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[Égypte] Témoignage d'Agnès : " On peut sourire, jouer et danser dans toutes les langues "

Découvrez le témoignage d’Agnès, 25 ans, infirmière, a décidé de dédier un an de sa vie auprès des patients du dispensaire St Vincent, à Qussiyah en Egypte.


Bonjour à tous et à chacun, j’espère que vous allez bien, malgré les mauvaises nouvelles actuelles (Ukraine, …). Et pour que vous alliez encore mieux, je vous apporte une bonne nouvelle : je vais bien, très bien même. Je suis maintenant en Haute-Egypte depuis 15 jours. J’y vis tellement de choses que je ne sais pas vraiment par où commencer ma lettre.

Quel accueil !

J’ai été très bien accueillie par les sœurs qui me reçoivent pour un an. La supérieur, sœur Nada, est venue personnellement me chercher à l’aéroport. Ma chambre est confortable, les repas sont délicieux, et les sœurs très prévenantes et attentionnées.

Marguerite, la deuxième volontaire, est déjà là depuis 1 mois. Sa mission est d’aider au jardin d’enfants. Elle a pris le temps de m’expliquer le fonctionnement des lieux, de me faire visiter les bâtiments, de me traduire le peu d’arabe qu’elle comprend, et nous faisons ici beaucoup de choses ensemble.

Les enfants (petits et grands) et les personnes handicapées qui passent à tour de rôle dans ce lieu sont aussi très accueillants. A peine arrivée, j’étais entourée d’un groupe d’enfants qui me couvrent de questions en arabe… Je vais devoir m’y mettre rapidement. Mais en attendant, on peut sourire, jouer et danser dans toutes les langues. Nous avons joué au frisbee, au dooble, mais ce qu’ils préfèrent, c’est la danse avec la musique à fond, dès 3 ans. Nous leur avons appris « si tu as d’la joie au cœur frappe des mains ».

Les Egyptiens sont très accueillants. En 15 jours, j’ai été invitée pour une journée de visite avec un couple, puis à un mariage, puis à une journée du diocèse avec les personnes handicapées, etc. On dirait que je suis toujours la bienvenue, c’est l’accueil à l’orientale !

La vie en Orient

Dès mon arrivée, on a mis les sacs sur le toit de la voiture, et ils ont bien ri lorsque j’ai voulu attacher ma ceinture. En arrivant dans la ville de Cusea où je vais vivre, nous sommes passés devant le bar à Chicha, le souk et ses vendeurs de pain pita, de fruits exotiques… J’ai été surprise par les énormes pièces de viande suspendues en plein soleil et coupées à même le crochet. Pour traverser la rue principale – l’une des rares rues goudronnées de la ville – il faut se faufiler entre les touk-touk, ânes, charrettes, motos, piétons, camionnettes. Hier nous avons doublé un dromadaire.

Les odeurs sont fortes et différentes ici. Il y a l’odeur de barbecue du restaurant devant chez nous, celle délicieuse du pain qui cuit sur la rue, celle de la cuisine au moment des repas. Le plat traditionnel appelé Cochary est à base de riz et de pâtes – mais oui, les plats à base de viande sont de bonne qualité ici. Mais les odeurs locales sont aussi celles du pétrole et des pots d’échappement des Touk-touk, celle des déchets qui s’entassent dans les rues puis celle de plastique brûlé lorsqu’on les brûle. Les enfants des rues ont les mains noires, leurs vêtements sont parfois troués ou décousus.

Il y a beaucoup de poussière dans ce pays ! On peut faire le ménage tous les jours pour retirer cette poudre jaune venue droit du désert. Ici, nous vivons presque dehors car les couloirs sont des terrasses, les fenêtres sont ouvertes, et il ne pleut jamais. Il fait max 25° et je vis avec un pull ou deux, comme eux. Les bâtiments ne sont pas terminés ; les barres de fer sortent du toit, le béton et les briques sont apparentes, afin de rajouter un étage quand la famille s’agrandira (mariage). Cela donne l’étrange impression qu’il y a des travaux partout dans le pays.

Tant de bruit ! Je préfère quand c’est un peu plus moins calme. Dès 5h30 du matin, plusieurs muezzins lancent le premier appel à la prière, ce qui donne une drôle d’harmonie. Puis les enfants de l’école du gouvernement utilisent aussi le haut-parleur, en rang dans la rue (car il n’y a pas de cour de récréation). Ils lisent les nouvelles, puis le Coran, puis saluent en chantant des hymnes à la Patrie. Notre jardin d’enfants commence aussi sa journée avec des danses et une prière, musique à fond. Dans la rue, c’est un concert de klaxons de toutes sortes, de musique à chaque passage d’une voiture car la radio est allumée pour tout le monde, et de cris (ceux de la famille des mariés ou des enfants qui jouent).

La vie des sœurs

En arrivant ici, je découvre la vie et les missions des sœurs. Il y a d’abord leur vie de prière, en français. Les prêtres sont coptes (catholiques) et la messe est en arabe. Tout est chanté sur des airs et tonalités dont je n’ai pas l’habitude. C’est beau de prier ensemble et de s’épauler avec cette minorité (pas si petite) dans ce pays à majorité musulmane.

Il y a aussi leur mission pour l’Eglise. Elles reçoivent dans leurs bâtiments des mouvements de la paroisse qui portent des noms français : Foi et Lumière (les personnes handicapées), le MEJ, CVX, Jeunesse Mariale, le patronage, ainsi que des conférences, concerts et autres évènements.

Il y a surtout leur mission auprès des pauvres que j’ai pu aborder de deux manières.

La première et la plus évidente c’est de les recevoir ici et de les visiter chez eux. Nous recevons les enfants des rues pour du soutien scolaire et des repas (c’est le projet « Better Life »). Leurs parents, souvent analphabètes, sont aussi accueillis pour des formations, repas et temps de prière. Le matin, le dispensaire est rempli de monde dont la plupart sont musulmans. Lorsque la cloche sonne, c’est la supérieure qui reçoit les femmes venant demander de la nourriture, et parfois de l’argent. Les sœurs paient aussi les soins à ceux qui demandent de l’aide au dispensaire. Nous allons visiter des familles pauvres chez elles plusieurs fois par semaine ; ce sont des moments forts et assez joyeux.

La deuxième manière d’aborder ce cercle de dons auprès des plus pauvres, c’est le côté administratif. La mère supérieure est responsable de 2 dispensaires, 3 jardins d’enfants, et des ateliers pour donner un métier aux femmes et enfants en difficulté : atelier de bougie, de couture, de tapisserie. Avec l’autre volontaire, j’ai aidé à préparer des dossiers de demande de dons, des compte-rendu de l’utilisation des dons, et à envoyer des mails de remerciements aux donateurs (individuels ou associations). Chaque don d’argent semble répondre à un projet précis et une demande justifiable, cela rend leur utilité très concrète à mes yeux.

Le travail au dispensaire

Ma fonction « officielle » à Cusea est d’aider au dispensaire, le matin. Mais ma mission s’étend à tout ce que je peux faire, donner et recevoir ici.

Avec l’infirmière, je ré-apprends à faire les pansements (qui partent blancs et reviennent souvent noirs), à prendre la tension (avec un vieil appareil au mercure), à faire des injections, à mettre des collyres. Nous soignons beaucoup de brûlures sur des très jeunes enfants car ils jouent près des casseroles. L’infirmière est patiente, me montre comment on fait ici, et m’apprend l’arabe.

C’est le même métier, et pourtant les problématiques médicales sont différentes ici. Les patients vivent parfois à même le sol, ou avec leurs animaux, et le risque d’infection est plus important : j’ai l’impression de passer mon temps à désinfecter ou donner des antibiotiques sous toutes les formes.

« Bonne arrivée », comme on dit ici

Mon début de séjour ici est heureux et bien rempli. Je découvre un bouillonnement de nouveautés, de bruits, de gestes de charité, de bienveillance et de gens dans tous les sens. Mon planning est souple mais me permet aussi de prendre du temps pour moi. Cette expérience promet d’être belle, intense, et peut-être pas facile tous les jours. Incha Allah comme on dit ici ! Et

Soukrane Seigneur de m’avoir conduit ici.

Je vous embrasse et vous souhaite beaucoup de bonheur !