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Radio Al-Salam : une radio pour les réfugiés d’Irak

Une interview de Vincent Gelot par Bertille Perrin pour Famille Chrétienne

Pourquoi avoir voulu créer une radio ?

Depuis l’arrivée des déplacés de la plaine de Ninive au Kurdistan irakien, les Irakiens voient passer de nombreux médias, qui les filment et les prennent en photo, puis repartent dans leur pays. Or, le besoin s’est fait sentir pour les réfugiés d’avoir une voix qui soit la leur, un média local qui parle leur langue, leur délivre des informations utiles et leur permette de s’exprimer, de témoigner de ce qu’ils vivent. Elle s’adresse à tous ceux, chrétiens ou non, qui ont connu la déchirure de l’exil. Elle veut aussi permettre de faire un pont entre les habitants d’Erbil et les réfugiés. Dans les camps, les gens vivent un peu dans leur bulle. Nous aimerions donc devenir une plate-forme de discussion, d’échange, pour permettre aux gens de s’écouter, et ainsi promouvoir la paix, comme l’indique notre nom « Al-Salam ».

Gollnisch Radio Al Salam2

Quel est son contenu ?

Nous émettons en arabe, qui est la langue la plus comprise sur place, mais aussi en kurde et en syriaque, parlés par les habitants de la région. La radio émet dans un rayon de soixante à quatre-vingts kilomètres d’Erbil, elle touche donc la plaine de Ninive pour arriver aux portes de Mossoul.Comme toute station, nous passons de la musique locale, les nouvelles, la météo ou encore des jeux. Il est en effet important d’apporter aux réfugiés de la détente. Mais nous avons aussi des programmes spécifiques, notamment avec l’émission La Voix du camp, au cours de laquelle les différents responsables viennent présenter leur camp : où est-il, quelle est sa population, quels sont les problèmes rencontrés ? On fait aussi intervenir des ONG qui sont en première ligne avec les déplacés : ils racontent leur travail, le but de leurs actions. Notre équipe va souvent dans les camps pour rencontrer les personnes et récolter leurs témoignages. Certaines viennent dans nos studios ou nous joignent grâce à notre système d’appel téléphonique. Des prêtres ou des évêques interviennent aussi sur nos ondes.

Radio al Salam dans les camps

Comment la population et les réfugiés ont-ils accueillis votre idée ?

Ils souhaitent s’exprimer, et s’ouvrir aux témoignages des autres réfugiés, mais ils sont encore peu nombreux à posséder une radio. Pour l’instant, on leur a distribué deux cent cinquante radios – une par famille –, ce qui permet de toucher entre mille cinq cents et deux mille personnes. Mais nous avons encore besoin de fonds pour équiper tous les camps. Cependant, nous savons qu’il y aura aussi un travail de longue haleine à mener pour faire connaître la radio, gagner la confiance en se rendant souvent dans les camps, en expliquant aux déplacés que cette radio est pour eux. Ici, c’est inhabituel, car tous les médias sont très communautaires, dans une langue particulière, aux mains des groupes politiques ou religieux. À Radio Al-Salam, nous voulons au contraire créer des ponts entre les personnes, et non pas les isoler.

Gollnisch Radio Al SalmQuelles sont les associations à l’origine du projet ?

Ce projet est né en octobre 2014, à la suite d’une mission exploratoire à Erbil de Radios sans frontières, organisation qui monte des radios communautaires un peu partout dans le monde, et de la Guilde européenne du raid. Cette association, née dans les années 60 pour aider des groupes d’aventuriers à monter des expéditions, est à présent la plus grande organisation d’envoi de volontaires à l’étranger. C’est elle qui pilote le projet. Radios Sans Frontière est notre partenaire technique. L’Œuvre d’Orient et la Fondation Raoul Follereau sont quant à elles nos principaux soutiens financiers. Sur place, nous sommes deux Français, dont un ancien journaliste de Radio France, et nous avons recruté quatre journalistes locaux : deux Chaldéens, une Syro-russe et un Kurde. L’équipe de la radio, mais aussi les associations partenaires, reflètent la diversité que nous voulons incarner et qui fait notre richesse. Je suis très touché de voir ces associations qui s’unissent pour la cause des déplacés.

Vous revenez d’un périple de deux ans à la rencontre des chrétiens d’Orient. Que représente pour vous cette nouvelle aventure ?

Après ces deux années, je ne pensais pas du tout repartir, j’avais prévu de reprendre des études. Mais lorsque j’ai entendu parler de cette initiative, j’ai tout de suite été emballé. Il s’agit pour moi d’un nouvel appel de l’Orient. Mais, lors de mon voyage, j’étais itinérant. Aujourd’hui, je vis vraiment avec eux. Je prends alors du temps pour connaître les familles, c’est très important. Mais je m’occupe aussi du lien avec les ONG, les médias locaux et internationaux, et de l’organisation générale de la radio. Je suis par ailleurs « l’antenne » de l’Œuvre d’Orient pour la zone du Kurdistan irakien, et je prépare un livre racontant mon voyage à la rencontre des chrétiens d’Orient.

Bertille Perrin


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