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Le temps est venu.

« Le temps est venu.

Celui de nous engager résolument dans le soutien des chrétiens de Terre Sainte. Nous les aidons depuis 1856, mais nous devions attendre le bon moment pour intensifier notre aide face à la crise actuelle. Historiquement, les chrétiens sont d’origine palestinienne, même si aujourd’hui il y a de nombreux chrétiens d’origines diverses venus travailler en Israël.

L’histoire des chrétiens palestiniens est l’histoire du peuple palestinien, une histoire bouleversée en 1948, marquée par de nombreux conflits, par l’exode de centaines de milliers de réfugiés, par une absence de perspective, puisqu’aucun avenir ne leur a été proposé à ce jour. Surgissent alors les attaques du 7 octobre, qui replacent brutalement le peuple d’Israël devant des situations datant de la Seconde Guerre mondiale, celles-là même qu’on ne voulait plus revoir en créant l’État d’Israël. Des attaques terroristes et criminelles, avec une prise massive et inacceptable d’otages.

Nous mesurons avec gravité l’horreur que cela représente pour les familles israéliennes mais aussi l’impasse dans laquelle cela conduit les Palestiniens de Gaza et d’ailleurs. La réplique terrible de l’armée israélienne ne s’est pas fait attendre, une explosion de colère contre le Hamas, avec ses morts, ses blessés, et les terribles combats sur la bande de Gaza et la frontière libanaise, mais peu de perspectives politiques à moyen terme : après 10 mois de guerre, au moment d’écrire ces lignes, de nombreux otages ne sont pas libérés, et le Hamas existe toujours, mais la bande de Gaza est largement détruite, des dizaines de milliers de morts, plus de 80 000 blessés, des maisons, des villes détruites, la haine de part et d’autre.

Le peuple palestinien est devenu un peuple oublié. Les politiques et les diplomates ont parfois la tentation de résoudre les problèmes d’un peuple par l’oubli. Cependant, l’oubli est une violence. La haine est encore un rapport, dégradé, à l’autre ; l’oubli en est l’effacement. La communauté internationale a pensé résoudre la question palestinienne en l’oubliant. L’oubli est aussi une bombe à retardement, car il ferme des possibilités de solutions qui permettraient la paix. Nous avons vécu une période de sidération où toute parole était devenue impossible car inaudible, le degré de haine et de victimisation de part et d’autre ayant atteint un niveau de paroxysme. La parole est refusée, le silence surinterprété comme une dissimulation pour nier les souffrances ressenties. Il nous a semblé ; à tort ou à raison, que toute parole serait incomprise, que toute action était impossible.

Et il nous semble que ce temps est révolu.

Face à ces drames, les chrétiens de Terre Sainte ont besoin de nous. Ceux qui sont à Gaza pour qu’ils viennent, s’ils le peuvent, en aide aux populations les plus éprouvées. Ceux d’Israël et de Cisjordanie pour qu’ils trouvent des moyens de vivre tandis que les pèlerinages, qui leur permettaient de subsister, se sont arrêtés. Je suis par ailleurs étonné du peu d’échos donné aux déclarations et aux gestes du patriarche latin de Jérusalem lors de son déplacement à Gaza.

Les religions ne peuvent donc éviter de s’interroger : ont-elles failli à leur tâche en étant incapables d’empêcher ces massacres ? Deux dangers les visent. Le premier consisterait à se limiter à un service du « sacré » qui ne s’impliquerait pas dans un vrai service de l’humanité. Le second consisterait à se laisser manipuler par les pouvoirs politiques locaux. Ni en dehors, ni soumises, les autorités religieuses doivent conquérir leur liberté de parole si elles veulent remplir leur mission.

Il appartient aux chrétiens locaux de déterminer eux-mêmes, en Église, avec leurs pasteurs, le contour de leur mission aujourd’hui. Il nous appartient de leur dire qu’ils ne sont pas seuls. L’Église ne pourra jamais être absente de Terre Sainte, car cette terre ne peut être un musée mais celle d’une Église vivante, forte de sa foi dans sa fragilité humaine imposée par les circonstances des temps présents. Il faut distinguer le conflit israélo-palestinien et les relations entre juifs, chrétiens, et musulmans. Il faut que chaque camp prenne les moyens de remettre en cause la banalisation des pouvoirs extrémistes. Il faut rappeler que la Paix, dans la sécurité et la justice, répond au désir profond des peuples. Nous devons soutenir leurs lieux de prière et de mémoire, d’accueil et de rencontre, leurs écoles et leurs hôpitaux. Nous devons leur donner les moyens de l’approfondissement de la foi, la possibilité d’être des artisans de paix dans un lieu où la haine croit triompher, d’être une lueur d’espérance pour tous les découragés, une consolation pour tous les affligés : bref de vivre les béatitudes au milieu de deux peuples qui souffrent et qui ont peur. »

 

Mgr Pascal Gollnisch,

Directeur de L’Œuvre d’Orient