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Le culte des morts chez les coptes une tradition issue des pharaons

Il n’y a pas en Égypte de fête des morts à proprement parler et la Toussaint s’y célèbre en juillet et non en novembre. Mais, par-delà ces différences de calendrier, c’est-à-dire d’histoire et de sensibilité, c’est avec une même ferveur que les Coptes et leurs frères latins professent leur foi en la mort créatrice du Christ et en la communion des saints.

La mort, pierre angulaire de la vie

Quand tant de civilisations tentent de nier la mort, l’Égypte la regarde en face depuis la nuit des temps. Cette intimité des égyptiens avec la mort s’inscrit dans les paysages : ici, pas de palais pour abriter les jours d’éphémères monarques, mais de somptueux tombeaux élevés pour l’éternité. Comme en témoigne le Livre des Morts, ce viatique placé dans le sarcophage au plus près du défunt, les égyptiens se préparaient tout au long de leur vie à ce voyage de l’âme qu’est la mort. Celle-ci n’était pour eux que l’envers de la vie, la face cachée d’une même réalité. Ainsi Osiris, son seigneur, qui était de tous les dieux celui qui ressemblait le plus à l’homme, se souciait pareillement de l’ici-bas des vivants que de l’au-delà des morts. Dieu est pédagogue, Il s’invite dans l’histoire et s’annonce aux hommes à travers les grands mythes qui expriment leur quête d’un autre monde. Comment ne pas voir en Osiris, dieu de bonté, une figure du Christ à venir, Seigneur du pardon plutôt que juge qui condamne ?

Les rites funéraires sur les bords du Nil

Bien des rites funéraires de l’ancienne Egypte ont survécu chez les Coptes, en particulier ceux qui rendent hommage au défunt. Lointaine survivance de la momification, un grand soin est apporté à la toilette du trépassé ainsi qu’à sa présentation dans un cadre digne. Dans la campagne, et surtout en Haute-Egypte, des pleureuses viennent aujourd’hui encore rappeler les qualités du défunt et réciter ses louanges. Marques de respect, ces démonstrations de larmes sont en outre le signe que la communauté partage le chagrin de la famille et la soutient dans cette épreuve.

De même, certains rituels de purification semblent hérités de la civilisation pharaonique. Par la mort, le défunt devient autre et il convient de marquer cette différence. C’était le rôle des rites de l’encens et de l’eau du Nil par lesquels le prêtre, vêtu d’une peau de léopard, écartait les mauvais esprits lors de la procession des funérailles. Aujourd’hui, le rite de l’encens, symbole de purification par le feu, perdure, tout comme le rite de l’eau. Ainsi, le troisième jour après le décès, le prêtre asperge la maison du disparu ainsi que ses vêtements d’un mélange d’eau additionnée de sel, de luzerne et de persil. On comprend que, par-delà leurs spécificités, les rites funéraires ont une même utilité. Ils assistent le mourant dans le voyage auquel il se prépare, ils lui rendent hommage, ils aident ses proches à se séparer de lui et à honorer sa mémoire.

Le culte funéraire chez les Coptes

Les offices qui réunissent les familles et les amis dans la célébration du souvenir sont des actes d’amour et de communion. La prière de l’Eglise accompagne et facilite l’exode de l’âme vers l’autre rive, celle de la Jérusalem Nouvelle. Elle se fait plus intense le troisième, le neuvième ainsi que le quarantième jour du décès. Ces chiffres ont une signification hautement symbolique. Il faut trois jours à l’âme pour se libérer du corps, neuf jours pour que celle-ci soit rendue digne de l’union au chœur des Saints par des prières et l’intercession des neuf ordres angéliques. Le quarantième jour enfin est rappelée l’ascension du Seigneur qui, ce jour-là, rompit tous les liens qui le rattachaient à la mort.

La prière de requiem varie selon l’âge, le sexe, la condition du défunt et même les circonstances de son décès. La prière récitée pour une femme morte en couche diffère de celle adressée au Seigneur lors du décès d’un vieillard ou d’un enfant ; les patriarches ont la leur, de même que les higoumènes ou les moniales.

La tombe, qui n’est jamais fleurie, est visitée trois fois par an, lors des grandes fêtes Pour entretenir le lien qui unit les vivants et les morts, des collations sont organisées auprès de celle-ci. Dans une ambiance tout à la fois grave et joyeuse, on partage avec les pauvres le pain, les pastèques, les poissons grillés et les plats préférés du défunt. C’est là encore une façon d’intercéder pour lui, de demander au Seigneur sa rahma-رحمة , autrement dit sa miséricorde.

La fête de Tous les Saints

Prélude à la fête des morts, la Toussaint ravive en Occident la vocation des croyants à devenir saints, à l’instar de ceux qui les ont précédés auprès du Père. Ce faisant, la proximité des célébrations génère une confusion certaine entre les deux fêtes. En Orient, où aucune célébration ne vient circonscrire le culte des morts, le problème ne se pose pas.

Selon le calendrier copte, la fête de Tous les Saints est célébrée le 5 Abib, jour où l’on commémore le martyr de Pierre et Paul. Cette fête est précédée du jeûne des Saints Apôtres qui commence au lendemain de la Pentecôte et se termine le 4 juillet. En fêtant tous les Saints dans le sillage de la Pentecôte, l’Eglise copte se réjouit de ce que les enfants de Dieu ont toujours en eux, par le don de l’Esprit, la source de la sainteté divine.

Par-delà cette fête, et pas seulement à travers le Trisagion, les Coptes aiment à reprendre le chant que l’on entend dans l’Apocalypse et qui est celui, toujours recommencé, du monde angélique : « Saint, Saint, Saint ». Cette sainteté, qui se communique à tous les hommes, a formé la communion des saints qui nous invite à entrer nous-mêmes dans la sainteté et dans la joie: la joie de la réunion éternelle de ceux qui s’aiment et ensemble aiment Dieu.

Mgr Michel Chafik

Recteur de la Mission copte catholique de Paris