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[HAUTE-EGYPTE] Le témoignage d'Henri : "je me sentais très attaché à cette part de l’Egypte que je venais de découvrir"

 « Henri, 23 ans, séminariste, fait une pause entre les années de philosophie et de théologie pour enseigner le français au Caire. Il nous raconte son expérience en Haute-Égypte. »


Au cours du mois de janvier j’ai fait deux séjours en Haute-Egypte. Le premier a été assez bref. Comme il le fait tous les ans avec les volontaires, le frère Sameh nous a invités, Baptiste, Thibault et moi, à célébrer Noël copte dans son village d’origine, à Bayadeya, dans le district de Minya. Comme j’avais à faire au Caire, je suis reparti le lendemain de Noël avec le frère, à grand regret, car je me sentais très attaché à cette part de l’Egypte que je venais de découvrir. J’y suis retourné fin janvier avec un camp de professeurs lasalliens qui donnent une semaine des vacances scolaires pour s’occuper des jeunes des villages. Nous étions à Kom Boha, village entièrement chrétien entre Minya et Assiout. J’ai alors passé un certain temps en contact avec ces jeunes, à participer aux activités qu’on leur faisait faire, malgré la barrière de la langue! Le curé catholique nous donnait accès à la paroisse et à ses locaux pour accueillir les enfants du village à la journée et organiser les jeux, les sketchs et les ateliers.

En Haute-Egypte, on a l’impression de découvrir la véritable identité de ce pays et de ses habitants. Les gens vivent de peu. Les maisons sont des lieux souvent très modestes où, à part le sommeil et les repas, il n’y a pas beaucoup de place pour y vivre, et certainement pas pour le loisir. Le reste de la vie se fait donc dans la rue, et pour les hommes, dans les cafés où ils se retrouvent pour fumer une shisha au miel noir et jouer sans fin au backgammon ou aux dominos. Les champs qui s’étendent autour du Nil et de ses canaux fournissent du blé et et des plantes pour les bêtes. Pas de machine agricole: on transporte les récoltes à dos d’âne et on se déplace en mobylette ou en vieille Vespa retapée. Autour des champs: les habitations, puis le désert qui s’étend sans fin.

La culture et le mode de vie sont nés ici. Et pourtant, même pour les professeurs avec qui nous étions, des Egyptiens cultivés du Caire et d’Alexandrie, le dépaysement était déjà grand. Ce pays vit à un autre rythme, et cela se ressent dans l’éducation de la jeunesse.

On est d’abord frappés par le nombre de jeunes et d’enfants qui, assez inoccupés quand ils n’ont pas école, passent du temps dans les rues alors qu’elles sont étroites et insalubres. Les garçons y sont les rois. On y croise moins de filles, qui peuvent encore jouer avec les garçons à un âge très tendre, mais rentrent vite à la maison dès l’adolescence et y restent entre elles. C’est pour cela qu’elles étaient plus nombreuses aux activités proposées par le camp des professeurs, car cela changeait leur quotidien. Les garçons, en revanche, étaient plus rare, car moins enclins à renoncer à leur totale liberté de mouvement dans les rues pour suivre des activités imposées.

Quand je reviens de là-bas au Caire, je trouve que je le comprends mieux, que je le connais mieux. Tous ses habitants viennent de Haute-Egypte et sont arrivés il y a une ou deux générations, et la vie dans cette métropole surpeuplée se déroule encore un peu comme sur les rives du Nil là-bas. Les rues sont tout aussi mal entretenues, et le bourdonnement semi-agité, semi-oisif des commerçants, des travailleurs, des automobilistes s’étend jusque tard dans la nuit. L’activité ne s’arrête jamais vraiment puisqu’elle n’a jamais vraiment commencé… Le Caire est bien la capitale de ce pays-là, et non pas une « ville occidentale qui marche moins bien » comme on en a d’abord l’impression quand on vient de Paris ou de Lyon. Et c’est sans doute c’est sans doute ce genre d’expérience, moins touristique, qui nous attache vraiment à cette culture et à ce pays.