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"Le cri des pierres", l'édito de Mgr Pascal Gollnisch

Durant l’été, la situation de nos frères d’Orient n’a connu aucune amélioration.

La guerre civile continue à faire rage en Syrie. La prise de la ville de Palmyre a brisé ce qui restait de moral chez les chrétiens. Les menaces sont nombreuses sur les villes de Homs, d’Alep, de Damas. On ne semble pas réaliser combien le déploiement du DAECH, et d’Al-Qaida, a bouleversé la situation. L’effondrement du régime constituerait la porte ouverte à des massacres généralisés; on ne pourra pas faire semblant d’être surpris. La France s’est impliquée dans ce conflit dès ses débuts; elle doit indiquer une situation acceptable et concrète. Chaque jour, nous constatons que l’hypothèse de rebelles modérés sur lesquels les occidentaux ont fondé leur espoir est balayée par les faits. Chaque jour, nous apprenons de nouvelles cruautés mises en image par le DAECH.

  • Les accords avec l’Iran permettront-ils une nouvelle approche ?
  • La Turquie, frappée elle-même par le DAECH, va-t-elle sincèrement se retourner contre cette organisation, arrêter d’acheter son pétrole, stopper l’acheminement des armes et des combattants ?
  • La Russie, empêtrée dans la crise ukrainienne, peut-elle aider à débloquer la situation syrienne ?
Mgr Gollnisch au Kurdistan en 2015

Des millions de déplacés à l’intérieur de la Syrie ont tout perdu et ne sont guère aidés dans les zones tenues par le régime par les organisations internationales. Des centaines de milliers de réfugiés s’entassent dans des camps dans les pays voisins. Grâce à nos donateurs nous continuons à faire parvenir de l’aide à travers les œuvres des communautés catholiques ; nous recevons chaque jour des demandes que nous essayons de satisfaire au mieux.

En Irak, la prise de la ville de Ramadi par le DAECH a durement atteint le moral des chrétiens qui n’ont pas vu la libération de leur terre, pas même d’un centimètre. Nos frères ne savent plus où est leur avenir, ce qui constitue leur principale souffrance. On répète, dans les sphères des pouvoirs occidentaux que cela prendra du temps, beaucoup de temps… Mais prend-t-on les moyens appropriés ?

Il est clair que les américains sont responsables du chaos créé. Les kurdes ne sont guère enclins à s’engager pour libérer les zones chrétiennes, l’armée irakienne, dont les cadres ont été chassés par les américains, est d’une grande fragilité et le gouvernement de Bagdad peine à mettre en place un système de nature à rallier les sunnites et à les couper du DAECH.

Là encore, l’Œuvre d’Orient est aux côtés des communautés chrétiennes afin de les aider dans leur mission d’assistance à la population. De nombreux voyages sur place nous permettent d’évaluer  les besoins les plus urgents et d’essayer de les satisfaire, mais la plus grande souffrance demeure la désespérance.

Le 8 septembre se tient à Paris une Conférence internationale pour organiser l’aide humanitaire. L’Œuvre d’Orient y est étroitement associée. Mais la situation militaire n’y sera pas évoquée. De nombreuses initiatives, publiques ou privées, comme le fait de sonner les cloches dans nos églises le quinze août ou des messages et des visites de solidarité, sont essentielles. Il faut des actes concrets capables de modifier la situation sur le terrain.

On comprend à quel point  l’Œuvre d’Orient est accablée par cette situation tragique qui peut mettre en  péril l’existence des chrétiens en Syrie et en Irak, et qui risque aussi de susciter un conflit généralisé dans le Moyen-Orient dont l’Europe ne sortira pas indemne.

Cette situation n’est cependant pas désespérée pour deux raisons :

– d’une part la foi impressionnante dont font preuve nos frères sur place ;
– d’autre part, parce que nous ne savons pas de quoi l’avenir sera fait. L’Histoire n’est jamais écrite d’avance. Ne soyons pas comme les marxistes qui croyaient détenir le sens de l’Histoire.

Toutefois ce drame se déroule lors du centenaire du génocide qui a visé les chrétiens en 1915, les arméniens, les assyro-chaldéens, les syriaques.

Cette histoire est liée, car beaucoup de chrétiens de Syrie et d’Irak sont des survivants réfugiés dans ces pays. Nous assistons bien à une répétition de l’Histoire.

Ville de Mardin

 

J’ai voulu me rendre comme en pèlerinage dans une région de Turquie qui a été le berceau de la présence chrétienne, et donc aussi un des principaux lieux de massacres, la ville de Mardin. J’ai visité les magnifiques monastères de cette région appelée le Tur Abdin, des églises datant des premiers siècles chrétiens, l’église de Nisibe sur la frontière avec la Syrie, qui abrite encore la tombe de Saint Jacques de Nisibe. Cet extraordinaire patrimoine est parfois restauré grâce aux chrétiens de la diaspora, parfois en ruine ou pris par les autorités turques et transformé en musée. Après avoir supprimé les fidèles, on désacralise les églises. Comment ne pas être édifié par la poignée de chrétiens qui demeure sur place ? Ils étaient des centaines de milliers il y a un siècle. Les morts ne peuvent plus parler mais, comme le Christ nous l’a dit, les pierres crient.

Elles ne crient pas vengeance mais elles crient contre l’oubli. Elles crient pour le présent et pour l’avenir. Nous ne nous résignerons jamais à la disparition des chrétiens de Syrie et d’Irak.

SB Grégoire Pierre XX Ghabroyan

De Mardin, je suis allé au Liban pour assister à l’installation du nouveau Patriarche Arménien catholique, Sa Béatitude Grégoire Pierre XX Ghabroyan, qui a été durant de nombreuses années Évêque des arméniens de France. Il a évoqué le massacre de ses grands-parents à Mardin. Le Patriarche d’Antioche et de tout l’Orient des Syriaques catholiques,  Sa Béatitude Ignace Joseph III Younan, présent à cette célébration, rappelait aussi ses origines familiales de cette ville.

Est-ce le même génocide qui continue ?
La réponse à cette question est largement entre nos mains.

Publié dans le bulletin 780 de l’Œuvre d’Orient. Mieux connaitre notre bulletin.