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Il faut que les Chrétiens aident financièrement leurs frères d’Orient.

1. Selon vous, les communautés chrétiennes d’Orient sont-elles menacées de disparition ?

Père Gollnisch : Globalement, au Moyen-Orient, il y a un risque de disparition des communautés chrétiennes. Ce risque de disparition ne provient pas tant d’une persécution directe que d’une discrimination des Chrétiens par la société. En Irak, les Chrétiens encourent un risque de discrimination sanglante, car ils sont la cible de groupes terroristes qui souhaitent spécifiquement les faire partir du pays. Dans les autres pays, il s’agit plutôt de discrimination.

2. Quels sont les principaux problèmes auxquels elles sont confrontées sur le plan politique et économique ? Cette discrimination s’exprime à plusieurs niveaux.

PG : Tout d’abord, l’Islam a une dimension sociale forte, et elle marque la société. Quand vous n’êtes pas musulman, ce n’est pas forcément facile d’entendre le muezzin tous les matins.

Mais il y a des choses plus importantes. Ainsi, le droit civil en général, et le droit de la famille en particulier, est de plus en plus d’inspiration musulmane, alors qu’auparavant, les Chrétiens vivaient sous un régime spécifique.

Sur le plan économique, il est difficile pour les Chrétiens d’avoir accès à certaines responsabilités.

Sur le plan religieux, il est difficile pour les Chrétiens d’exprimer leur foi en public, alors même que la liberté religieuse est un droit de l’homme fondamental. De même, il est de plus en plus difficile de construire des Eglises. Enfin, dans ces pays, les citoyens n’ont pas forcément le droit de changer de religion.

Sur le plan politique, certaines Constitutions stipulent que le chef de l’État doit être musulman. Or c’est à la démocratie de décider du chef de l’État.

Les Chrétiens ne sont pas considérés comme des citoyens comme les autres, voire des citoyens de seconde zone. Une pratique ancienne fait des Chrétiens une population protégée, alors qu’ils devraient être considérés comme des citoyens à part entière.

3. Est-ce que les Chrétiens d’Orient vont disparaître ?

PG : A la question « est-ce que les Chrétiens courent le risque de disparaître ? », je vous réponds « oui ». En revanche, si vous me demandez si les Chrétiens d’Orient vont disparaître, je pense que non.

C’est vrai que les Chrétiens vivent les mêmes difficultés que les Musulmans dans ces pays. Si un pays est pauvre, il n’y a pas de raison que les Chrétiens vivent dans un îlot de richesse. De même, s’il y a de l’insécurité dans ce même pays, il est sûr que les Chrétiens vont être touchés au même titre que les Musulmans.

Seulement, un exode de Chrétiens va fragiliser beaucoup plus fortement la communauté chrétienne qui est plus restreinte que la communauté musulmane.

On ne peut pas dire par ailleurs qu’il s’agit d’une persécution. Ils ont la possibilité de vivre dans leur foi.

4. L’aide au développement peut-elle aider ces communautés à rester dans leur pays ?

PG : Complètement. C’est un élément essentiel du maintien de la population sur place. Si un père de famille est privé de travail, il aura tendance à partir ailleurs pour trouver du travail. D’autant plus que les Chrétiens ont souvent plus de liens avec l’Occident que les Musulmans. Ils sont également mieux éduqués et ont une meilleure maîtrise des langues étrangères.

Encore faut-il que l’aide au développement touche réellement les familles chrétiennes. Il conviendrait d’encourager les projets qui permettraient aux Chrétiens d’avoir une activité professionnelle. Parfois, les Chrétiens n’ont pas accès aux métiers de l’artisanat ou de l’agriculture. Soit parce qu’ils ont dû se déplacer pour des raisons de sécurité et qu’il leur ait difficile de trouver un travail là où ils habitent, soit parce que, pour des raisons de discrimination, on ne veut pas leur donner de responsabilités professionnelles.

5. Pensez-vous qu’il est indispensable que les Chrétiens d’Orient restent dans leur communauté d’origine ?

PG : C’est totalement indispensable qu’ils y restent.

Car c’est leur pays. Ils sont irakiens, égyptiens, palestiniens ou encore libanais. Ils sont chez eux. Ce sont même souvent les premiers habitants de ces communautés.

En outre, ces Chrétiens peuvent aider à faire progresser ces pays. S’il n’y avait plus de Chrétiens au Liban, par exemple, ce serait dramatique. Les Chrétiens aident en effet les gens à se parler. Ils jouent souvent un rôle de médiation entre les Sunnites et les Chiites.

Par ailleurs, on ne peut pas envisager l’existence sereine des Musulmans en Europe si la réciproque n’était pas vraie. Ce serait une source de tension et de polémique considérables.

Enfin, on ne peut pas se résoudre à une vision totalitaire de l’Islam.

6. Pensez-vous que les événements politiques de ces derniers mois seront à terme positifs pour les Chrétiens d’Orient ?

PG : C’est un processus en cours, qui prendra plusieurs années avant d’aboutir. Je suis cependant très optimiste sur le résultat ultime, notamment en Egypte, au Liban, en Palestine, en Irak ou encore en Libye. Ces sociétés progressent, du point de vue de l’éducation de leurs populations et de leur degré d’ouverture.

En revanche, en Syrie, il y a quelque chose de dangereux. Car c’est un conflit entre Sunnites et Alaouites / Chiites. C’est un conflit frontal non réfléchi.

7. Pensez-vous que les Chrétiens de France doivent se mobiliser pour les Chrétiens d’Orient ? De quelle manière ?

PG : Oui, bien sûr. Les Chrétiens d’Orient ont besoin que les Chrétiens de France soient solides dans leur conviction. Ils ont besoin de savoir qu’ils vivent leur foi de manière dynamique et sereine.

Par ailleurs, la France incarne la laïcité. Or la laïcité représente une hypothèse de développement pour ces pays. La laïcité turque s’est traduite par une forte diminution des communautés chrétiennes. Aujourd’hui, nous sommes responsables que la laïcité à la française soit respectueuse de la religion. Si la laïcité apparaît comme le cache-nez de l’athéisme, elle ne parviendra pas à s’implanter au Moyen-Orient.

En outre, il faudrait que les Français connaissent mieux les Églises d’Orient. Il y a des questions de lien. Ce serait intéressant qu’il y ait davantage de jumelages de diocèse à diocèse et de paroisse à paroisse.

Enfin, les communautés sunnites sont souvent aidées financièrement par l’Arabie saoudite ; les Chiites par l’Iran. Aucune puissance étatique n’aide les Chrétiens.

Il faut donc que les Chrétiens aident financièrement leurs frères d’Orient.


Interview réalisé par Danielle Adler, IECD, pour la NL Semeurs d’avenir