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[MARSEILLE] Messe gréco-catholique ukrainienne : l'homélie de Monseigneur Bohdan Dzyurakh

Liturgie Œuvre d’Orient

Basilique du Sacré-Cœur, Marseille

23 novembre 2019

Sermon de Monseigneur Bohdan Dzyurakh


Lectures : 23ee dimanche après la Pentecôte 

2 Cor 8 : 1-5 ; Évangile selon St. Luc 8 : 16-21

Votre Excellence Monsieur Jean-Marc Aveline l’archevêque de Marseille,

Monseigneur Jean-Pierre Ellul, recteur de la Basilique du Sacré Cœur,

Monseigneur Pascal Gollnisch, Directeur général de l’Œuvre d’Orient,

Chers collaborateurs, bienfaiteurs et donateurs de l’Œuvre d’Orient,

Chers Pères, Chères personnes consacrées,

Mesdames et Messieurs les élus,

Chers amis,

Дорога українська громадо Марселю, дорогі Отці, брати-семінаристи, брати і сестри у Христі, (Chère communauté ukrainienne de Marseille, chers Pères, frères-séminaristes, et)

 

Chers frères et sœurs en Christ,

Gloire à Jésus Christ !

Permettez-moi de vous transmettre les salutations du Père et Chef de l’Église gréco-catholique ukrainienne, Sa Béatitude Sviatoslav, ainsi que de l’ensemble de notre épiscopat, de notre clergé et des fidèles gréco-catholique ukrainiens, y compris ceux qui assistent à cette liturgie. Soyez remerciés de nous offrir cette belle occasion de pouvoir aujourd’hui, célébrer la Divine Liturgie dans cette magnifique basilique du Sacré Cœur !

« Personne, après avoir allumé une lampe,

ne la recouvre d’un vase ou ne la met sous un lit ;

on la met au contraire sur un lampadaire, 

pour que ceux qui pénètrent voient la lumière. »

Lc 8 : 16


Ces paroles de l’évangile de Luc que nous lisons aujourd’hui nous rappellent que la lumière de notre foi ne peut être enfermée à la sacristie, cachée sous le boisseau de la lâcheté, confinée à la sphère privée. Notre foi doit se manifester dans nos actes, nous devons témoigner de notre foi, nous devons nous mettre au service des autres par et au travers de notre foi.

Partout où les ténèbres de la peur, de l’anxiété et du désespoir règnent sur le monde, nous, chrétiens, nous sommes appelés à allumer la lumière de l’Évangile du Christ, la lumière de la vérité et de la vie, de l’espoir et de l’amour. Et là où une telle lumière est allumée, les ténèbres reculent inéluctablement.


  1. Cette année, nous commémorons le 30e anniversaire de la chute du mur de Berlin. Cet événement a marqué la fin de l’ère de la terreur communiste sanglante dans les pays de l’Europe centrale et orientale, qui a causé la souffrance et la mort de millions de victimes innocentes. Ces cinq épis de blé entourés de fil noir que je tiens à la main, rappellent l’une des plus grandes tragédies du siècle dernier, connue dans le monde entier sous le nom de Holodomor. En deux ans – 1932-1933 – plus de sept millions de citoyens ukrainiens, victimes innocentes, enfants, femmes, hommes, personnes âgées, ont été tués par la faim artificielle, la famine-génocide organisée par le régime communiste stalinien.

Pour commémorer ces victimes, cette nuit, des bougies sont allumées dans les foyers ukrainiens, en signe de mémoire et de prière, en tant que symbole de l’amour de Dieu qui surmonte l’obscurité de l’indifférence et de l’oubli.

Trop souvent, les victimes de l’injustice et de l’agression se sentent seules, abandonnées et oubliées. Et bien souvent, c’est l’oubli et la solitude dans la souffrance qui sont source d’une bien plus grande douleur que la souffrance elle-même.

C’est pourquoi la chute du mur de Berlin, ainsi que la Commission des conférences épiscopales de l’Europe l’a noté dans sa déclaration, « a non seulement une dimension historique mais aussi prophétique. Cet évènement nous a appris que la construction de murs entre les peuples n’est jamais la solution. Il nous appelle à travailler pour une Europe meilleure et plus intégrée », travailler – ajoutons-nous, – afin que les ténèbres de l’injustice, de la peur, de l’insécurité et de la pauvreté s’éloignent de notre continent.


  1. Depuis sa création, l’Œuvre d’Orient, inspirée par la lumière de l’Evangile du Christ, œuvre pour un monde meilleur et plus uni, en particulier dans les pays du Moyen-Orient, dans la Corne de l’Afrique, en Europe Orientale et en Inde.

Notre Eglise gréco-catholique ukrainienne, en Ukraine et en diaspora, pendant les lourdes années de la persécution communiste, et depuis lors, après avoir quitté la clandestinité et jusqu’à ce jour, a ressenti encore et toujours le soutien spirituel, moral et financier généreux et fidèle de l’Eglise catholique de France et plus particulièrement de « l’Œuvre d’Orient » au niveau de divers projets tels que la formation du clergé et des séminaristes, la création et le développement de nouvelles paroisses dans l’Est de l’Ukraine, le soutien à l’Institut d’études œcuméniques de l’Université catholique d’Ukraine, et l’intégration des personnes ayant des besoins spéciaux.

Je suis persuadé que chacun des 23 pays qui sont soutenus par « l’Œuvre d’Orient » pourraient énumérer une liste longue et impressionnante de projets réalisés par « l’Œuvre d’Orient » depuis des décennies sur leurs territoires.

Pour nous en Ukraine, cette aide et ce soutien sont particulièrement précieux ces dernières années, lorsque, à la suite de la Révolution de la dignité des années 2013-2014, et de l’annexion de la Crimée, le peuple ukrainien est contraint de défendre sa liberté et son intégrité territoriale contre une agression militaire russe à l’Est de l’Ukraine.

Les ténèbres de la guerre sont à nouveau entrés avec violence et fracas dans notre maison européenne. Cette guerre a déjà fait des victimes et apporté des souffrances indicibles, que l’on ne peut exprimer par des chiffres. Nous savons que derrière chaque statistique, il y un destin humain brisé, un rêve volé, une dignité bafouée. Cette guerre a fait plus de 14 000 morts, près de 25 000 blessés graves et près de 2 millions de personnes déplacées internes.

La proximité et la solidarité dans la prière et le soutien aussi bien de l’ensemble de l’épiscopat de France que de l’Œuvre d’Orient nous sont d’autant plus précieux que, malheureusement, cette guerre risque de devenir une guerre oubliée en Europe, cachée derrière un mur d’indifférence, colmatée par le silence. Ils n’en sont que d’autant plus précieux pour nous. Pour chaque acte de charité, pour chaque signe d’amour et de solidarité, au nom de notre Église et de notre peuple, ainsi que de tous les bénéficiaires dans les autres pays de l’Est, je tiens à vous dire notre sincère « merci » ! « Diakuju » !

Si vous faites œuvre de Dieu, si vous vous laissez toucher par les besoins de vos voisins, c’est parce que vous avez en tout premier lieu su ouvrir votre cœur au Dieu vivant, comme en témoigne saint Paul dans notre première lecture aujourd’hui : « Au-delà même de nos espérances, ils se sont eux-mêmes donnés d’abord au Seigneur, et ensuite à nous, par la volonté de Dieu. » (2 Cor 8 : 5).


  1. Chers frères et sœurs ! Le Christ ressuscité est notre paix, le Christ ressuscité franchit les murs, les barrières et les frontières. C’est dans l’amour pour ce Christ ressuscité et de son Eglise catholique que les martyrs et les confesseurs de la foi du siècle dernier ainsi que de notre époque puisent la force de leur témoignage. Ce sont les œuvres de charité accomplies par les chrétiens qui constituent la meilleure prédication de l’Évangile du Christ. Ce n’est peut-être pas par hasard que votre Association s’appelle non pas « la Parole d’Orient » mais « l’Œuvre d’Orient », car, pour paraphraser une phrase célèbre, on peut en dire autant de vous : « Votre actions parlent si fort que je n’entends pas ce que vous dites » (Ralph Waldo Emerson).

Avant de proférer la parole de solidarité et de soutien par nos lèvres ou par nos actes, je nous invite aujourd’hui à lever nos cœurs dans la prière pour les victimes de toutes les guerres et des conflits, de la violence et de l’injustice où qu’ils soient : que le Seigneur Miséricordieux soit leur Secours et leur Force, et qu’Il leur donne la paix – la paix non seulement quand les armes se taisent, l’absence de tirs d’armes à feu et de bombardements, mais la paix en tant que plénitude de la vie.

Pour terminer, je souhaiterais citer Kyr Andrey Cheptytskyi, Métropolite de l’Église gréco-catholique ukrainienne dans la période de l’entre deux guerres. Dans un décret qui date de l’année du Holodomor, il disait les paroles suivantes qui sont tout aussi vraies aujourd’hui qu’en 1933. Nous pouvons faire nôtre aujourd’hui son cri de douleur et sa supplication :

« Devant le monde entier, nous protestons contre la persécution des petits, des pauvres, des faibles et des innocents, et nous accusons les persécuteurs devant le tribunal du Tout-Puissant. Nous demandons aux chrétiens du monde entier, a tous ceux qui croient en Dieu de s’unir à cette voix de protestation et de douleur.

Avant de succomber à l’effroyable mort dans les cruelles souffrances de la faim, qu’il soit pour eux ne serait-ce qu’une petite consolation de savoir que leurs frères savaient leur cruel destin, qu’ils compatissaient, qu’ils souffraient avec eux, et qu’ils priaient pour eux. »

Amen.