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EGYPTE : l'avenir incertain des coptes

A quatre-vingt-dix kilomètres au nord-ouest du Caire, se trouve une vaste dépression désertique, le Ouadi Natroun, qui figure, depuis seize siècles, l’un des hauts lieux de la chrétienté orientale et demeure, aujourd’hui encore, le cœur battant de l’Eglise copte d’Egypte.

Une tradition orale toujours vivace rapporte que la Sainte Famille passa par cette région inhospitalière lors de la fuite en Egypte et c’est sans doute pour cette raison que de nombreux cénobites et anachorètes choisirent de s’y installer dès le IVe  siècle.

S’inspirant des exemples de saint Antoine, saint Paul de Thèbes et saint Pacôme qui fondèrent le monachisme sur les bords de la mer Rouge, les moines Amoun et Macaire bâtirent là, autour de 330, les premiers ermitages, sur les sites de Nitrie, de Kellia et de Scété.

Très vite, des milliers de chrétiens vont trouver refuge autour de ces communautés fortifiées d’abord pour échapper à la tutelle romaine, puis aux persécutions de Byzance, enfin aux exactions des Arabes en route pour conquérir l’Afrique du Nord.

 ► Une Eglise fondamentalement monastique

Sur la soixantaine de monastères autrefois dispersés dans la vallée, comme l’attestent les fouilles, quatre seulement demeurent en activité : celui de Baramous, le plus ancien ; celui dit des Syriens, dédié à la Vierge, Mère de Dieu ; enfin les monastères Saint-Bichoi  (photo :une icône ornant l’arbre de l’obéissance à Saint-Bichoi)  et Saint-Macaire.

Tous sont construits sur le même plan : au centre, l’église avec autour les jardins, le puits, les celliers, le réfectoire, les cellules des moines et l’indispensable tour de défense qui servait naguère de refuge en cas de raid, le tout étant protégé par de hautes murailles qui dominent les zones cultivées dont la communauté tire les moyens de sa subsistance.

Ces complexes sont autant d’oasis spirituelles dans lesquelles les chrétiens du Caire ou d’Alexandrie viennent se ressourcer, régulièrement, le temps d’un week-end ou durant les vacances.

On vient y rencontrer le moine qui sert de guide de conscience à la famille, on se regroupe entre amis, après la prière, sur les tapis de l’église pour évoquer les nouvelles, on vient tout simplement prendre le bon air du désert, faire le plein de calme et de silence, loin de l’enfer urbain qui trouble les esprits.

A l’Occidental qui s’en étonne, le frère dominicain Jean Druel propose sa théorie. « L’Eglise copte est une Eglise fondamentalement monastique, qui privilégie une spiritualité fondée sur le jeûne, l’ascèse, la prière et la liturgie.

Pour un chrétien copte, l’idéal du croyant, c’est le moine, au sens d’ermite, celui qui se retire, seul, au désert pour se rapprocher de Dieu. C’est sans doute la force de cette Eglise, les monastères ayant permis de préserver jalousement une foi et des traditions ancestrales. En même temps que sa faiblesse, car tous ceux qui ne rentrent pas dans ce modèle se sentent plus ou moins rejetés », explique le religieux, installé au Caire depuis de nombreuses années et grand connaisseur de cette Eglise dont l’origine remonte aux premiers temps de la chrétienté.

 Des  premières persécutions à la reconnaissance de l’Empereur

L’hagiographie raconte, en effet, que c’est saint Marc qui, le premier, évangélisa le pays, alors province romaine, autour de l’an 45. Il en paiera d’ailleurs le prix puisqu’il fut exécuté pour s’être élevé contre le culte du dieu païen de la ville, Sérapis.

Les persécutions contre les chrétiens prennent un tour extrême avec Dioclétien, sous le règne duquel on évalue à près de 150 000 le nombre de victimes. Le calendrier copte débute d’ailleurs avec l’Ere des martyrs, en 284, date d’avènement de l’empereur.

Tout change avec son successeur, l’empereur Constantin, qui fait du christianisme la religion impériale en 324. Dès lors, les chrétiens d’Egypte vont jouer un rôle de premier plan dans l’évolution de la toute jeune Eglise chrétienne et Alexandrie peut prétendre rivaliser avec les autres grands patriarcats d’Orient, notamment celui de Byzance rebaptisée Constantinople en 330.

« Les choses basculent à nouveau un siècle plus tard, en 451, au concile de Chalcédoine où est débattue, et tranchée, la question de la nature du Fils de Dieu », poursuit le frère Jean Druel.

La querelle théologique est subtile : si la majorité des pères conciliaires sont d’accord pour confesser que Jésus est à la fois vrai homme et vrai Dieu, cette « double nature » ne peut être acceptée par les coptes pour qui le Christ ne saurait être divisé, son humanité, selon la formule consacrée, s’étant « noyée dans sa nature divine comme une cuillère de sel se dilue dans la mer ».

Dès lors, le schisme est consommé. Persécutés par l’Eglise melkite (royale) restée fidèle à Byzance et à l’Empereur, la masse des croyants va trouver refuge dans le delta du Nil et les zones désertiques pour y édifier ses propres monastères, églises et basiliques.

« Ces deux mondes chrétiens vont s’entredéchirer jusqu’au VIIe siècle, date de la conquête musulmane », résume le frère Jean. Or, si l’Eglise melkite est assez vite balayée par l’invasion, les chrétiens que les Arabes appellent les « Qobt » – transcription du grec « Aegyptios » pour « Egyptiens » – vont, eux, entrer en résistance, trouvant refuge autour de leur monastère pour préserver leur langue, leur tradition et leur antique sagesse. Les coptes de 2013 sont leurs héritiers en ligne directe.

Une minorité sous-évaluée ?

Combien sont-ils aujourd’hui en Egypte ? Entre six et huit millions, soit un peu moins de 10 % de la population, disent les statistiques officielles, peu fiables. Un chiffre nettement sous évalué, selon certains observateurs.

« 10 %, cela fait une minorité conséquente, mais pas suffisante pour contester la prédominance de l’islam. Ce chiffre est certainement faux, mais il arrange tout le monde car il évite de poser la question qui fâche : celle de la place et du rôle des chrétiens dans la société égyptienne»,  me confiera, sous couvert d’anonymat, un des mes interlocuteurs.

Source : Le Pèlerin