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"Les jeunes chrétiens arabes sont moins soumis à la hiérarchie de l'Église"

Pèlerin : Comment les jeunes chrétiens arabes perçoivent-ils ces révolutions ?

P. Pascal Gollnisch : Ils sont dans une double attitude. D’une part, ils restent très attachés à leur Église, aux valeurs du christianisme et à leur famille au sens large.

De l’autre, ils manifestent un grand désir de changement et de liberté. Ils veulent s’émanciper. Ils sont moins soumis à l’autorité des responsables de l’Église.

Pèlerin : Qu’est-ce qui vous fait dire cela ?

PG : Je vous donne un exemple. En Égypte, récemment, les autorités militaires ont fait pression sur le clergé orthodoxe pour qu’il demande aux jeunes de ne plus manifester. Les évêques et les responsables qui ont relayé la volonté des militaires n’ont pas été écoutés. Les jeunes chrétiens ont continué de descendre dans les rues.

Prêtres, évêques et patriarches d’Orient ne peuvent plus s’engager, comme naguère, sans avoir consulté leurs fidèles, sous peine de se voir « respectueusement » contestés. Les anciens portaient une sorte de résignation : « Nous sommes des citoyens de seconde zone mais nous devons le supporter, sinon nous aurons des ennuis. » Leurs enfants affichent leurs droits à être pleinement reconnus.

Dans ces pays en révolte, les chrétiens craignent la montée des islamistes… Le réflexe se comprend. Si des dictatures vieilles de trente ou quarante ans tombent, quel pouvoir leur succédera ? C’est l’inconnu, qui suscite une inquiétude d’autant plus forte que les résultats des dernières élections en Tunisie ou au Maroc donnent le pouvoir aux islamistes. Mais la situation, aussi préoccupante soit-elle, n’est pas non plus catastrophique.

Pèlerin : C’est-à-dire ?

En Égypte, pays que je connais bien, le problème ne se résume plus à un face-à-face entre chrétiens et musulmans comme naguère, mais à une lutte d’influence qui oppose les musulmans modérés aux extrémistes. J’ai vu des jeunes chrétiens manifester au côté de musulmans de leur âge pour réclamer les mêmes droits. Ils agissent ensemble afin que leur pays leur garantissent des perspectives d’avenir solides.

Ils ne mènent plus un combat confessionnel mais un combat citoyen. En Égypte, dans des groupes de réflexion Justice et Paix, des évêques forment des jeunes chrétiens et musulmans à défendre des valeurs de liberté et de respect. Une formation au « vivre ensemble » dans un espace commun. Jeunes chrétiens arabes dans la révolution.

de Luc Balbont


Retrouvez cet article dans Pèlerin n°6732 du jeudi 08 décembre 2011, un reportage de trois pages sur « Jeunes chrétiens arabes dans la révolution ». Luc Balbont a rencontré plusieurs jeunes chrétiens arabes qui confient leurs craintes et leurs espoirs.