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Clémence nous raconte sa mission en Terre Sainte

« Le temps passe décidément trop vite. C’est déjà la fin du mois de mai et je ne vous ai rien envoyé depuis deux mois ! En me replongeant dans mes photos et mes souvenirs, je me rends compte qu’il me sera très difficile de tout dire, j’ai fait tellement de choses en deux mois !

Ma vie de volontaire en Terre Sainte suit son cours : je m’occupe des enfants, je visite le pays le dimanche, je vois des amis (également volontaires la plupart du temps), je dévore des livres, je cuisine quand je peux, je dors parfois et donne de mes nouvelles quand j’y pense ! Chaque semaine est bien chargée et passe à une allure monstre ! J’aimerais vous dire tout ce que j’apprends, tout ce qui me surprend ici mais ce serait bien trop long.

 

COMMENT SE PORTENT LA CRÈCHE ET LES ENFANTS ?

La vie à la crèche se passe paisiblement malgré le contexte politique, le départ et l’arrivée de nouveaux volontaires, les « adoptions », les maladies, les grosses chaleurs, etc. C’est un vrai havre de paix. Deux enfants sont partis, accueillis dans des familles, et deux autres sont arrivés !  Les enfants grandissent si vite à cet âge, certains savent désormais s’asseoir, voire même marcher pour notre plus grande fierté ! C’est fantastique de les voir s’épanouir, on a droit à leurs premiers sourires, rires, balbutiements mais aussi premières maladies, maladresses et caprices ! Mais ils restent adorables en toutes circonstances !

 

« TU PRÉFÈRES LE LIBAN OU ICI ? »

Souvent, on me demande de comparer mes deux lieux de mission. Ici, je ne suis plus seule, loin de là même. J’apprends beaucoup la vie en communauté, je suis entourée d’autres volontaires. De plus, paradoxalement, j’ai plus de libertés ici qu’au Liban.

Certes le Liban est un « pays libre », mais je ne pouvais pas m’y promener tout à fait à mon gré, dépendante des voitures des autres. Ici, le système de bus est plus pratique et je peux malgré tout me balader quasiment dans tout le pays. En outre, les paysages se ressemblent. Ce sont deux petits pays méditerranéens avec une richesse géographique et culturelle immense (côtes méditerranéennes, montagnes vertes, déserts, sites archéologiques fameux, villes modernes et villages ruraux authentiques, Bédouins, anciens mandats européens au XXème siècle, etc).

La nourriture aussi est assez similaire, bien qu’Israël tente de se démarquer par une gastronomie juive (issue de ses différentes branches). Les deux pays me plaisent dans leur complexité. Je suis bien sûr attachée au Liban car c’est là que j’ai découvert la région pour la première fois et que j’y ai tissé des amitiés fortes mais je suis restée plus longtemps ici où je découvre deux pays à la fois !

Impossible pour moi de choisir, je retournerai sûrement dans tous ces lieux plus tard !

 

MES PETITES GALÈRES …

Malgré mon enthousiasme inébranlable, la vie de volontaire n’est pas toujours rose ! Je ne serais pas tout à fait sincère si je vous disais que tout est facile en volontariat, alors parlons des choses qui fâchent.

Déjà, j’ai passé le rite initiatique de la « maladie du volontaire » qui se traduit, selon les pays, par une angine, une bonne gastro ou une indigestion en bonne et due forme ! Mon corps s’est adapté au pays et au volontariat après de longues heures de sommeil, une indigestion, plusieurs rhumes et une migraine ! Aujourd’hui, le soleil est de retour et j’espère bien ne plus tomber malade !

Ensuite, je dois admettre que le plus difficile pour moi est la vie entre volontaires. Finalement, ma solitude me plaisait bien. Imaginez-vous passer six mois, quasiment 24h/24 avec 2-3 personnes que vous n’avez pas choisies, avec leur caractère, leurs bons et mauvais côtés, vivant dans un microcosme général qui s’étend au maximum à une quarantaine de personnes. Ce n’est pas évident, croyez-moi ! Tout le monde est au courant de l’emploi du temps de l’autre, difficile d’avoir des moments pour soi. Partir à l’étranger pour retrouver des Français n’était pas vraiment au programme !

Enfin, la tension dans le pays est dissimulée mais surgit parfois comme une piqûre de rappel. C’est probablement une des choses les plus pénibles ici, le pire c’est qu’on s’y habitue. Jérusalem est à 10-20 km de Bethléem et pourtant, il faut parfois 1h30 pour y aller en bus. Cela est dû aux embouteillages mais aussi aux checkpoints.

C’est assez impressionnant pour nous qui sommes impuissants. Il est nécessaire ici de faire la part des choses, c’est terrible mais ce n’est pas notre conflit. Il faut être conscient qu’on est avant tout Français (ce qui implique des droits non négligeables mais aussi des devoirs, de réserve notamment) et non Israéliens ou Palestiniens, malgré tous nos efforts d’inculturation ! Bien sûr, cela ne signifie pas qu’il nous faille devenir indifférents, ignorants et passifs. Mais il faut réagir en tant que citoyen français dans ce pays.

 

ET MES JOIES QUOTIDIENNES

Mon quotidien est aussi embelli par pleins de choses. Premièrement, l’arabe. J’aime toujours apprendre cette belle langue. M’efforcer à l’écrire et à la parler est un défi quotidien stimulant ! Ce virus ne me quitte pas et je compte bien l’entretenir en France !

Deuxièmement, les sourires des enfants et les discussions. En cela, mon volontariat est facile. Je suis confrontée tous les jours à des petites bouilles qui sont toujours ravies de me voir ! Quelques rires et sourires, une bonne discussion (ou à dé faut), un bon bouquin, et la journée est agréable !

 

PÂQUES SUR LES PAS DU CHRIST…

Fêter Pâques en Terre Sainte est forcément un peu spécial. C’est revivre le cœur de la foi chrétienne mais c’est aussi vivre œcuménisme ! La semaine sainte est un marathon de cérémonies, forcément toutes les Eglises proposent des célébrations aussi belles les unes que les autres ; difficile de choisir ! J’ai fait la procession des Rameaux du Pater Noster à Ste Anne. Ici on ne fait pas les choses à moitié : foule immense, rameaux d’oliviers et palmes à foison, défilé et fanfare des scouts locaux, chants internationaux. On ne pouvait qu’être transporté par l’allégresse des chrétiens du monde entier. La Semaine Sainte ne fût pas moins sobre, j’ai assisté à des messes en rites maronites et latins principalement. Une fois, en pleine messe, on a même fait défiler une statue grandeur nature de Jésus sur son lit de mort. Bref, on a pleinement revécu la Passion du Christ et sa Résurrection !

 

Procession des Rameaux, depuis le mont de l’Ascension

AUTRES FÊTES RELIGIEUSES

Ici, les fêtes religieuses s’enchaînent à une vitesse folle. A peine a-t-on fêté Pâques que les Juifs puis les orthodoxes s’y mettent ! Puis il y a l’Annonciation, l’Ascension, la Pentecôte, Lag BaOmer, Shavouot, la Nuit du Pardon (ou Laila al-Bara’a), le Ramadan… Et chaque fête implique un changement de comportement de la part d’une communauté. Par exemple, depuis Ramadan, le service des bus finit beaucoup plus tôt et les magasins ouvrent plus tard. Lors d’une fête juive, c’est shabbat plus longtemps, ce qui signifie arrêt des transports en commun et fermeture de tous les magasins. Il faut connaître et anticiper si l’on veut sortir !

 

YALLAH EN JORDANIE !

Juste après Pâques, nous avons pris quelques vacances avec d’autres volontaires pour s’octroyer quelques jours en Jordanie. Ce petit séjour a été plus riche en péripéties qu’on ne pouvait l’imaginer et je ne vais pas tout raconter ici, sinon j’en ai pour des heures !

En quelques mots, nous avons parcouru le pays du Nord au Sud en commençant par la capitale. Nous avons visité Amman, le Mont Nébo, Madaba, Kerak (ou Crach des Croisés), Pétra et le Wadi Rum (le fameux désert de Lawrence d’Arabie). Ce pays est magnifique et je compte bien y retourner un jour plus longtemps !

 

MONT NEB
CARTE DE MADABA, EGLISE SAINT GEORGES, plus vieille représentation cartographique de la Terre Sainte (dont Jérusalem), VIème siècle.

Connaissez-vous la diversité qui se cache derrière le nom générique de juifs ?

Avant de venir, je n’y connaissais rien alors forcément je ne pouvais qu’être frappée par les multiples accoutrements des Juifs (surtout à Jérusalem qui concentre une grande population d’ultra-orthodoxes aux vêtements très spécifiques). Je ne vais pas me lancer dans un cours détaillé sur les différentes branches du judaïsme car j’en serais bien incapable mais voici quelques informations : 75% de la population israélienne est juive (plus de la moitié des Juifs dans le monde y habite).

Il y a différentes familles dans le judaïsme, souvent on oppose :

Les Ashkénazes : Juifs accueillis par les Empires d’Autriche-Hongrie et de Russie, ils représentent aujourd’hui environ les 3/4 des Juifs du monde entier (le yiddish, leur langue caractéristique, est encore parlée dans certaines communautés ultraorthodoxes, comme dans le quartier de Mea Shearim à Jérusalem)

Aux Séfarades : venant d’Espagne, ils sont désormais dans les pays qu’occupait l’Empire Ottoman et en Afrique du Nord (pendant longtemps, une majorité parlaient le ladino, le judéo-espagnol)

Les Mizrahim : les « Orientaux », descendants des communautés juives du Moyen-Orient (langue : hébreu mizarhi, en réalité c’est un terme générique regroupant de nombreux dialectes du Maghreb et d’Asie Centrale notamment)

Les Juifs éthiopiens : descendants de la reine de Saba et du roi Salomon ou de commerçants convertis pas les yéménites (cf. le film Va, vis et deviens)

Sans parler de toutes les branches plus ou moins orthodoxes issues de ces traditions !

 

LES SAMARITAINS

Personnellement, je connaissais les histoires du bon Samaritain et de la rencontre entre Jésus et la Samaritaine au puit, mais je pensais qu’ils appartenaient à une tribu ou à un peuple disparu au même titre que les Cananéens ou les Romains. J’ai découvert leur existence contemporaine en me rendant à Naplouse. En effet, la colline qui surplombe la ville est le mont Garizim, la montagne plus sacrée que Jérusalem pour eux !

J’y suis allée et ai visité le musée qui leur est dédié et voilà en quelques mots ce que j’en ai retenu : Israélites, ils se sont séparés des Judéens (Juifs actuels) dont ils étaient les grands rivaux à l’époque romaine. S’ils ont les mêmes principes de base que les Juifs, leur Torah diffère en de nombreux points avec celle des Juifs, leurs rites sont différents, etc. Par chance, nous y étions le jour de leur plus grande fête, Pessah, jour où tous les Samaritains du pays se rassemblent pour sacrifier l’agneau sur le mont Garizim !

A la fois juifs et non juifs, ils ont accès à la nationalité israélienne mais sont considérés comme appartenant à une autre religion malgré tout. Aujourd’hui ils ne sont plus que 800, habitant soit à Kyriat Luza (mont Garizim), soit à Holon (Tel-Aviv). Les premiers sont palestiniens et les seconds ont la nationalité israélienne. Ils n’ont jamais quitté la Terre Sainte. C’est vraiment une communauté à part, qui prend peu partie au conflit régional. Certains, comme notre guide, parlent samaritains, arabe et hébreu, ont les deux nationalités et des amis des deux camps. Fascinant, non ?

 

Hébron est également réputée pour son artisanat : verrerie, poterie, keffiehs traditionnels, etc.
Ci-dessus, rue commerçante à Hébron (il est encore tôt, les boutiques sont fermées). Les habitants sont connus pour leur générosité

 

 

 

 

 

 

 

Jérusalem, l’Esplanade des mosquées (vous reconnaissez sans doute le Dôme du Rocher)

Clémence