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[EGYPTE] Le témoignage d'Henri enseignant le français au Caire : "L'union fait la force!"

« Henri, 23 ans, séminariste, fait une pause entre le cycle de philosophie et de théologie pour soutenir la communauté des Frères de la Salle en enseignant le français dans une école du Caire. »


Ste Thérèse de Lisieux

Un événement a traversé la mosaïque chrétienne du Caire ces deux dernières semaines: le passage des reliques de Ste Thérèse de Lisieux dans les paroisses catholiques de différents rites. Le moins qu’on puisse dire, c’est que la petite sainte a du succès! A la paroisse maronite, elle a été portée en procession dans la rue, accompagnée par la fanfare des scouts, sous les pétales de rose que lui jetaient les passants. A la cathédrale grecque-catholique, un messe d’action de grâce a été célébrée devant les reliques, au cours de laquelle quatre paroissiens ont été institués acolytes.
Je ne m’attendais pas à ce que Thérèse Martin rencontre un tel enthousiasme dans cette culture, et même parmi ces chrétiens, quoique j’aie souvent remarqué que certains de mes collègues, qui sont loin d’être tous catholiques, ornent leur bureau de la salle des prof avec des images de notre sainte, ses roses et son crucifix. C’est d’ailleurs par eux que j’ai appris que les reliques passaient chez nous. Entre deux cours, je file à l’église maronite, à deux minutes du Collège De La Salle, et je confie devant la châsse de Ste Thérèse ma mission, l’Egypte, et les élèves les plus difficiles, au milieu de gens qui viennent faire leur dévotion en famille.
Ce que les chrétiens égyptiens connaissent de la vie de Ste Thérèse, ou de son œuvre L’histoire d’une âme et de la nouveauté qu’elle représente dans son contexte historique, je n’en sais rien. Ce que je sais, c’est qu’ils fréquentent volontiers ce genre de d’événements et de cérémonies, qu’ils ne manquent pas de s’en remettre à l’intercession d’un saint, d’un protecteur pour leur famille, leurs proches et leur pays. De toute évidence, Ste Thérèse s’adapte très bien à cette piété populaire si caractéristique, dont témoignent les gestes de vénération sur les icônes et les objets sacrés dans les églises coptes. Du haut de son ciel, qu’elle a promis qu’elle passerait « à faire du bien sur la terre », elle doit sans nul doute regarder avec bienveillance chacune des marques de tendresse qu’elle reçoit de l’Egypte.

L’union fait la force

Au début de la journée, pendant que les élèves du Petit Primaire sont en rang devant le drapeau égyptien, après avoir récité une courte prière et chanté l’hymne national, voilà que tous se mettent à rentrer en classe accompagnés par une chanson diffusée à haut volume dans les hauts parleurs: « L’union fait la force » ! Ce tte chanson, ils ont commencé à l’apprendre par cœur et à la comprendre (du moins pour les meilleurs en français) afin de la chanter à nouveau après chaque récré, en rang, et surtout afin de commencer à « vivre les paroles! » comme le scande au micro Mme Manal, la responsable du niveau. Et c’est vrai que s’il s’agit de valoriser un peu l’effort commun, la discipline, de les détourner de leurs querelles et canaliser leur énergie débordante, tous les moyens sont bons.
Depuis que je m’occupe des élèves de 3e primaires, en plus des 1e et 2e préparatoire, je comprends que je dois m’adapter un peu mieux. Enseigner à une classe d’élèves de 8 à 9 ans, dont le français n’est que la seconde langue, demande une certaine autorité, mais une plus grande souplesse, et surtout de comprendre leur façon de fonctionner. Dynamiques, souriants, affectueux, acceptant volontiers de se mettre en avant, ils sont capables d’un enthousiasme assez intense mais d’une concentration assez courte. Et pour cause, ils grandissent dans le contexte très agité et même affolant du Caire, au milieu d’une population innombrable, d’une culture envahie par le numérique et l’immédiateté, ayant pour seule source de stabilité la fermeté de leurs éducateurs dans un système dont les repères sont de plus en plus mouvants.
Et me voilà, au début assez démuni, face à ces petits êtres déchaînés! J’ai cependant très vite compris que je ne pouvais pas me réfugier dans un autoritarisme écrasant, qui est surtout un gaspillage inutile d’énergie! La mission est en fait plus difficile que ça: il s’agit de se rendre intéressant. Ce qui compte pour eux, c’est quelle relation ils peuvent avoir avec moi. Comme ils ne manquent pas de me donner des signes d’attachement et d’affection, ils sauraient très bien tirer profit d’un contact hebdomadaire avec un francophone s’ils le voulaient. C’est là qu’il faut jouer fin! Ils se souviennent de chaque marque d’attention, que ce soit pour les critiquer ou les mettre en valeur, et de chaque inflexion de voix, chaque doigt tendu, chaque regard. En fin de compte, ce n’est qu’une question de jeu d’acteur. « Sois théâtral! » me disait le Frère Fadi Sfeir, un lasallien libanais, Visiteur de la Province du Proche-Orient.