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Messe pour la Paix au Moyen-Orient : "Nous voulons mettre en Dieu notre confiance. Il ne laissera pas périr son peuple

« Je suis heureux de vous accueillir ce soir, vous qui avez répondu à mon invitation pour célébrer cette messe pour implorer de Dieu qu’Il donne la paix aux hommes, à tous les hommes, de tous les pays, dans le monde entier mais plus particulièrement aussi la paix au Proche-Orient et la paix pour nos frères chrétiens d’Orient.[…] Grâce à Dieu, dans la communion des Saints, nous pouvons partager ce désir du Pape et nous porter par la prière en proximité avec toutes celles et tous ceux qui souffrent aujourd’hui au nom de la Foi. »

Homélie de Monseigneur André Vingt-Trois, Cardinal Archevêque de Paris

« La foi des chrétiens est confrontée à diverses épreuves tout au long de l’histoire de l’évangile en notre temps. Nous prions en communion avec nos frères des Églises d’Orient dont on pourrait dire, malheureusement, qu’ils sont une nouvelle fois soumis à une épreuve très dure. Car ce n’est pas la première fois même si la forme de l’épreuve est chaque fois différente. Mais d’une certaine façon, nous pouvons en pensant à eux et en regardant l’épreuve qui leur est imposée, nous pouvons éclairer la condition de tous les chrétiens à travers les temps de l’Histoire ; car l’épreuve de la Foi est permanente et pour tous, même si elle ne prend pas une forme violente, comme c’est le cas ici, dans tous les pays et à tous les moments de l’Histoire.

Mais nous sommes confrontés à cette question incontournable.

Pourquoi donc faut-il que ce temps dure si longtemps ?

On pouvait penser qu’avec l’incarnation du Fils de Dieu dans l’histoire des hommes, les temps étaient achevés et qu’on pouvait décréter la fin de l’Histoire avec plus de motifs que n’en avaient les philosophes modernes qui se sont risqués à cette déclaration. Mais nous le savons les premières communautés chrétiennes attendaient le retour du Christ pour un proche avenir. Ils ne pouvaient pas imaginer qu’il y aurait encore quelque chose à faire. Ils pensaient qu’avec la mort et la résurrection de Jésus tout était accompli et qu’on pouvait fermer le théâtre des événements.

Il a fallu des années et des siècles pour que peu à peu les chrétiens comprennent que ce retour du Christ ne serait non seulement pas dans un proche avenir mais serait même dans un avenir indéfini.

Puisque nul n’en connait ni le jour, ni l’heure, ni le lieu… et que c’est une des formes de l’épreuve de la Foi, de savoir que nous nous préparons, perpétuellement, à accueillir quelqu’un qui ne vient pas. Et qu’il faut bien essayer de comprendre ce que nous vivons. La deuxième épitre de Pierre nous donne un élément de réflexion en nous faisant toucher du doigt comment les choses n’ont pas le même sens selon qu’on les regarde dans le regard de Dieu ou selon qu’on les regarde de notre point de vue. Pour Dieu un seul jour est comme mille ans et mille ans sont comme un seul jour. Quelle façon plus simple et lapidaire d’exprimer l’éternité de Dieu, qui se situe hors de la durée par différence avec nous, qui passons notre temps à compter les années qui passent, et qui sommes inévitablement inscrits dans ce déroulement non seulement de notre existence personnelle mais dans le déroulement de l’Histoire des hommes qui constitue une durée. Et nous pouvons comprendre que cette différence de points de vue, entre Dieu pour qui tout est présent en un instant et nous qui découvrons la réalité dans la progression et le développement temporel. Cette différence nous aide à comprendre le sens de cette histoire humaine. Elle n’est pas le fruit d’un retard de la part de Dieu, comme dit St Pierre (il ne peut pas y avoir de retard là où il n’y a pas de durée), elle n’est pas le fruit d’une absence, d’un oubli, d’une exigence ; elle doit avoir un autre sens, et Pierre nous donne une proposition pour comprendre le sens de ce temps : Dieu prend patience envers vous car il ne veut pas en laisser quelques-uns se perdre mais ils veut que tous parviennent à la conversion.

Et donc cette suite de siècles qui nous séparent de l’Ascension du Christ, et les siècles à venir, dont nous ne connaissons pas le nombre, qui nous acheminent vers son retour glorieux, ne sont pas simplement un temps mort, un temps inutile, un temps dangereux, un temps risqué, c’est d’abord le temps de la patience de Dieu à notre égard, à l’égard de chacun d’entre nous.

Vous vous rappelez, peut-être, de cette parabole de l’évangile quand Jésus parle d’un maitre qui rentre, qui visite son domaine, et qui passe devant un figuier qui ne donne pas de fruit. Il dit à son intendant « arrache le, débarrassons-nous en, on n’a pas besoin d’arbre stérile. Et l’intendant lui dit « Seigneur, donne-moi encore une année que je puisse m’en occuper et peut être il donnera du fruit »

 

Et bien nous sommes à tout moment dans cette année supplémentaire. Tout aurait pu s’arrêter l’année dernière. Mais nous avons une année de plus, une année de grâce, une année de répit, pour que les immenses richesses, que nous avons reçues puissent porter du fruit, dans chacune de nos vies, mais aussi dans la vie de notre Église et dans la vie de l’humanité.

Un temps de grâce pour nous convertir.

Pour laisser tracer en nous ce chemin par lequel le Seigneur va venir pour redresser ce qui est tordu, araser ce qui dépasse, travailler la terre de notre cœur pour mettre à jour ces richesses. Une année pour que peut être si nous sommes assez fidèles à la parole de Dieu et au témoignage que nous lui devons même les impies les plus horribles puissent faire retour sur eux même et prendre conscience de leurs qualités d’êtres humains.

Une année de conversion que nous devons annoncer avec confiance et avec espérance. […]

Le temps que nous vivons quelque soient les difficultés auxquelles nous sommes confrontées, quelques soient les épreuves qui nous touchent, que ce soit par la maladie, par la guerre, par la persécution; quelle que soit l’œuvre de mort qui travaille la nature humaine, cette année est pour nous une année de grâce et nous voulons mettre en Dieu notre confiance. Il n’abandonnera pas son peuple. Il ne le laissera pas périr. Il le relèvera. Il le soignera comme une brebis blessée, comme nous dit le prophète Isaïe, et il ouvrira dans l’histoire des hommes des chemins du Salut. Amen

Transcription réalisée par l’Œuvre d’Orient