrasse le vent vient pousser la verdure pour découvrir des étendus de sable chaud et aride. Le temps de déposer nos affaires, nous voilà en selles sur de plus ou moins fidèles destriers, prêts à partir à l’assaut du désert avec Mahmoud et sa bande. Chacun essaie d’apprivoiser le rythme du trot, certains déjà arrivent à envoyer le galop, et progressivement la caravane avance et tourne autour d’un crêt avant de le dominer. Splendeur, sensation entrainante que celle du galop groupé au milieu du désert, au son des « Yallah » prononcés avec des airs de Lawrence d’Arabie. Une aventure digne des contes d’aventure les plus motivants, et pourtant une sensation étrange, comme une sorte de vide qui se perçoit dans l’étendu aride.

Dans l’étendue chaude et poussiéreuse, dans la sueur et le sable, le silence. Un silence angoissant, ou même le cri le plus ample se perd dans un vide omniprésent. Un silence assourdissant, qui résonne comme une première preuve du bruit qui nous accompagne depuis notre arrivée sur le sol cairote. Le Caire, la ville au 90 dB, la puissance sonore d’un métro qui passe en continu, nous réserve encore de multiples surprises : A dans un mois Mahmoud, tu nous a séduit malgré toi.

La pépite : Ahwa Mazvout

Premier restaurant égyptien en compagnie des volontaires et surtout de notre mama locale, de notre raïs à nous : Justine, point de repère égyptien pour tout volontaire désireux de tips locaux. Alors que le repas se termine à 16h, heure raisonnable, elle fait le tour des commandes de cafés ou de thés. Sans hésiter je demande un café, et je suis surpris que l’on me demande si je désire café ou expresso. Sans poser de question, j’opte pour un café, et on me demande cette fois-ci si je le veux sans sucre, moyennement sucré ou très sucré. Toujours plus surpris, je me dis que ce détail doit être une façon d’afficher un service attentionné. Le café arrive et déjà je lui trouve une odeur étrange, auquel s’associe un goût épicé et une texture épaisse. Moi qui pensais que les Orientaux étaient des experts dans le café … Et soudain ma bouche s’envahit d’une pâte sableuse et aigre, qui me brûle les gencives et me fait sursauter : Ils auraient au moins pu filtrer leur café ! Et voilà que Justine s’amuse de ma réaction et m’explique la fabrication du « Ahwa », ou café turc. Pas de café grossièrement moulu, mais un café réduit en une poussière fine, comme le cacao, son taux de sucre est plus ou moins élevé. Celui-ci est ensuite arrosé dans un récipient bien particulier, qui hante le Khan al-Khalili dans différents formats. Le tout est posé sur le feu jusqu’à ébullition, et agrémenté souvent d’un peu de cardamome : Le demander « mazbout » pour une  quantité  moyenne  de sucre.  Une fabrication complexe, pour un breuvage simple, et auquel on prend vite goût, mais surtout qui deviendra l’emblème d’une leçon : Ce n’est pas parce que nos règles ne sont pas les mêmes, que les leurs sont inexistantes. C’est décidé, j’emporterais un service avec moi.

Vos mains tendues

Grâce aux dons des particuliers, l’Œuvre d’Orient dispose de ressources financières qui lui permettent de venir en aide aux communautés chrétiennes locales. Si celle-ci dépasse désormais la simple assistance financière, l’envoi même des volontaires demande un certain investissement. Pour cela, je remercie l’Œuvre d’Orient et son Pôle Jeune (et dynamique), mais surtout nous vous remercions, vous qui avez bien voulu participer à cette aventure par des dons. Retardataire désireux de s’y associer ? Pas de panique ! Le mail de cette newsletter contient aussi le document d’information sur le parrainage. Pas de temps pour la lecture ? Pas de panique ! Le lien direct est juste ici : https://secure.oeuvre-orient.fr/soutenir. Prière, don, relai d’informations, … Quel que soit votre geste, il est d’une aide précieuse : Merci !