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"La mosaïque éclatée. Une histoire du mouvement national palestinien (1993-2016)", Nicolas DOT-POUILLARD - la recension du père Sabater

L’espoir de voir surgir un Etat palestinien reconnu semble être du passé. La nouvelle Administration américaine de Donald Trump, le transfert annoncé de l’ambassade des Etats Unis d’Amérique de Tel Aviv vers Jérusalem, l’accélération de la colonisation israélienne, l’exil d’un grand nombre de Palestiniens en Occident, la Bande de Gaza de plus en plus sous contrôle derrière les barbelés du désespoir, la multiplication des contraintes renvoie le bilan palestinien au passif… Que reste-t-il de l’espoir ?

 

La stratégie palestinienne est contestée si bien que l’on note des divisions internes et externes qui affaiblissent le mouvement national et son Président. L’Autorité nationale palestinienne (ANP) est critiquée. La corruption est montrée du doigt (c’est vrai aussi dans d’autres pays et pour d’autres peuples au Moyen-Orient). La situation à l’extérieur de la Cisjordanie ne semble guère mieux si l’on prend pour référence les pays où sont « en attente » les Palestiniens depuis 1948, pour les plus anciens. Ils sont dans des camps au Liban ou en Syrie par exemple, et une partie importante d’entre eux se trouve en Jordanie. La guerre en Syrie et en Irak n’a pas favorisé les rapprochements, bien au contraire. Les divisions se sont creusées entre Fatah et Hamas, mais aussi entre d’autres mouvements palestiniens. Le Camp de Yarmouk en Syrie, ou de Aïn Heloué au Liban en sont les exemples les plus attestés. C’est le constat sans appel que fait Nicolas DOT-POUILLARD, dans son dernier opus intitulé : « La mosaïque éclatée. Une histoire du mouvement national palestinien (1993-2016) ».

 

Le livre s’articule autour de quatre axes principaux : la géographie du territoire (discussion autour de l’idée d’un ou de deux Etats et avec quelles frontières ? Celles que l’on considère comme étant « historiques » ou celles de 1967 ?), la question de la légitimité du pouvoir réel, les moyens efficaces de lutte dont les Palestiniens disposent aujourd’hui (diplomatie, lutte armée…), et enfin la reconstruction des idéologies autour du nationalisme et de l’islam (les revendications se sont davantage islamisées aujourd’hui). Reste que le pouvoir palestinien est fragmenté. L’Autorité palestinienne ne semble être qu’un « lourd fardeau nécessaire » (page 97), et celle-ci plus que jamais est en regard avec une mosaïque de mouvements (dont certains liés à des courants islamiques tel que le Hamas ou le MJIP) qui se disputent le leadership. Pour sortir de cet enfermement, est préconisée la seule légitimité possible en tant qu’union nationale ou unité nationale. Ainsi, « l’axe de la résistance » des années 1970 ne fait plus recette. C’est à Gauche que les liens semblent les plus à même de réunir les forces vives à une résistance réinvestie, même s’ils restent en marge. Notons, par exemple, l’alliance du Parti Communiste (Parti du Peuple) avec le Front Démocratique et l’Union démocratique palestinienne (FIDA). Le FPLP aussi peut jouer un rôle dans ces alliances pour trouver une porte de sortie crédible.

 

L’Autorité palestinienne ne devait agir sous cette forme de gouvernement seulement durant huit ans, or force est de constater que cette Autorité – bien malgré elle – s’auto-reconduit d’année en année du fait que le Mouvement national palestinien n’arrive pas à générer les conditions politiques ad intra et ad extra pour voir advenir l’Etat de Palestine. Selon Nicolas DOT-POUILLARD, le mouvement « a perdu de vue son long terme et se contente de gérer la catastrophe ».

 

Toutefois, si le bilan est amplement négatif et si les injustices se sont creusées, il n’en reste pas moins que le sentiment nationaliste n’est pas du tout altéré. Les dirigeants sont contestés, la stratégie écornée, l’exaspération a gagné les cœurs, mais le nationalisme palestinien n’est pas effacé. L’histoire de libération nationale a vécu des heurts et des contretemps bien peu productifs en 1935 avec la mort d’Ezzedine Al-Qassam, en 1936, en 1982, en 1987 avec la première « intifada », en 2015 (« intifada des couteaux ») pour ne citer que quelques dates. La mort de Yasser Arafat a été aussi, en novembre 2004, un temps d’épreuve et de déchirements… Il y a donc, selon l’auteur, de l’espoir pour l’avenir, mais de quoi sera-t-il fait ? Le rapprochement récent entre le Fatah de Mahmoud Abbas et le Hamas d’Ismaïl Hanyeh permettra–t-il de faire bouger les lignes, de combler les fractures et d’avancer pour le  Bien de l’ensemble du peuple palestinien ? (en arabe : حماس, « ferveur ») – de harakat al-muqâwama al-‘islâmiya (« Mouvement de résistance islamique ») ?

Des choix cornéliens sont désormais à envisager pour que ce sentiment national vive et perdure. C’est sans doute à Gauche que ce sentiment nationaliste arabe est encore le plus affirmé en Palestine, à l’extérieur dans les Camps mais aussi au Moyen-Orient (Egypte) et au Maghreb (Tunisie). Tout ceci donne à voir ces espoirs, ces terres et cette espérance se déliter peu à peu comme « une mosaïque éclatée » non seulement du fait de l’hyper activité israélienne mais simplement du fait des nombreuses divisions internes. L’auteur y voit une certaine « irakisation » ou « syrianisation » du phénomène.

 

Pour autant que l’auteur puisse le dire, cette division apparente du mouvement national palestinien n’est pas « le signe d’une division » (page 210) dont on ne puisse sortir. Reste sauve une conviction générale – qui pourrait servir d’antidote – qui éviterait à la mosaïque d’imploser : le devoir de résister. Et, Nicolas DOT-POUILLARD, de dire : « Lutter, c’est encore exister » (page 207)

 

Patrice Sabater, cm

29 mai 2017

 

Nicolas DOT-POUILLARD, La mosaïque éclatée. Une histoire du mouvement national palestinien (1993-2016). Editions Actes Sud et Institut d’Etudes palestiniennes (Beyrouth). Octobre 2016. 263 pages – 22 €.