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Étudiants de Mossoul, un espoir de réconciliation entre chrétiens et musulmans

L’accueil des étudiants de Mossoul à Kirkouk

Le 10 juin 2014 Daesh s’empare de la ville de Mossoul, au Nord de l’Irak. Les étudiants se réfugient à Erbil, mais l’enseignement est en kurde, alors qu’ils parlent arabe. L’année suivante, l’État du Kurdistan irakien décide de transférer les étudiants à la faculté de Kirkouk pour qu’ils puissent étudier dans leur langue. Monseigneur Mirkis, archevêque chaldéen de Kirkouk et Souleymanieh, les incite à venir dans son diocèse et offre pour 700 étudiants une pension complète. En juillet 2017, Mossoul est libérée de l’Etat Islamique, au mois d’octobre les cours reprennent à Mossoul. Aujourd’hui la situation s’est améliorée, les habitants reviennent peu à peu, mais Mossoul n’est pas encore totalement reconstruite et la ville n’est pas encore totalement sécurisée. 800 000 mossouliottes sont rentrés vivre dans leur ville, mais seulement 20 familles chrétiennes. Les relations entre chrétiens et musulmans ont souffert de la guerre, certains chrétiens ont peur de revenir.  L’université de Mossoul, accueille 37000 étudiants dont 2000 chrétiens et environ 1500 yézidis. 400 des étudiants accueillis par Monseigneur Mirkis retournent suivre les cours à Mossoul, mais la situation étant encore instable, ils sont logés dans les villages de la plaine de Ninive. Six centres ont été ouverts pour les accueillir. Ils habitent dans de petites maisons fabriquées en urgence, tous ensemble, chrétiens, musulmans, et yézidis. Pour ces étudiants qui cohabitent, ce n’est pas seulement la joie de reprendre leur cursus scolaire, et la perspective d’obtenir leur diplôme, mais c’est aussi un nouveau départ, qu’ils vivent ensemble, irakiens de toutes religions, pour reconstruire leur pays.

Un projet qui retisse les liens inter-religieux

Depuis l’invasion de Daesh, les relations entre chrétiens et musulmans se sont fortement détériorées. Les souffrances ont été telles que la confiance entre les habitants a été brisée. La population a une impression de réconciliation impossible, les gens ne sont plus en paix avec leurs voisins, et des fossés se sont creusés. Il faut désormais reconstruire la ville, mais aussi les relations entre chrétiens et musulmans. A l’université, se côtoient dans les mêmes classes, des chrétiens qui ont fui à Kirkouk, des musulmans qui se sont cachés de Daech pendant trois ans, et des musulmans qui ont été sympathisants. Certains chrétiens à l’université disent qu’ils sont mal regardés, qu’ils étudient sans perspectives d’avenir. Le retour des chrétiens à Mossoul est une grande espérance, mais c’est un retour complexe et douloureux.

Au milieu de ce pays blessé, ce projet de vivre ensemble est un véritable espoir. Parmi ces étudiants, la grande majorité est chrétienne, mais il y a aussi 128 yézidis, 21 musulmans et une mandéenne. Monseigneur Mirkis ne fait ni distinction de religion, ni prosélytisme, pour lui « ces étudiants sont les envoyés du Seigneur ». Le fait que chrétiens et musulmans vivent ensemble est un signe encourageant. Ils partagent leur quotidien et surtout construisent de solides amitiés, qui plus tard resteront. Ils ont mûri dans ces maisons, appris à vivre ensemble. « La souffrance aide à s’épauler » dit Mgr Mirkis. Dans ces maisons construites pour eux, ils sont obligés de se rencontrer alors qu’ils pourraient rester avec des gens uniquement de leur confession. Cela les oblige à recréer un lien, à se côtoyer, à ne pas vivre en communautarisme. Se connaitre aide à pardonner, ne pas côtoyer l’autre entretient une sorte de rancœur. Par leurs amitiés, ce sont des liens entre les communautés irakiennes qui se retissent. Ils sont le début d’un nouveau dialogue de vie qu’il faut réinstaurer à Mossoul car la paix de la nation se joue à une échelle locale. Les habitants ont la même vie, la même langue, la même culture et doivent œuvrer ensemble à la reconstruction du pays. Ces maisons d’étudiants sont un symbole de bonne entente possible entre les religions.

Les étudiants, l’espoir de l’Irak

L’université de Mossoul a été libérée le 17 janvier 2017, l’Etat islamique avait utilisé le campus comme centre de commandement et usine d’armement, ils ont ensuite incendié les bâtiments et installé des pièges.  La grande bibliothèque de l’université était une référence dans le monde arabe, elle a été totalement brûlée, anéantissant des centaines de livres et de manuscrits.

Daesh a voulu faire disparaître tous les symboles de la culture et du savoir. Ce sont les étudiants et les professeurs qui ont nettoyé tout le département de français. L’université peut être un moyen de réconciliation pour le pays, pour la future génération de travailleurs qui arrive. Les étudiants ont choisi le savoir comme arme, contre l’obscurantisme de Daesh. La faculté est un endroit où ils sont obligés de vivre ensemble, de se côtoyer, de s’entraider pour obtenir leur diplôme. Contre Daesh, les étudiants ont décidés de se battre, faisant de leurs études une « réussite à 100 % », d’après l’archevêque chaldéen.

Les étudiants sont la richesse de la société irakienne, ce sont eux qui reconstruiront dans quelques années leur pays, économiquement mais aussi socialement. Beaucoup d’entre eux pensaient émigrer, pour fuir la guerre et avoir plus d’opportunités professionnelles. Selon Monseigneur Mirkis, l’émigration des chrétiens signifierait le départ de toutes les autres minorités et, en un certain sens, la victoire des terroristes. « Aider les futurs cadres à poursuivre leurs études, c’est essentiel pour reconstruire notre pays. En soutenant les jeunes, nous les maintenons dans le pays » explique-t-il. Rester dans le pays malgré les difficultés, c’est le désir de la jeune génération irakienne, bien décidée à donner un nouveau souffle à son pays.

« L’Église de France soutient les étudiants en Irak ».

Ce projet s’inscrit dans un partenariat entre l’Église de France représentée par la Conférence des évêques de France et l’Œuvre d’Orient. Les étudiants sont logés à une vingtaine de kilomètres de Mossoul, dans de petites maisons financées par l’Église de France. Le prix revient pour 400 étudiants à 500 000€ par an. Sans l’aide de la France, le projet n’aurait pas pu aboutir, « votre solidarité nous donne de l’espoir et leur donne de l’espoir, ils savent que beaucoup de personnes prient pour eux et sont solidaires avec eux » Monseigneur Mirkis.
D’autres exemples de paix ont eu lieu depuis la libération de Mossoul l’été dernier. L’église Saint Paul a par exemple été nettoyée par des étudiants chrétiens et musulmans. La messe de Noel a été un évènement historique, placé sous le signe de la paix entre mossouliotes. La messe était ouverte aux musulmans, deux imams y ont assisté ainsi que des généraux. Le patriarche chaldéen Louis Sako dans son homélie a lancé un appel pour la réconciliation à tout l’Irak. Il a remis un prix au responsable des volontaires Mohammed Al-Zakaria, journaliste sunnite de Mossoul. Ces gestes symboliques sont d’une grande importance pour restaurer la confiance entre les communautés, et contribuer à la paix en Irak.

Madeleine DR